Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du 20 septembre 2016 à 17h00
Commission des affaires sociales

Antoine Durrleman, président de la 6e chambre de la Cour des comptes :

Monsieur Bapt, la non-suppression de la dernière tranche de la contribution sociale de solidarité a un effet bénéfique sur les comptes de la protection sociale, à laquelle 3,5 milliards d'euros pourront ainsi rester affectés, et en particulier au régime social des indépendants (RSI). Compte tenu de l'intégration financière, in fine, du RSI à la CNAM, le Gouvernement a choisi une autre voie pour alléger les prélèvements sur les entreprises, notamment petites et moyennes, à savoir la majoration du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui va passer de 6 % à 7 %. L'impact de la mesure se fera sentir non pas en 2017, mais en 2018, compte tenu de la mécanique du CICE, qui prend effet avec une année de différé.

S'agissant des problématiques de financement de la dette et de remontée des taux d'intérêt, il faut distinguer deux situations. D'abord, une part de la dette financée par la CADES l'est actuellement à taux variable : un tiers de l'encours de dette est financé à taux variable. Si la prévision du programme de stabilité d'avril 2016 se concrétisait, la charge d'intérêts supportée par la CADES augmenterait de quelque 300 millions d'euros en 2018 et de 450 millions en 2019. L'effet serait beaucoup plus rapide sur la dette supportée par l'ACOSS, entièrement financée à court terme. C'est la raison pour laquelle, l'an dernier, la Cour avait fortement recommandé de reprendre aussi rapidement que possible le maximum de la dette de l'ACOSS, ce qui fut fait dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016, qui a saturé le plafond de reprise prévu jusqu'en 2018. Restent une partie des déficits des années antérieures et le déficit de 2016, ainsi que celui de 2018 et 2019. La Cour préconise la mobilisation des réserves disponibles du fonds de réserve des retraites parce qu'il a été créé pour cela et qu'une partie de la dette est liée à l'assurance vieillesse. Pour le reste, comme l'a dit M. le Premier président, le choix n'appartient pas à la Cour.

Comment progresser, madame Delaunay, vers une couverture complémentaire de meilleure qualité et protégeant davantage ceux qui présentent les risques les plus élevés ? La mesure adoptée dans le cadre de la LFSS pour 2016 pour les personnes âgées va y contribuer. Les aides fiscales et sociales pour la souscription des complémentaires s'élèvent à 3,5 milliards d'euros : la Cour suggère de mieux cibler les aides publiques sur les personnes qui présentent les risques les plus élevés.

La sécurité des systèmes d'information est un des objectifs du plan hôpital numérique. Cet objectif n'est pas encore atteint ; cela étant dit, ce plan n'est pas encore achevé. Seuls 41 % des hôpitaux sont équipés d'un système d'information convenablement sécurisé. Votre commission nous a demandé au printemps une enquête sur le système national interrégimes d'assurance maladie, qui est un système de données de santé permettant de chaîner à la fois les données de santé en ville et les données de santé hospitalières, et nous avons noté que les données de santé hospitalières, issues du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), étaient insuffisamment protégées. C'est un sujet extrêmement important et sensible.

En 2015, le secteur médico-social ne s'est pas vu affecter un certain nombre de dotations qui étaient prévues, et ce pour compenser la très forte dynamique des soins de ville. En effet, ce qui avait mis en réserve sur les hôpitaux n'a pas été suffisant, si bien qu'il a fallu ponctionner les établissements médico-sociaux. L'effet est un ralentissement de la mise en place d'un certain nombre de plans de santé publique qui prévoyaient des créations de places supplémentaires. Cela a été compensé pour partie par un prélèvement sur les réserves de la CNSA. Il n'est pas exclu que la situation de 2015 se reproduise en 2016, car l'ONDAM va être tenu, mais sans doute, de nouveau, avec une forte tension : les dépenses de soins de ville se sont remises à progresser fortement, et les dépenses hospitalières restent dynamiques. Sans doute faudra-t-il compléter l'annulation d'un certain nombre de crédits hospitaliers par d'autres mesures.

