Intervention de Christian Eckert

Réunion du 28 septembre 2016 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics :

Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, c'est un grand plaisir de vous retrouver aujourd'hui pour la présentation de ce projet de loi de finances pour 2017. Ce plaisir s'accompagne, je l'avoue, d'une certaine inquiétude : j'entends déjà certains alimenter les peurs et les fantasmes sur la prétendue perte de contrôle de nos finances publiques pendant une année d'élection.

Je voudrais donc vous présenter ce dernier budget du quinquennat de la manière la plus factuelle possible afin que notre discussion se déroule de manière apaisée et raisonnable.

Ce projet de loi de finances s'inscrit dans la continuité des précédents. Le déficit repassera sous la barre des 3 % en 2017, pour la première fois depuis 2007, et la dette sera enfin stabilisée. Le déficit budgétaire de l'État sera en baisse à 69,3 milliards d'euros en 2017. Le déficit 2016, je le souligne en passant, est revu à la baisse par rapport à la loi de finances initiale : il sera inférieur de 2,4 milliards d'euros aux prévisions. Et, même si ce sujet relève davantage du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) que du PLF, la sécurité sociale reviendra quasiment à l'équilibre après quinze ans de déficits récurrents ; la dette sociale a d'ailleurs commencé à reculer dès 2015. Cette décrue se confirme et s'amplifie en 2016.

En un mot, nous n'avons pas l'intention de dilapider au cours de la dernière année du quinquennat tous les efforts faits depuis quatre ans !

Je vais vous fournir un certain nombre de chiffres : mon propos sera austère mais, dans une époque d'incrédulité face à la parole des gouvernants quels qu'ils soient, c'est la condition de sa crédibilité.

Au moment du programme de stabilité, nous avions dit que, pour atteindre cet objectif de déficit, il nous fallait prendre 5 milliards d'euros de mesures de redressement en 2017, au-delà des économies déjà prévues. Puis le Gouvernement a engagé pour 9 milliards d'euros de dépenses nouvelles et de baisses d'impôts, dont personne n'a d'ailleurs contesté la pertinence et dont je voudrais rappeler les principales.

Les dépenses de l'État, hors charges de la dette et pensions, augmentent par rapport à 2016 en raison notamment des moyens dégagés pour l'école, la sécurité et l'emploi, pour 7 milliards d'euros au total.

Nous voulons un pays où chacun peut accéder au savoir, quelle que soit sa condition sociale. C'est pourquoi l'école et l'enseignement supérieur bénéficieront de 3 milliards de moyens nouveaux ; 11 700 postes seront créés dans l'éducation nationale et 1 000 dans les universités. Nous concrétisons ainsi l'engagement pris par le Président de la République en 2012 de créer 60 000 postes dans l'enseignement au cours du quinquennat.

Nous voulons un pays où l'on vit en sécurité. Les crédits supplémentaires en faveur de la sécurité s'élèveront à près de 2 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2009, non seulement la loi de programmation militaire est respectée, mais la défense reçoit de nouveaux moyens.

Nous voulons un pays où chacun puisse vivre des fruits de son travail. La mobilisation en faveur de l'emploi se traduit par des moyens nouveaux de près de 2 milliards d'euros.

Par ailleurs, nous engageons une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu, avec un allégement d'un milliard d'euros : nous atteindrons ainsi 6 milliards d'euros d'allégements depuis 2014. Ce budget est le troisième consécutif qui diminue l'impôt des ménages : nous pouvons le faire grâce à la réduction continue du déficit. C'est une baisse qui est strictement compatible avec notre objectif de déficit public pour 2017.

Enfin, la division par deux de l'effort demandé au bloc communal en 2017, le relèvement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 2,1 %, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés pour les PME et la baisse de cotisations des indépendants conduisent au total à un ensemble de 9 milliards d'euros de mesures à financer.

Notre tâche était donc de trouver un financement à hauteur de 14 milliards d'euros : les 5 milliards d'euros de mesures de redressement annoncées au moment du programme de stabilité et les 9 milliards d'euros de dépenses et baisses d'impôts annoncées depuis.

Je voudrais donner le détail de ces mesures de financement avec la plus grande précision. Pardonnez-moi de vous donner beaucoup de chiffres, mais je sais que votre commission en a l'habitude. Nous n'avons rien à cacher : ce budget doit être le plus transparent possible pour tuer les fantasmes et les peurs. Les portes de Bercy sont ouvertes à tous les commissaires aux finances !

En premier lieu, nous avons pris des mesures de redressement, soit en dépenses, soit en recettes.

Sur la sphère sociale, cela représente un montant de 1,5 milliard d'euros, dont j'ai donné le détail vendredi dernier lors de la présentation des comptes de la sécurité sociale. Je les rappelle rapidement : 330 millions d'euros de recettes supplémentaires sont attendues de la réduction des niches sociales, d'une hausse de l'imposition du tabac à rouler et d'une imposition des distributeurs de tabacs. Des mesures annoncées lors du comité national de lutte contre la fraude et celles prévues par le PLFSS conduiront à une hausse de 500 millions d'euros du produit de la lutte contre la fraude aux cotisations et aux prestations sociales : sur un total de 400 milliards de dépenses et autant de recettes, c'est un objectif raisonnable. En 2016, les redressements s'élèvent déjà à un milliard d'euros. Des économies supplémentaires sont attendues, pour 270 millions d'euros, sur la gestion des caisses de sécurité sociale et leurs dépenses d'action sociale. Enfin, nous attendons de moindres dépenses, à hauteur de 350 millions, sur un certain nombre de réformes qui montent en charge, en particulier la réforme du capital décès et la nouvelle allocation versée au titre du congé parental.

