Ces amendements portent sur un tout autre sujet. J’espère que vous ne me tiendrez pas rigueur de nos échanges précédents, monsieur le ministre, et que vous soutiendrez ces amendements, qui sont dans l’intérêt national.
Au mois de mai dernier, le Sénat américain a adopté à la majorité la Justice Against Sponsors of Terrorism Act, dite loi JASTA, qui permet de poursuivre devant les tribunaux américains tout État considéré comme directement ou indirectement complice d’une action terroriste aux États-Unis. Et la Chambre des représentants a adopté le même texte à l’unanimité il y a une dizaine de jours.
Ce texte est une révolution en droit international puisqu’il fait littéralement sauter le principe fondamental de l’immunité souveraine des États. Dès lors, différents États adopteront d’autres lois, et tout le monde va pouvoir attaquer tout le monde devant tous les tribunaux. Cela a d’ailleurs conduit le président Obama à opposer son veto vendredi dernier, 23 septembre. Le problème c’est que la campagne électorale bat son plein aux États-Unis et qu’il n’y aura pas, au Congrès, suffisamment de voix pour s’opposer à ce texte qui sera donc voté par les deux chambres dans les heures qui viennent, avant la fin de la session parlementaire là-bas. Nous sommes donc dans une situation extrêmement difficile. À partir du moment où ce texte sera adopté, n’importe quel État, y compris la France, pourra être traîné devant les tribunaux américains pour tout ce qui pourra être considéré comme une assistance, directe ou indirecte, à un acte terroriste. Les biens de la République française pourront être saisis.
J’ai écrit hier au Président de la République et au président de l’Assemblée nationale pour que nous disions au Congrès américain que ce texte est inacceptable en l’état. À tout le moins, il doit permettre une série d’exceptions pour les États, comme la France, qui sont eux-mêmes victimes d’attentats terroristes, voire alliés des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme.
En l’absence d’amendement à ce texte, la seule chose qui nous reste à faire, c’est d’envoyer un signal très fort au Congrès américain pour lui dire que nous sommes prêts à prendre une mesure analogue. Faute de quoi, nous risquons de nous trouver dans une situation où, un jour ou l’autre, les avocats américains prétendront que la France est liée à tel ou tel attentat, et cela deviendra absolument inextricable. Nous vivons donc un moment solennel, et cela tombe bien que le projet de loi « Sapin 2 » soit actuellement examiné par l’Assemblée, car c’est le moment d’adresser un tel signal.
Je remercie M. Denaja et les autres collègues d’avoir tenu compte de l’évolution de la législation américaine sur plusieurs points du texte de loi, notamment sur le « plaider coupable » en cas de corruption, et d’avoir envoyé hier soir un signal sur l’extraterritorialité. Sur cette question, je compte sur le soutien de tous, car nous sommes entrés dans un état de jungle juridique à l’échelle internationale. Si les États-Unis laissent leurs tribunaux juger les différents États, nous connaîtrons une situation de très grande instabilité. Il faut que l’Assemblée nationale envoie un signal très fort aux États-Unis. Je compte sur votre aide.