Madame la ministre, vous proposez là de régler un problème extrêmement douloureux pour beaucoup de familles antillaises, réunionnaises, guyanaises ou calédoniennes : la souffrance face à la mort. Vous proposez un accompagnement financier pour rapatrier le corps si l'enterrement a lieu outre-mer, et une aide aux familles désireuses d'assister aux obsèques.
Mais si l'on peut saluer ce requiem pour les morts, je vous aurais invitée à un requiem aussi pour les vivants… Depuis longtemps notre histoire est jalonnée d'allers sans retour, à commencer par l'esclavage, punition inhumaine et barbare. Mais dans les années 1960 aussi, on a assisté à une sorte d'exode transocéanique de gens en quête de travail, des gens qui venaient de Martinique pour travailler dans l'hexagone, à La Poste, à l'hôpital ou ailleurs ; pour près de 75 %, ils ne sont pas revenus. Depuis un moment, je me bats pour que la France fasse ce que l'Espagne fait pour les Canariens : travailler sur un processus de migration-retour. Mettez-le en oeuvre. La continuité territoriale ne doit pas être à sens unique. On sait que le globe terrestre est uniforme, qu'il n'y a pas un morne quelque part où l'on monte en France pour descendre aux Antilles…
Je salue donc votre initiative mais, s'il vous plaît, pensez aux vivants, ouvrez la perspective et donnez la possibilité d'une migration-retour, notamment pour les jeunes très diplômés que les départements et les régions financent pour qu'ils obtiennent des formations de niveau bac +4 ou bac +5, qui vont faire le bonheur des Japonais, des Australiens, des Russes, des Européens, et qui ne peuvent pas revenir dans leur territoire. Cela aiderait à créer les conditions d'un nouveau modèle de développement économique pour ne pas les enfermer dans le pré carré de la consommation éternelle et de l'assistanat.
Je vous invite donc à dépasser cette douleur-là pour aller un peu plus loin. On me promet depuis longtemps la création d'un groupe de travail chargé de réfléchir à la migration-retour. Quand nous l'aurons fait, nous aurons réglé un problème de justice.