Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour ratifier l’ordonnance de création de l’Agence nationale de santé publique, plus connue sous le nom de Santé publique France, prévue par l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé, adoptée définitivement par notre assemblée le 17 décembre 2015.
Cette nouvelle entité reprend les missions de trois agences sanitaires opérant dans le domaine de la prévention : l’Institut national de veille sanitaire, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires.
Si nous pouvons partager l’objectif mis en avant dans le cadre de cette fusion, à savoir une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité dans la mise en oeuvre des politiques de prévention, nos inquiétudes portent, comme souvent d’ailleurs depuis le début de ce quinquennat, sur les moyens qui seront alloués à cette nouvelle agence et plus largement aux politiques de prévention.
L’expérience nous montre que les mutualisations sont presque toujours prétexte à réduire les moyens et donc les effectifs. Je pense bien sûr aux 625 agents qui travaillent au sein de ces agences et qui ont déjà largement participé, si j’ose dire, à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Sur la période 2010-2015, en effet, les budgets de ces trois structures ont été amputés de 80 millions d’euros, ce qui a entraîné la suppression de soixante-cinq postes équivalents temps plein.
Nos inquiétudes sont donc légitimes et s’appuient sur une réalité concrète. Je constate d’ailleurs que la présidente de la commission – elle vient de le répéter – et plusieurs autres de nos collègues, de la majorité comme de l’opposition, les partagent et les ont exprimées en commission des affaires sociales.
M. le rapporteur s’est voulu rassurant en affirmant que la fusion se fait à budget et à effectifs constants et que la nouvelle agence conserve les attributions des trois agences précédentes. Je dois dire que les propos de M. le secrétaire d’État sont moins rassurants. C’est pourquoi, je tiens à le souligner, nos interrogations demeurent, d’autant que ce regroupement intervient dans un contexte budgétaire sans cesse plus contraint pour les acteurs publics de la santé.
Lors des débats budgétaires de l’automne dernier, nous avions déjà contesté la baisse des budgets liés aux politiques de prévention, baisse qui s’avère malheureusement constante depuis plusieurs années.
J’en veux pour preuve la réduction des moyens de trois missions essentielles : les crédits de la mission « Accès à la santé et éducation à la santé », qui vise à corriger les inégalités et à garantir les meilleures chances pour tous face à la maladie, ont ainsi baissé de 5 % en 2016 ; les crédits de la mission « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins », qui regroupe notamment les campagnes de vaccination, de dépistage et de prise en charge des maladies transmissibles, ont été réduits de 14 % ; quant aux crédits de la mission « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », ils ont baissé de 13 %.
Si la prévention a heureusement progressé, ces dernières années, dans notre pays, elle reste cependant le parent pauvre du système sanitaire français. Pourtant, prévenir les maladies est, n’en doutons pas, le meilleur traitement à leur opposer et constitue de surcroît, pour l’assurance-maladie, un important gisement d’économies potentielles. Ces réductions de moyens sont d’autant plus surprenantes et regrettables qu’elles s’inscrivent dans un mouvement inverse à la volonté déclarée et légitime du Gouvernement de développer la prévention dans notre pays.
À ces constats préoccupants s’ajoutent d’autres inquiétudes qui concernent les perspectives financières du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017. En effet, le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale annoncé triomphalement par le Gouvernement n’est en réalité que la conséquence de graves mesures régressives pour nos concitoyens, qu’il s’agisse du recul de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, des effets de la modulation des allocations familiales, de la suppression de milliers d’emplois au sein des organismes de Sécurité sociale ainsi que des hôpitaux et autres établissements de santé et médico-sociaux.
Nous aurons très prochainement l’occasion de débattre de ces sujets de fond mais je tenais à les évoquer ce matin car, avec 9 millions de personnes vivant dans la précarité et 36 % de la population qui renonce aujourd’hui encore à se soigner, il me paraît urgent de sortir de la vision comptable qui domine les politiques publiques, notamment les politiques de santé, depuis plusieurs années, si nous voulons réellement réduire la fracture sociale et répondre enfin aux besoins de nos concitoyens.
Cela passe évidemment par des programmes de prévention ambitieux et des actes efficaces, et nous espérons que la nouvelle agence de santé publique aura durablement les moyens d’en être un promoteur et un acteur incontournable. Parce que nous conservons cette volonté, en espérant que l’avenir ne démentira pas les assurances apportées par le rapporteur, nous voterons ce projet de loi.