Monsieur le secrétaire d’État, je suis ravie de vous voir représenter le Gouvernement, ce matin, pour débattre de santé publique, car nous avons mené ensemble, lors des mandats précédents, notamment le dernier, de grands combats, parfois même homériques. Je pense en particulier à la lutte contre la prévention de l’addiction à l’alcool, sujet sur lequel nous avons vécu des moments inoubliables, dans l’hémicycle comme en commission.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’agence Santé publique France était ardemment attendue car notre pays a souffert du manque de prévention. Beaucoup l’ont dit et répété mais, au-delà des discours, il y a ceux qui passent aux actes : ce gouvernement, dans la loi de modernisation de notre système de santé, a été au rendez-vous.
En matière de de santé publique, le retour sur investissement est toujours tardif. Je salue par conséquent le courage de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé pour la bataille qu’elle a menée contre le tabac : avoir gagné cette bataille est assez unique, y compris en Europe. Par la suite, nous avons malheureusement été un tout petit plus faibles dans la lutte contre l’alcool, mais, dans quelques années, je pense, il apparaîtra que nous avons eu raison de nous battre.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit de la fusion de ces trois agences, l’EPRUS, l’InVS et l’INPES.
Je salue la délégation de députés qui a rendu visite à l’agence, pour l’inaugurer, en quelque sorte – c’était le 15 juin, si je me souviens bien. MM. Gilles Lurton, Jean Leonetti et Jean-Louis Touraine étaient présents.
Bien évidemment, des questions demeurent. Rappelons d’abord toutes les missions de ces agences.
L’InVS assure le suivi de la couverture de la politique vaccinale, l’étude sur le dépistage du cancer colorectal. Il publie aussi un bulletin épidémiologique hebdomadaire – il est intéressant d’en prendre connaissance car il témoigne de l’articulation entre une politique nationale et les effets au niveau local, sur les territoires.
L’INPES a pour missions – mais je ne serai pas exhaustive, j’en oublierai forcément – de prévenir les consommations à risques de tabac et d’alcool, de lutter contre les comportements addictifs, qualifiés de « toxicomanie », de promouvoir des modes de vie favorables à la santé. Il s’intéresse aussi à ce que j’appellerai les « niches de prévention », concernant par exemple les accidents de la vie courante, vis-à-vis desquels il convient toujours d’être vigilant : je rappelle ainsi qu’une campagne a été menée à propos de la défenestration des enfants, notamment l’été, lorsque les fenêtres sont ouvertes ; quand cela arrive, c’est toujours un drame. L’INPES est aussi chargé, évidemment, de lutter contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles, de favoriser la qualité de la vie pour un vieillissement en bonne santé, de réduire les inégalités face à la santé – inégalités sociales mais également territoriales, les deux pouvant se cumuler –, d’assurer des missions de sécurité sanitaire, de diffuser des messages de prévention lors des crises sanitaires, ou encore d’organiser des campagnes comme celle destinée à faire connaître les consultations jeunes consommateurs, s’adressant en particulier aux fumeurs de cannabis.
L’EPRUS, au-delà des grands principes, est intervenu en renfort, je le rappelle, aux Antilles, pour lutter contre l’épidémie de chikungunya, dans le Finistère, lors de l’épidémie de méningite en 2012. Grâce à ses réservistes sanitaires, elle a aussi pu mener des missions en Libye et au Congo, à Brazzaville.
Je vous rappelle tous ces éléments parce que nous nous interrogeons quant au financement de cette agence, vous vous en doutez, monsieur le secrétaire d’État. Bien sûr, vous avez évoqué la mutualisation des fonctions support. C’est vrai, en général, les fusions de ce genre sont effectuées dans un souci de rationalisation. Néanmoins, le prétexte de la simplification comptable ne saurait impliquer une remise en cause majeure de la place de l’assurance maladie dans le financement de la prévention et de la promotion de la santé. Des amendements, déposés en ce sens, ont été jugés irrecevables. C’est logique, car ils induisaient des coûts, mais nous y reviendrons au cours de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale ou des missions budgétaires concernant la santé, car tous les crédits de la Sécurité sociale sont, en quelque sorte, sanctuarisés en faveur des actions menées.
Toutefois, on le sait, quand l’État intervient dans un financement, des variables d’ajustement budgétaire sont toujours possibles et certaines agences peuvent voir leurs crédits diminuer. Par conséquent, si nous saluons la création de cette agence, monsieur le secrétaire d’État, nous craignons – vous avez d’ailleurs déjà un peu évoqué le sujet – une diminution des moyens qui lui seront alloués, ce qui l’empêcherait de relever les immenses défis de santé publique et de prévention restant devant nous, faute d’avoir été pris en charge ces dix ou quinze dernières années. Il serait dommage qu’à peine née, cette agence soit déjà un enfant dépouillé.
La prévention ne peut être la variable d’ajustement d’une politique budgétaire, je vous le dis avec gravité. Je ne vous cache pas, d’ailleurs, que les responsables de l’agence, M. Bourdillon notamment, ainsi que l’ensemble de ses salariés, nous ont alertés à ce propos. Depuis cinq ans, le budget a déjà été réduit : avant même d’être réunies, les trois agences avaient fait des efforts sur les équivalents temps plein de salariés. Je ne voudrais pas que l’on défasse l’agence procédant de cette fusion, alors qu’elle est appelée à jouer un rôle extrêmement important dans les années et les décennies à venir.