Un budget est toujours l'expression de politiques publiques.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ne partage pas votre optimisme, messieurs les ministres sur les résultats du quinquennat : la désindustrialisation se poursuit – un million d'emplois industriels ont été détruits en dix ans – en dépit du CICE ; le chômage continue d'augmenter ; les fractures territoriales et sociales s'accentuent. Le chemin que vous avez emprunté n'est pas la voie royale. Ce budget poursuit pourtant dans cette voie, vous exposant à des critiques de notre part.
Ma première interrogation porte sur l'architecture fiscale. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) représente aujourd'hui 50 % des recettes de l'État, quand l'impôt sur le revenu ne compte que pour 3,5 % du PIB. La part de la TVA dans le PIB a augmenté durant ce quinquennat tandis que celle de l'impôt sur le revenu reste très faible par rapport aux autres pays européens dans lesquels elle est plus proche de 7 % ou de 8 %. Pourtant, la première est un impôt régressif – plus on est pauvre, plus on paie – tandis que le second est le seul impôt progressif ; il ne joue pas son rôle aujourd'hui.
Quant à l'impôt sur les sociétés, votre ambition est de ramener son taux à 28 %. En 2017, il devrait rapporter 29 milliards d'euros, contre 52 milliards en 2013, soit une perte de 23 milliards d'euros. Si l'on intègre les effets du CICE en 2018, le rendement de l'impôt sur les sociétés aura été divisé par deux en cinq ans. Il représente aujourd'hui 1,4 % du PIB, demain peut-être 1,2 % seulement, quoi que disent le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), qui hurle contre cet impôt, et le Gouvernement, qui en abaisse le taux pour donner satisfaction aux entreprises. Le problème ne tient pas au taux mais à l'assiette. L'impôt sur les sociétés est complètement mité. Il n'y a plus d'impôt sur les sociétés, et ceux qui hurlent le plus fort sont justement ceux qui parviennent à y échapper. Je plaide pour un taux différencié de l'impôt sur les sociétés selon le chiffre d'affaires, et aussi pour que l'on mette fin aux « trous dans la raquette ».
En matière de lutte contre la fraude fiscale, vous vous félicitez des 14 milliards d'euros de recettes supplémentaires qu'elle vous a rapportés. Concernant les particuliers, des efforts ont été accomplis, même s'il reste encore une liste de clients de l'Union des banques suisses (UBS) à exploiter. Mon interrogation porte sur les entreprises, notamment les multinationales et ce qu'on appelle les « GAFA » : Google, Apple, Facebook, Amazon.
Peut-être ai-je mal compris, mais la France aurait dit qu'elle ne souhaitait pas récupérer une part des 13 milliards d'euros qu'Apple est contraint de rembourser à la suite de la décision de la Commission européenne.
Il n'y a que deux manières de réduire le déficit : en augmentant les recettes ou en diminuant les dépenses. Les GAFA représentent des milliards et des milliards de recettes potentielles. Nous ne pouvons pas accepter que les multinationales ne prennent pas leur part de l'effort collectif. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
J'en viens au prélèvement à la source. Certes, il peut être extrêmement séduisant mais nos excellents services des finances publiques parviennent désormais à un taux de recouvrement de 99 %, sans doute le meilleur en Europe. Comme l'a dit Gilles Carrez, il y a sept ou huit ans, l'instauration du prélèvement à la source présentait peut-être un intérêt ; aujourd'hui, ce n'est pas sûr. Telle est la réalité.
Ce qui inquiète le groupe GDR, ce n'est pas ce qui est dit, c'est le non-dit : la fusion de l'IR et de la contribution sociale généralisée (CSG) risque d'être ensuite enclenchée, posant le problème du financement de la protection sociale.
Par ailleurs, je m'interroge quand même sur l'intervention d'un tiers, en l'occurrence l'employeur, avec qui il existe un lien de subordination, dans les relations avec le salarié, ainsi que sur les incidences de la réforme sur le consentement à l'impôt.