J'en viens à la prise en charge de personnes en situation de handicap, en particulier en Belgique. La Cour s'est penchée sur ce sujet dans le cadre d'une enquête qu'elle a lancée, juste avant l'été, sur la prise en charge de l'autisme. Nos équipes se sont rendues en Belgique pour mesurer la réalité de ces prises en charge. Je n'ai pas encore les résultats de cette enquête, mais nous aurons des éléments documentés dans quelque temps.

S'agissant de l'assurance vieillesse, notamment du fonds de solidarité vieillesse, l'impact du chômage et les effets de la conjoncture ne sont pas seuls en cause. Le FSV avait des ressources assez dynamiques, notamment une part de CSG qui lui a été enlevée au profit d'autres besoins de financements ; elles ont été remplacées par des recettes moins dynamiques. Il y a donc une difficulté de structure de financement liée à la conjoncture, parce que ce sont des prélèvements sur le capital, avec des variations qui peuvent être importantes d'une année à l'autre.

Monsieur Viala, vous avez abordé la compensation de la sous-déclaration au titre de la branche AT-MP, qui pèse sur l'assurance maladie. Une commission, présidée par un de nos collègues de la Cour des comptes, se réunit tous les trois ans pour évaluer l'ampleur de cette sous-déclaration, qu'elle a estimée entre 800 millions et 1,3 milliard d'euros Les pouvoirs publics ont choisi une compensation à hauteur d'un milliard. Le phénomène est très documenté grâce au travail de cette commission ; cela étant, il est très difficile à enrayer.

Nous n'avons pas encore évalué le dispositif de modulation des prestations familiales en fonction des ressources, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2015. En revanche, nous reviendrons sur ce sujet dans notre rapport de l'an prochain relatif à la sécurité sociale.

S'agissant des emplois dans les caisses d'allocations familiales (CAF), celles-ci ont en réalité de la marge. En effet, comme les autres caisses de sécurité sociale, elles ont un problème de dimensionnement de réseau, qui pourrait être mieux concentré. Ensuite, l'absentéisme est important dans certaines caisses, par exemple celles de l'Eure et des Bouches-du-Rhône. Enfin, la durée du travail est, par endroits, substantiellement inférieure à la durée légale.

S'agissant des soins bucco-dentaires, le conventionnement sélectif a été défini par la LFSS pour 2016, dont un article prévoit cette possibilité en fonction de modalités d'exercice professionnel, d'exigences de formation, et d'un zonage territorial. Reste à mettre en oeuvre le dispositif. Faciliter l'accès aux soins bucco-dentaires suppose de prendre des textes réglementaires. La LFSS pour 2014 avait prévu la possibilité de limiter, dans le cadre des contrats responsables et solidaires, les tarifs des prothèses dentaires, comme elle l'avait prévu pour l'optique. Le décret d'application a été pris pour l'optique à l'automne 2015, mais celui pour les prothèses dentaires n'est toujours pas sorti.

L'évaluation et l'impact de la fraude sont des éléments que nous documentons chaque année dans le rapport de certification des comptes de la sécurité sociale. Nous avons également contribué aux travaux de la MECSS il y a quelques années sur ce sujet, que nous reprendrons dans les mois à venir pour évaluer les progrès de la lutte contre la fraude et mesurer l'impact de cette fraude, tout particulièrement en matière d'assurance maladie.

Je finis par les rémunérations des médecins. Nous avons documenté le sujet, non pas dans le cadre du rapport sur la sécurité sociale, mais dans le cadre du rapport public annuel pour 2013. Nous avions alors montré que la rémunération des médecins ne provenait pas uniquement des honoraires à l'acte, et qu'il fallait tenir compte des rémunérations sur objectif de santé publique, mais aussi de la prise en charge des cotisations sociales par l'assurance maladie. En réalité, le total des différents éléments de rémunération d'un médecin généraliste montre que l'acte « C » n'est pas rémunéré 23 euros, mais entre 31 et 32 euros, du moins avant la convention médicale du 25 août dernier. Nous serons amenés à revenir sur ces éléments au moment où nous évaluerons les effets de la nouvelle convention médicale.

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