Intervention de Alexandre Derigny

Réunion du 20 septembre 2016 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Alexandre Derigny, secrétaire général adjoint de la CGT Finances :

Rassurez-vous, nous sommes nous aussi, en tant que représentants d'organisations syndicales, très attachés à l'aspect citoyen de l'impôt. D'ailleurs, une grande partie des réserves que nous avons vis-à-vis du prélèvement à la source sont fondées là-dessus. D'abord, nous réclamons une véritable réforme de la fiscalité – ce que n'est pas ce texte. Je suis aussi assez content que nos critiques vis-à-vis du trop grand nombre de niches fiscales convergent avec les vôtres. Je prends acte de cette avancée et m'en réjouis. Mais dire que le prélèvement à la source va être une réhabilitation de l'impôt sur le revenu me laisse pantois. Aujourd'hui, l'impôt est direct. C'est vraiment un impôt citoyen, symbole de notre impôt révolutionnaire. Le citoyen déclare son revenu, reçoit un avis puis paie son impôt. Or, on va transformer cet impôt citoyen en impôt indirect. On va le rendre invisible, noyé, perdu. On ne saura même plus qu'on le paie. Est-ce le réhabiliter et le mettre en avant ? Je ne le pense pas.

S'agissant de ce que cela peut impliquer dans l'avenir, je ne dirai pas quelle est ma position personnelle quant à savoir s'il est bon que l'impôt soit conjugalisé, familialisé ou individualisé. En revanche, que l'on soit en faveur de ce dispositif ou contre, il est évident que le prélèvement à la source peut être une première marche vers la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG mais nous avons, nous, d'autres inquiétudes. Dans la mesure où l'impôt sur le revenu est un impôt particulièrement citoyen, nous souhaitons qu'il soit davantage progressif ; or il l'est de moins en moins puisque ces dernières années, on a supprimé tranche après tranche. C'est exactement l'inverse que nous souhaitons. Ce prélèvement à la source pourrait aussi être une première marche vers la mise en place d'une flat tax. Je suis sûr que dans l'hémicycle, certaines personnes sont pour et que d'autres, comme nous, y sont opposées. Je ne pense donc absolument pas que l'on réhabilite l'impôt sur le revenu. Et en termes de nature du recouvrement, la CSG et de l'impôt sur le revenu ne sont absolument pas comparables : l'impôt sur le revenu est progressif, conjugalisé et familialisé là où la CSG s'applique à un individu et est proportionnelle.

Nous sommes nous aussi pour que le prélèvement soit le plus contemporain possible. C'est évidemment une avancée mais il faut qu'il soit mis en place dans des conditions optimales. Pourquoi confier ce recouvrement, même s'il est plus contemporain, aux entreprises plutôt qu'aux administrations fiscales ? M. Éric Woerth, ancien ministre de l'économie, affirmait que les PME avaient mieux à faire que de recouvrer l'impôt : nous pensons nous aussi que ce n'est pas leur rôle premier.

Vous disiez que l'amélioration de la DSN pourrait rendre le taux plus contemporain. Or, ce n'est pas la DSN mais le système fiscal qui fait que le taux peut être contemporain ou non. Quelle que soit la réactivité de la DSN, au 1er janvier d'une année N, vous ne pourrez pas préjuger du revenu qu'un contribuable pourrait percevoir le 31 décembre de cette même année. Dès lors, le taux sera totalement faux si cette personne perçoit des revenus importants au mois de décembre. Cela ne changera donc rien. Le système fiscal étant annualisé, tant que l'année n'est pas terminée, on ne peut déterminer avec certitude un taux d'imposition.

Ne nous ne trompons pas de débat : jamais la CGT n'a condamné la dématérialisation ni la télédéclaration. Dès lors qu'elles peuvent avoir un effet positif et simplifier la vie des contribuables, nous y sommes tout à fait favorables. Nous y sommes opposés lorsqu'elles sont le prétexte de suppressions d'emplois alors même que nous avons des tâches considérables à accomplir et des défis extrêmement importants à relever – par exemple, en matière de fraude fiscale.

Sur le plan international enfin, on ne peut comparer ce qui n'est pas comparable. Les systèmes fiscaux ne sont pas identiques en Allemagne, aux États-Unis et en France. Indiscutablement, la mise en place d'un prélèvement à la source est beaucoup plus compliquée en France en raison du fait que l'impôt est conjugalisé, progressif et familialisé. D'ailleurs, il est également un dispositif qui pose problème et dont les contribuables se plaignent en Allemagne : le décalage dans le remboursement des crédits d'impôt par rapport au prélèvement à la source. Dans une logique comptable, il y a des recettes et des dépenses mais les contribuables se retrouvent redevables de recettes tout en devant attendre un an et demi pour se faire rembourser en dépenses.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion