Intervention de Didier Migaud

Réunion du 28 septembre 2016 à 10h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

Disons un reproche.

Personne – le Haut Conseil y compris – ne prétend détenir la vérité. Je constate que, lorsque notre avis est positif, on s'y réfère, et que, lorsqu'il est plus réservé, on prend de la distance, on pointe les erreurs. Mais qui ne s'est jamais trompé ? Je n'aurai pas la cruauté de reprendre toutes les hypothèses macroéconomiques de tel institut de conjoncture, voire de l'INSEE ou du Gouvernement.

Nous essayons de prendre du recul. Nous nous exprimons à un moment donné, en fonction des informations disponibles. La conjoncture évoluant en permanence, il ne paraît pas anormal que les prévisions évoluent elles aussi. Il est arrivé une fois que notre analyse soit en décalage avec les chiffres définitifs. Toutefois, nous ne nous sommes jamais exprimés sur la prévision de déficit à 4,3 % du PIB – si quelqu'un retrouve une phrase du Haut Conseil à ce propos, je serais curieux qu'il me la montre. Parfois nous avons considéré que les hypothèses étaient optimistes. Mais, encore une fois, nous nous plaçons à un moment donné. Le Gouvernement décide de ne pas bouger quels que soient les circonstances et l'environnement international. C'est son choix. Rien ne lui interdit de le faire.

S'agissant de la légitimité du Haut Conseil, on peut naturellement tout remettre en cause. Je vous rappelle toutefois que cet organisme doit sa création à un traité – le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire –, lequel n'a pas été voté par les membres qui composent le Haut Conseil, mais par le Parlement. Remettre en cause la légitimité de cet organisme, c'est en quelque sorte remettre en cause le Parlement lui-même – certains traités ont même été adoptés par référendum. La légitimité du Haut Conseil est celle que lui ont conférée les représentants du peuple.

Encore une fois, il s'agit d'un avis. Nous prenons toujours la précaution de le rappeler. Nous ne sommes pas dans un gouvernement des juges. À ceux qui regrettent que nos avis ne soient pas suffisamment suivis, je réponds que seule la représentation nationale possède la légitimité pour se prononcer. À nous de faire en sorte que celle-ci décide en toute connaissance de cause, même si notre avis doit être gênant ou dérangeant.

Vous nous reprochez de sortir de notre rôle. Je ne crois pas que ce soit le cas. On voudrait que le Haut Conseil des finances publiques, puisque tel est le nom que la loi organique lui a donné, ne s'exprime pas sur les finances publiques et ignore le déficit effectif et le déficit nominal, qui constituent tout de même une certaine référence pour la stratégie des finances publiques. Le Haut Conseil devrait-il se taire, alors que la loi organique lui confie la mission d'apprécier la cohérence avec les objectifs pluriannuels de finances publiques de l'article liminaire de la loi de finances initiale dans lequel les notions de déficit nominal et effectif apparaissent ? Vous seriez les premiers à nous le reprocher si nous ne nous exprimions pas. Nous l'avons fait dans le passé, peut-être un peu plus cette fois car nous pensons que les incertitudes sont plus grandes. Nous le disons.

Soupçonner le Haut Conseil de vouloir interférer dans cette année électorale est particulièrement déplaisant, et totalement injuste vis-à-vis du travail qu'il effectue.

Le Haut Conseil compte en son sein des personnalités très diverses, ainsi que le Parlement l'a voulu. La Parlement connaît parfaitement sa composition, puisqu'il l'a décidée. Nous nous efforçons de nous exprimer de manière consensuelle, afin que toutes les sensibilités puissent se retrouver dans nos avis et que nous soyons aussi utiles que possible au Parlement. Évitons les reproches qui n'ont pas lieu d'être. Je ne les reçois pas bien car je considère que ces attaques sont tout à fait injustifiées.

S'agissant du recalcul de la croissance potentielle, nous nous épargnerions volontiers cet exercice, mais la loi de programmation des finances publiques nous y contraint. Plusieurs d'entre vous ont soulevé la question de la définition du déficit structurel et du solde structurel. Nous continuons de penser qu'il y a un certain intérêt à ne pas raisonner uniquement en termes de déficit nominal, ce qui oblige à s'appuyer sur les hypothèses de calcul de la croissance potentielle, hypothèses qui sont sujettes à caution, nous le savons. Certaines définitions méritent sûrement d'être revues ; nous avons formulé des propositions en ce sens, tout comme le Parlement. Nous sommes disposés à prolonger l'échange avec vous sur ce sujet.

La distinction entre déficit structurel et déficit effectif pose les mêmes problèmes, puisqu'elle dépend également de la croissance potentielle et des définitions retenues. Il y a là une vraie difficulté, qui requiert d'approfondir la discussion.

Monsieur Mariton, je ne répondrai pas à la question sur l'écart. Il ne nous appartient pas de le calculer. Nous ne disposons pas de tous les éléments pour le faire de la façon la plus précise possible.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion