Monsieur le ministre, la comparaison entre la France et l'Allemagne, qui vous permet de conclure que nous sommes meilleurs que les Allemands parce que nous réduisons notre déficit alors qu'eux ne diminuent pas le leur pour la bonne raison qu'ils sont en excédent, me semble quelque peu aventureuse.
Pourquoi ne pas avoir calé vos prévisions sur le consensus des économistes, comme vous l'aviez fait en 2015 et 2016 ? Je vous avais alors félicité pour votre prudence, et les faits ont d'ailleurs confirmé les prévisions. Vous retenez une croissance de 1,5 % pour 2017 et vous maintenez ce taux pour 2016, alors que le consensus envisage plutôt 1,3 % ou 1,4 % pour 2016 et 1,2 % ou 1,3 % pour 2017. Cela représente, sur les deux années cumulées, un écart compris entre 0,3 et 0,5 point de croissance, soit environ 4 milliards d'euros de pertes de recettes. Ce n'est pas très prudent.
Il n'y a pas de baisse des prélèvements obligatoires. Le taux que vous affichez est identique pour 2016 et 2017 : 44,5 %. Le montant des prélèvements obligatoires passerait de 993 milliards d'euros en 2016 à 1 018 milliards en 2017, c'est-à-dire une augmentation de 25 milliards. Vous ne pouvez pas dire que vous baissez les impôts : vous freinez simplement leur hausse, à comparer à la progression de 55 milliards d'euros – sans doute un peu moins en réalité – du PIB.
Si l'on prend l'exemple de l'impôt le plus sensible, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, son produit s'élève en 2015 à 69,3 milliards d'euros ; les prévisions font état de 71,5 milliards pour 2016 et de 73,4 milliards pour 2017. Sans la baisse d'impôts supplémentaire d'un milliard que vous prévoyez en 2017, l'augmentation serait de 2,9 milliards, soit 4 %. Vous ramenez la hausse de 4 % à 2,3 %. Telle est la vérité.
Vos prédécesseurs et vous-mêmes semblez ignorer que la parole publique est décrédibilisée. Quand on annonce qu'on baisse les impôts, les citoyens comprennent que s'ils ont payé 100 cette année, l'année suivante ils paieront moins de 100. Or, ce n'est jamais le cas. Pourquoi vous acharnez-vous à dire des contre-vérités sur l'impôt sur le revenu et sur les prélèvements obligatoires ?
Quant aux dépenses, sont-elles tenues ? Je reconnais que des efforts ont été faits. Mais le taux de croissance de la dépense publique s'accélère. Elle a augmenté de 0,8 % en 2015 et progressera, selon vos prévisions, de 1,4 % en 2016 et de 1,6 % en 2017. Il n'y a donc pas décélération de la dépense publique consolidée, mais accélération.
En outre, l'objectif que vous affichez pour la dépense publique tient compte d'économies que vous ne réaliserez pas. Vous escomptez 1,6 milliard d'euros d'économies des négociations sur la convention UNEDIC. Comment pouvez-vous anticiper des économies résultant de négociations entre les partenaires sociaux qui n'ont pas encore commencé ?
Une partie de la recapitalisation d'Areva, n'étant pas une dotation en capital, sera requalifiée en dépense. D'après le Haut Conseil des finances publiques, vous ne l'avez pas « budgétée ». Est-ce exact ?
Concernant l'ONDAM, vous dites porter les économies de 3,2 milliards d'euros à 4,1 milliards, mais une bonne partie d'entre elles ne seront pas réalisées, et elles se traduisent de surcroît par une hausse du déficit de fonctionnement des hôpitaux, largement passée sous silence. Ce n'est pas raisonnable. L'accélération des dépenses est sous-estimée par la non-budgétisation d'un certain nombre d'entre elles.
S'agissant des déficits publics dans leur ensemble, quelque chose m'échappe. Le déficit du budget de l'État stagne ; alors qu'il s'établissait à 70,5 milliards d'euros en 2015, vous l'estimez à 69,9 milliards en 2016 et à 69,3 milliards en 2017. Il n'y a donc quasiment pas de réduction du déficit du budget de l'État. Or, dans le dossier de presse, vous expliquez que celui-ci sera ramené de 3,3 % à 3 % du PIB. Vous anticipez également une dégradation du déficit des collectivités territoriales. Pouvez-vous nous expliquer ces deux prévisions ?
Enfin, vous mettez en avant une baisse de la dette publique : de 96,2 % du PIB en 2015, elle doit passer à 96,1 % en 2016 et à 96 % en 2017. Comment peut-on parvenir à une telle baisse alors que la dette devrait logiquement continuer à augmenter ? L'explication est la suivante : vous continuez de jouer la petite musique des primes d'émission. Vous utilisez à plein ce système, qui ne réduit pas le montant de la dette mais qui reporte les charges financières sur les années suivantes. Dites-nous plutôt le montant que vous anticipez pour les primes d'émission, qui s'élevaient à 22 milliards d'euros en 2015 ?