Je ne vous le donnerai pas. D'après ce que j'ai pu lire, nous disons déjà beaucoup de choses. Je suis soucieux de rester dans le cadre des missions du Haut Conseil et de ne pas prendre de risques inconsidérés.
Le Haut Conseil n'a pas les moyens de préciser l'écart avec grande certitude. Nous ne connaissons pas la loi de finances initiale dans le détail. Or, je suis bien placé pour savoir que le diable se cache souvent dans les détails. Mon expérience de rapporteur général et de président de la commission des finances me sert à prendre le recul nécessaire vis-à-vis des présentations du ministère.
Nous avons souhaité identifier quelques risques. S'agissant des hypothèses de recettes, le choix de retenir 1,5 point de croissance peut avoir des conséquences ; sur la consommation et l'investissement, les hypothèses sont optimistes. Il n'y a rien de choquant dans les hypothèses macroéconomiques qui sont présentées, mais le cumul d'hypothèses favorables peut finir par peser sur l'estimation des recettes. Toutes les hypothèses sont positives ; or, il peut se trouver que certaines se vérifient moins que d'autres.
Lorsque nous qualifions le taux de croissance retenu pour 2016 d'« un peu élevé », monsieur Mariton, nous nous appuyons sur l'acquis de croissance et sur ce qu'il faudrait faire au troisième et au quatrième trimestres pour atteindre ce taux. Or, les éléments dont nous disposons ne permettent pas d'envisager un résultat record au troisième trimestre. Nous pouvons nous tromper. Mais, selon les informations dont nous disposons, le taux de 1,5 % pour 2016 semble un peu élevé, tandis que celui pour 2017 nous paraît optimiste compte tenu des facteurs baissiers que nous observons.
Concernant les dépenses, nous disons que les tensions sont plus fortes en 2016 qu'en 2015 – elles risquent de l'être encore davantage en 2017 – pour l'État et pour les collectivités territoriales. Quant au respect de l'ONDAM, on y parvient au prix de fortes tensions, et parfois de quelques artifices.
Nous relevons également quelques impasses. Les économies attendues des négociations sur la convention UNEDIC – 1,6 milliard d'euros – représentent un risque dès lors que celles-ci pourraient ne pas être au rendez-vous. De même, l'absence de dépenses – on peut comprendre le Gouvernement – au titre de la recapitalisation possible d'Areva nous paraît comporter des risques.
L'addition de ces choix peut conduire à considérer les réductions de déficit prévues pour 2017 improbables et le retour du déficit nominal sous le seuil des 3 %, incertain.
Je ne répondrai pas non plus à la question, posée par M. Alauzet, de savoir ce qui m'inquiète le plus. Cela relève du débat politique. Le Haut Conseil n'est pas sollicité pour exprimer un avis sur ce point. Nous ne nous permettrons pas de le donner.
Quant à la Cour des comptes, elle est également attentive à rester à sa place. Elle s'exprimera en février dans son rapport public annuel sur la situation des finances publiques. Les rendez-vous suivants seront le rapport sur l'exécution du budget de l'État, fin mai, puis le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques – un audit annuel qui, le cas échéant, pourra prendre une dimension particulière l'année prochaine.
Le choix des termes « improbable » et « incertain » repose sur un certain nombre d'éléments tangibles qui permettent de considérer que l'avis du Haut Conseil est argumenté.
Il vous appartient de statuer à partir des propositions qui vous sont faites par le Gouvernement. Le Haut Conseil n'a aucune prétention à se substituer aux élus du suffrage universel : il a vocation à éclairer leurs décisions autant que possible, en reconnaissant que lui aussi peut se tromper. Jusqu'à présent, nous nous sommes trompés un peu moins que les autres.