Intervention de Yves Albarello

Séance en hémicycle du 27 septembre 2016 à 15h00
Liaison ferroviaire entre paris et l'aéroport paris-charles-de-gaulle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Albarello :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lorsque nous avons voté en 2010 le projet de loi relatif au réseau de transport du Grand Paris dit « Grand Paris Express », nous savions qu’il conviendrait de compléter ce réseau par la création d’une desserte spécifique directe de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle depuis Paris.

En effet, cette liaison spécifique directe n’avait pas été réalisée lors de la mise en service de l’aéroport il y a quarante-deux ans. Le succès croissant de celui-ci, l’augmentation régulière de son trafic – il est deuxième en nombre de passagers, premier en nombre de mouvements, et lorsque les Anglais auront quitté définitivement l’espace européen, il deviendra le premier aéroport européen –, l’ouverture de nouvelles aérogares, sa desserte par le TGV Nord-Sud, ont rendu indispensable et urgente la réalisation de cet équipement.

D’autres grands aéroports internationaux, concurrents de Paris, se trouvent ainsi équipés. Paris attend toujours. Paris est en retard.

Or, nous savons qu’il serait vain d’espérer obtenir l’accueil des Jeux Olympiques en 2024, ainsi que celui de l’Exposition Universelle en 2025, si cette liaison directe indispensable entre la capitale et son principal aéroport ne voyait pas le jour avant ces échéances.

Le Gouvernement nous propose donc un projet, le « Charles-de-Gaulle Express » ou « CDG Express », qui « vise à réaliser une liaison ferroviaire rapide, directe et à haut niveau de service entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle. La mise en service est prévue à la fin 2023 ».

Sur le principe, nous ne pouvons qu’approuver ce texte, le Gouvernement reprenant à son compte un projet que nous avions déjà présenté avant 2012, car il relève du bon sens et de l’intérêt général bien compris.

Nous regrettons toutefois qu’il ait fallu quatre années à l’actuel Gouvernement pour se convaincre du bien-fondé de cette idée que nous avions exprimée à l’occasion de la loi sur le Grand Paris.

Mais mieux vaut tard que jamais et nous n’allons pas reprocher au Gouvernement d’avoir, pour une fois, fait sienne une bonne idée qui ne venait pas de lui.

Cela étant, si nous sommes effectivement favorables au projet CDG Express dans son principe, nous ne sommes pas, pour autant, pleinement satisfaits du texte gouvernemental. En effet, celui-ci comporte, à mes yeux, trois insuffisances.

La première concerne les garanties qu’il convient d’apporter à l’exploitation du RER B existant ainsi qu’à la ligne K de la SNCF.

Depuis quatre décennies maintenant, cette ligne RER et cette ligne SNCF irriguent de façon importante le nord de la Seine-et-Marne ainsi que l’Oise toute proche par-delà l’aéroport lui-même et une partie du Val d’Oise. Ces deux lignes ont besoin d’être correctement entretenues et de bénéficier d’améliorations techniques qui ont déjà été définies. En aucun cas, la création du CDG Express ne doit remettre en cause ces améliorations indispensables qui sont indépendantes de la réalisation du CDG Express.

En outre, l’exploitation du CDG Express, sur des voies spécifiques qui lui seront dédiées, ne doit avoir aucune incidence sur le bon fonctionnement des deux lignes RER B et Transilien K. Les lignes doivent être indépendantes, sans qu’il soit possible, pour une raison ou pour une autre, de basculer les trains du CDG Express sur les voies du RER B ou de la ligne K. Cette indépendance entre les deux catégories de lignes doit être solennellement rappelée dans les textes et respectée dans les faits. Si tel n’était pas le cas, la desserte de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle serait fortement dégradée et la crédibilité du nouvel équipement remise en cause.

Le projet de loi est muet à cet égard. C’est pourquoi, le groupe Les Républicains au nom duquel je m’exprime, demande solennellement au Gouvernement de fournir toutes assurances à ce sujet : le CDG Express ne doit en aucun cas impacter la ligne B du RER et la ligne K du Transilien.

Le CDG Express devant être mis en service fin 2023, nous aurons d’ici à cette date la possibilité de contrôler si le programme de modernisation et d’amélioration des lignes B et K est normalement respecté. Nous ne manquerons pas d’être vigilants et de signaler tout manquement à cet égard.

La seconde insuffisance concerne le financement du projet. Le texte ne contient aucune disposition précise à ce sujet. Faut-il en déduire que ce sera la société détenue majoritairement par SNCF Réseau et Aéroports de Paris qui devra assurer la totalité du financement de l’opération ? Certes, l’article 1er de votre projet, monsieur le secrétaire d’État, indique que cette société a, parmi ses objets, le financement de cette « infrastructure ferroviaire destinée à l’exploitation d’un service de transport de personnes entre Paris et l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle ». Soit, mais la nature de ce financement n’est pas précisée.

Nous savons qu’Aéroports de Paris dispose de ressources financières importantes et il est normal qu’il en consacre une partie significative à la réalisation de cette liaison ferroviaire dont il est directement bénéficiaire à travers les passagers qui l’emprunteront. D’ailleurs, il y a une quarantaine d’années, Aéroports de Paris avait contribué au financement d’infrastructures de desserte, la RN2 notamment. En revanche, nous savons dans quel état se trouve aujourd’hui SNCF Réseau, ployant sous les dettes alors que son réseau général, négligé pendant des années au profit du « tout TGV », a besoin d’un effort d’investissement sans précédent. Dans ces conditions, comment la SNCF trouvera-t-elle les ressources pour financer la part du CDG Express qui lui revient ?

Il se dit également qu’une taxe, d’un montant proche de 1 euro, serait créée pour apporter une partie du financement nécessaire au CDG Express. Perçue sur les passagers, au départ ou à l’arrivée de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, elle pourrait rapporter entre 35 et 40 millions d’euros par an en année pleine. Si elle était perçue dès 2017, moyennant une création dans la loi de finances rectificative de fin d’année, elle pourrait ainsi rapporter d’ici à fin 2023 entre 245 et 280 millions d’euros. Nous sommes loin du montant des besoins, qui a été chiffré à plus de 1 milliard d’euros pour les infrastructures, auquel il faut ajouter environ 300 millions d’euros pour le matériel roulant. Cette taxe devrait donc continuer d’être perçue au-delà de 2023. Pendant combien de temps ? Mystère !

Pour notre part, nous estimons que la création d’une nouvelle taxe sur les passagers serait une fausse bonne idée. D’abord, parce qu’il s’agirait d’une nouvelle mesure fiscale venant en contradiction avec la pause fiscale annoncée solennellement par le Président de la République et le Premier ministre. Ensuite, parce que, dans les faits, c’est la compagnie Air France, notre compagnie nationale, qui serait pénalisée plus que toute autre compagnie aérienne. Or, nous le savons aussi, comme la situation financière de la SNCF, la situation financière d’Air France n’est pas bonne. Air France souffre déjà de la « taxe Chirac » pour l’environnement, à laquelle ses concurrents ne participent que très faiblement. Elle est donc déjà pénalisée par rapport à ces derniers. Veut-on maintenant lui infliger une double peine avec cette taxe sur les billets s’ajoutant à la « taxe Chirac » ? Nous préférerions une réforme, un aménagement de la « taxe Chirac » dont une partie du produit pourrait servir à financer la réalisation du Charles-de-Gaulle Express. Naturellement, cette solution ne ferme pas la porte à d’autres possibilités, sous réserve que l’on accepte de ne pas augmenter la masse fiscale générale.

Pour terminer, je voudrais apporter une proposition constructive qui ne se trouve pas dans le présent projet de loi. Il s’agit de donner aux personnels travaillant sur la plateforme de Roissy-Charles-de-Gaulle la possibilité d’utiliser régulièrement le Charles-de-Gaulle Express à un prix abordable. En effet, il n’y a pas de raison de réserver cette ligne aux seuls passagers des avions alors que plusieurs dizaines de milliers de personnes travaillent sur la plateforme aéroportuaire et peuvent avoir besoin de ce transport rapide et sûr. S’il est évident qu’elles ne peuvent payer, à chaque trajet, la somme de 24 euros aujourd’hui donnée en référence, ne pourrait-on pas en revanche, sur le modèle du « Pass Navigo » utilisé dans toute l’Île-de-France, créer un « Pass CDG Express » d’un prix mensuel ou annuel raisonnable que les milliers de salariés travaillant sur la plate-forme aéroportuaire pourraient se procurer, laissant ainsi leur voiture au garage pour le plus grand bénéfice de la fluidité de la circulation et de l’amélioration de l’environnement ? Je sais qu’une telle mesure ne peut trouver place dans la loi, mais il importe qu’elle soit envisagée dès maintenant afin que le dispositif soit complet et opérationnel dès l’achèvement des travaux d’infrastructures.

Telles sont les observations que le groupe Les Républicains entend apporter au projet de loi qui nous est soumis. Sous réserve de leur prise en considération, nous voterons ce texte car, par-delà les divergences politiques qui nous séparent, il traduit un réel progrès en faveur du rayonnement de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, qui n’est pas seulement le premier des aéroports parisiens, mais aussi celui de la France tout entière, et notre pays bénéficie de ses retombées bien au-delà de l’Île-de-France.

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