Comme un premier amendement portant sur le sujet de la mobilité intérieure a été refusé au titre de l'article 40, j'ai déposé cet amendement de repli qui demande un rapport.
Le dispositif de continuité territoriale englobe la continuité territoriale intérieure, mais les dispositifs s'y rapportant restent optionnels et sont conditionnés à la volonté de l'État et des territoires de la mettre en oeuvre, exception faite de la Guyane.
Nous recevons des aides à la continuité territoriale, des aides pour la mobilité des étudiants, pour la formation, bientôt pour les stages. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée pour me féliciter de l'adoption des amendements visant à couvrir les frais de rapatriement et d'accompagnement des ultramarins décédés dans l'hexagone et à encourager les échanges scolaires à l'échelon régional – même si la question de son application aux collectivités d'outre-mer ne manquera pas de se poser.
Le dispositif de continuité territoriale a été mis en place par l'État, au nom de la solidarité territoriale, pour faciliter la circulation de tous les Français.
Le projet de loi essaie de remédier aux inégalités d'accès au service public et à l'inégalité des chances entre citoyens français. Je voudrais vous faire comprendre à quel point il est fondamental, dans cette perspective, de prendre en compte la continuité territoriale intérieure.
La continuité territoriale « extérieure », autrement dit entre les collectivités ultramarines et l'hexagone, présuppose l'existence de la continuité territoriale intérieure. Quand l'État accorde la continuité territoriale à un territoire pour faciliter la circulation vers l'hexagone, il faut que celle-ci puisse être effective dès la commune de résidence. Cela peut paraître évident mais, dans certains territoires, les habitants doivent parcourir des kilomètres et des kilomètres avant d'atteindre l'aéroport international. Je citerai le cas de la Polynésie française, dont la surface maritime est grande comme l'Europe : il me faut quatre heures d'avion pour effectuer le tour de ma circonscription ! Il me paraît inconcevable qu'on offre la possibilité aux jeunes des Marquises d'aller étudier dans l'hexagone sans prendre en compte les difficultés de circulation qu'ils rencontrent à l'intérieur du territoire polynésien. On me répondra que des dispositifs sont prévus à cet effet. Je peux vous montrer, documents du Haut-Commissariat de la République en Polynésie française à l'appui, que la couverture des frais n'intervient que de manière partielle, et qui plus est a posteriori, sous forme de remboursement, et ne concerne que la mobilité des étudiants. Rien n'est prévu pour la formation ou l'aide publique classique. Et rien ne sera prévu non plus pour les stages si nous ne faisons rien.
Autre aspect de la continuité intérieure, la continuité intérieure propre qui renvoie au désenclavement des territoires à l'échelon local. Vous avez voulu que le titre IV s'intitule désormais « Dispositions en faveur du désenclavement aérien, numérique et maritime des outre-mer », mais le désenclavement doit commencer à l'intérieur même de nos territoires. Si la Guyane a mis en place une continuité intérieure, ce n'est pas pour rien : c'est une nécessité, une nécessité pour les évacuations sanitaires, une nécessité pour l'accès de nos enfants à l'école. Aux Marquises, des gamins de dix ans quittent leurs parents pour être scolarisés et ne revoient qu'une ou deux fois par an. C'est aussi cela, la réalité de nos territoires. Je ne pense pas que le fait que nous soyons autonomes justifie que l'État se désengage de ce qui est pour nous du ressort de la solidarité nationale. La Polynésie française, avec moins de 300 000 habitants, ne pourra assumer les charges liées à un territoire dont la surface maritime est grande comme l'Europe : c'est impossible. C'est à ce titre que l'État intervient dans plusieurs domaines tout comme nous intervenons dans des domaines de l'État.
Je prends mon temps car je voudrais vraiment vous sensibiliser à ce problème, sur lequel je reviens dans plusieurs amendements. J'ai déjà évoqué lors de votre audition, madame la ministre, la nécessité d'intégrer dans ce texte la question de l'isolement, de la fragmentation, de la taille de nos territoires et de leur éloignement par rapport à la France hexagonale. C'est là que réside le premier de nos handicaps, un handicap structurel qui ne pourra jamais être rattrapé et qui justifie la solidarité nationale. Ces particularités, ce sont celles de la Polynésie française, mais aussi de la Guyane, de Wallis-et-Futuna ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, autant de territoires particulièrement enclavés et qui souffrent de problèmes de desserte maritime et aérienne. Quel que soit leur statut, ils appellent un regard particulier de l'État.
Pour que l'aide à la continuité territoriale soit effective en leur sein, il faut insister pour que la continuité territoriale intérieure soit prise en compte. L'amendement de Philippe Gomes n'est pas tout à fait le même que le nôtre : il demande que l'on révise les arrêtés qui fixent les seuils. Car si l'on ouvre des droits par la loi, mais en fixant des seuils qui empêchent les citoyens de bénéficier des dispositifs d'aide, on est dans la parfaite malhonnêteté intellectuelle ! De ce point de vue, l'amendement de M. Gomez met le doigt sur un problème réel pour les collectivités d'outre-mer du Pacifique.
J'ai voulu attirer l'attention sur cet enjeu par cet amendement d'appel, même si je ne tiens pas spécialement à ce qu'il soit adopté car je n'ai pas envie que ce problème soit traité à travers un énième rapport. J'aimerais que nous nous mettions d'accord d'ici à la séance sur la possibilité de mettre en oeuvre la continuité intérieure.