Dans le champ de l'État, nous prévoyons aussi un ensemble de mesures qui devraient nous apporter 1,3 milliard d'euros de recettes supplémentaires.

Le point commun de ces mesures est qu'elles produisent une recette en 2017 pour le budget de l'État, par effet de trésorerie, en anticipant le versement de recettes qui auraient été perçues en 2018. Mais ces mesures n'amputent pas les recettes de 2018, comme l'a souligné Michel Sapin : en 2018, l'État percevra les recettes qui auraient dû être perçues en 2019. Seuls les contribuables qui auront la patience d'attendre la fin des temps seront donc perdants…

Ces mesures sont les suivantes.

Le cinquième acompte d'impôt sur les sociétés (IS) sera élargi, pour un rendement de l'ordre de 530 millions d'euros : c'est là une mesure qui concerne uniquement les mille plus grandes entreprises du pays, celles qui ont bénéficié de la suppression de la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés, dite contribution « Fillon », pour 3,5 milliards d'euros. Je rappelle aussi que l'impôt sur les sociétés est comptabilisé non pas l'année où il est payé, mais l'année du fait générateur de son émission. Cette disposition ne constitue donc pas un changement important : c'est une petite mesure de trésorerie, pas bien contraignante pour nos mille plus grandes entreprises.

Le régime d'acompte sur le prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO) perçu sur les produits d'épargne sera généralisé. Les banques et compagnies d'assurances, vous le savez, perçoivent le PFO en anticipant la régularisation qui a lieu, pour tous les contribuables, lors de la liquidation de l'impôt. Ces sommes n'étaient reversées par les organismes financiers qu'avec plusieurs mois de décalage ; nous envisageons un versement au fil de l'eau, qui sera sans conséquences pour les épargnants et négligeable pour les sociétés financières – dont certaines nous ont même fait savoir qu'elles n'étaient pas défavorables à cette mesure, les taux d'intérêt rémunérant leur trésorerie étant en ce moment négatifs…

Un acompte sur la majoration de taxe sur les surfaces commerciales sera institué, pour 100 millions d'euros.

Les modalités de versement de la taxe sur les véhicules de société seront calées sur l'année civile : cette mesure, qui relève du PLFSS, rapportera un peu moins de 200 millions d'euros.

Outre ces mesures portant sur les entreprises, le projet de loi de finances comprend un nouveau mécanisme pour lutter contre les contournements du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont nous attendons 50 millions d'euros environ. Il s'agit de considérer comme abus de droit tous les montages destinés « principalement », et non plus « exclusivement », à échapper à tout ou partie de l'ISF par la méthode du plafonnement.

Enfin, nous prendrons en 2017 des mesures de régulation des dépenses du programme d'investissements d'avenir (PIA), qui progresseront modérément au cours de cet exercice : c'est une révision de 1,2 milliard d'euros par rapport à notre prévision du programme de stabilité.

Pour financer les dépenses nouvelles de 2017, nous avons pu également compter sur certaines bonnes nouvelles : n'en déplaise aux oiseaux de mauvais augure, nous ne sommes jamais à l'abri de bonnes nouvelles, même lors de la confection d'un budget !

Compte tenu des dernières informations disponibles, les dépenses sur les contentieux fiscaux ont pu être revues à la baisse : elles devraient être inférieures de 700 millions d'euros aux prévisions.

Grâce à la baisse des taux d'intérêt, la prévision de charge de la dette est inférieure de 1,2 milliard d'euros à notre prévision d'avril.

Nos recettes de lutte contre la fraude, notamment au titre du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), sont maintenant estimées à 1,9 milliard d'euros. Nous nous attendions à une baisse du nombre de dossiers, qui ne s'est pas produite : nous nous attendons donc en 2017 à une recette équivalente à celle que nous aurons perçue en 2016.

Nous pensons que les baisses de dotations aux collectivités territoriales vont produire des effets sur plusieurs années, et c'est ce que nous constatons au premier semestre 2016. La prévision d'évolution des dépenses locales pour 2017 a donc pu être revue à la baisse : elle devrait être inférieure d'un milliard d'euros à nos estimations de début d'année. Cela conduit à un objectif d'évolution de la dépense locale (ODEDEL) de 2 % en 2017, et de 1,7 % pour les seules dépenses de fonctionnement.

Enfin, la réorientation du pacte de responsabilité et de solidarité libère 5 milliards d'euros de marge en 2017. Les règles de la comptabilité nationale conduisent en effet à ce que la hausse du CICE soit enregistrée en 2018.

Au total, ce sont 13,8 milliards d'euros qui nous apporteront, à 200 millions près – c'est l'épaisseur du trait –, les sommes nécessaires.

Certains pourraient nous reprocher de renvoyer à 2018. Je vous rappellerai que, dans la loi de programmation des finances publiques, nous avions prévu 5 milliards d'euros de baisses d'impôt en 2018. Il n'y a donc pas d'aggravation de la trajectoire des finances publiques en 2018. Je sais que nous allons en débattre mais mon rôle est de vous donner des faits.

J'en viens maintenant à la présentation de la réforme du prélèvement à la source, qui changera le quotidien de tous nos concitoyens. M. Jacob a parlé de « fumisterie ». Franchement, ce jugement est méprisant pour les dizaines, voire les centaines de personnes qui ont travaillé sur ce sujet. De temps en temps, il serait bon de se souvenir que, derrière le débat politique, il y a des hommes et des femmes qui travaillent jour et nuit, à la demande de leur ministre.

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