Notre regard n'est ni sévère ni complaisant. La Cour n'a pas à être optimiste ou pessimiste : elle doit examiner objectivement la situation à partir des objectifs fixés par vous-mêmes.
Nous nous réjouissons que le déficit se réduise et que, pour la première fois, la dette sociale recule.
Il est inutile d'embellir la situation en indiquant que le redressement est plus important qu'il ne l'est en réalité. Il faut objectiver le redressement. C'est pourquoi nous insistons sur ces fameux 700 millions ; calculer sur treize mois des recettes au titre de la CSG n'a pas de sens. Donc, oui, il y a une réduction du déficit, plus importante que prévue, mais moins importante qu'il n'est dit, et qui ne justifie pas que l'on relâche l'effort : les exemples du passé montrent qu'en cas de relâchement de l'effort les déficits repartaient très vite à la hausse.
L'ONDAM va être réajusté. En prenant en compte les modifications comptables qui sont intervenues, on s'aperçoit que l'ONDAM réel n'était pas à 1,75 %, mais plutôt à 1,9 % ; et désormais le pourcentage sera plutôt de 2,35 %, et non de 2,1 %, qui plus est dans un contexte d'inflation faible. Il faut prendre la situation dans sa globalité, et c'est notre rôle de le faire.
Nous pensons aussi qu'il est possible de rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale sans remettre en cause l'accès aux soins ni la qualité des soins. Il n'y a pas de corrélation entre l'importance du déficit et un meilleur accès aux soins, au contraire.
À propos des transports sanitaires, nous avions proposé la mise en place d'enveloppes pour les établissements hospitaliers, mais cette recommandation n'a pas été suivie d'effet. Pourtant, il existe en la matière des anomalies, des injustices, et nous avions estimé il y a quelques années les économies possibles à hauteur de 500 millions d'euros : ce n'est pas rien !
Même chose pour les médicaments. La France s'est engagée dans la voie des génériques avec retard, voire résistance, par rapport à d'autres pays. Il y a aussi des marges possibles en matière de dépenses d'imagerie médicale et de biologie, à l'hôpital comme en ville, tout comme pour les dialyses, sujet qui avait fait l'objet d'un chapitre l'année dernière.
Les inégalités territoriales existent non seulement en matière d'absentéisme, mais aussi dans la prise en charge d'un certain nombre d'affections de longue durée. On peut s'étonner que ces disparités soient plus importantes dans tel ou tel endroit. Les différences apparaissent-elles justifiées ? Pas toujours. En tout cas, les éventuelles justifications ne sont pas documentées.
Je pourrais citer d'autres exemples qui montrent qu'une meilleure maîtrise des dépenses de santé est possible et nécessaire, sans préjudice pour l'assuré social. Mais il n'y a pas que le patient qui bénéficie de dépenses de santé qui peuvent apparaître en certaines circonstances excessives.
Le déficit de la sécurité sociale se concentre sur l'assurance maladie et le FSV. Pour reprendre la formule du président Durrleman, l'assurance maladie est « l'homme malade » de la protection sociale ! On n'a pas encore épuisé les marges en matière de dépenses de santé. Les dépenses ont toujours un coût, mais elles peuvent être utiles, et la Cour ne remet pas en cause leur pertinence. Pour autant, est-il indispensable de prescrire à des patients de nouvelles analyses ou radios ? Il faut aussi que l'ensemble des acteurs soient responsabilisés.
Une étude comparative réalisée par la Cour a montré que les acteurs sont davantage responsabilisés en Allemagne, tant au niveau des professions médicales et paramédicales que des patients. En France, le comportement d'un certain nombre de patients, mais aussi de médecins ou de paramédicaux, par rapport aux génériques, est anormal ! Les échanges entre la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et les médecins montrent que ces derniers n'acceptent pas toujours les contraintes. En Allemagne, les généralistes acceptent plus facilement des mesures de régulation et sont mieux rémunérés que leurs homologues français : cherchez l'erreur ! Notre système de santé doit s'affranchir des rigidités ! Bien évidemment, l'efficience de la sécurité sociale reste une préoccupation pour nous.
Monsieur Bapt, les résultats qui seront annoncés en fin de semaine seront meilleurs que ce qu'en a dit la Commission des comptes de la sécurité sociale en juin, en raison principalement d'une augmentation plus forte que prévu de la masse salariale, de l'ordre de 2,6 % au lieu de 2,3 %, d'où une hausse plus importante des recettes de prélèvements sociaux. En outre, les effets report sur 2016 sont également plus importants que prévu, notamment pour ce qui est du supplément non anticipé de recettes. Des annonces seront faites sur l'augmentation de la réduction du déficit. Pour autant, restons réalistes : le déficit de l'assurance maladie, qui reste élevé, est une anomalie. La France est un des rares pays à accepter aussi durablement un déficit de ses comptes sociaux, avec une dette qui a été mise sous le tapis au niveau de la CADES et une dette cachée supportée par l'ACOSS. Les taux d'intérêt ne vont sûrement pas remonter dès la semaine prochaine. Mais il convient d'anticiper. Les décisions d'augmentation des recettes pour la CADES relèvent de décisions politiques.
Sur le coût de la convention médicale, vous avez cité le chiffre de 1 milliard d'euros. C'est vraisemblablement ce que cela coûtera en 2020, au terme de la montée en charge progressive. Le coût pour 2017 est de 400 millions d'euros, auquel il faut ajouter un coût pratiquement égal en 2018 – 460 millions –, une centaine de millions en 2019 et 15 millions en 2020, soit un total de 980 millions.
Dans le secteur de l'optique, les décisions qui ont été prises vont dans le sens des préconisations de la Cour. S'agissant des audioprothèses, je crois que rien n'a été décidé ; c'est un sujet important compte tenu du nombre de malentendants.
Enfin, et c'est un vrai sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics, la santé bucco-dentaire des Français est médiocre par rapport à celle de leurs voisins, et le renoncement aux soins est le fait d'un patient sur cinq. Là encore, la Cour a fait des propositions. La prévention est indispensable. L'opération « MT dents » dans le primaire est remarquable et mériterait d'être généralisée. La prévention a des effets extrêmement positifs, et par là même, des conséquences heureuses sur le coût des dépenses.