Ce projet de loi ambitieux s'inscrit dans le prolongement de la loi montagne de 1985 qui avait été adoptée à l'unanimité. Souhaitons que nos travaux se poursuivent dans le même esprit. Cette loi avait marqué un tournant majeur pour la reconnaissance à la fois des contraintes spécifiques des territoires de montagne et de leurs atouts considérables qu'il convenait de mieux valoriser. Elle a participé à une réelle renaissance de ces territoires, dans toutes leurs spécificités, dès le début des années 1990. Que ce texte ait pu perdurer sur une aussi longue période, à l'heure de l'inflation législative, traduit bien sa grande qualité.
Bien que des difficultés certaines restent à surmonter, la montagne a bien résisté, sûrement grâce à cette loi. Elle a connu un développement significatif ces dernières années ; en tout cas, elle ne s'est pas dépeuplée.
La loi de 1985 est un héritage législatif précieux auquel nous sommes tous très attachés, et nous souhaitons qu'il puisse être adapté aux évolutions administratives, qui voient l'émergence de régions et d'intercommunalités fortes, mais aussi économiques, sociales et environnementales de ce début de XXIe siècle. Il convient, à cet égard, de rappeler devant cette commission que les effets du changement climatique sont ressentis bien plus durement dans les territoires de montagne que sur le reste du territoire. On dit que ces changements sont deux fois plus rapides dans les Alpes et quatre fois plus rapides au-dessus de 1 500 mètres d'altitude.
Il apparaît aujourd'hui nécessaire de faire progresser les dispositions en vigueur pour continuer à permettre un nouveau développement durable de la montagne.
Je souhaite ici rendre hommage aux travaux d'analyse poussés qui ont été menés par Bernadette Laclais et Annie Genevard. Nos deux collègues ont, à travers le rapport de 2015 pour un acte II de la loi montagne, très précisément cerné toutes les évolutions de nos territoires et toutes les lacunes à combler. Leur travail a été reconnu par tous, et je suis très heureuse qu'elles puissent demain défendre ensemble, devant la commission des affaires économiques, ce projet de loi qui a fait l'objet d'un long travail préparatoire en amont et d'une co-construction en concertation avec tous les partenaires et acteurs de la montagne.
Je détaillerai quelques mesures du titre Ier, l'article 16 et le titre IV qui concernent tout particulièrement les thèmes traités par notre commission. Je précise qu'il sera parfois complexe de traiter ici des amendements qui relèvent en réalité du champ de compétences d'autres commissions, en particulier des commissions des affaires économiques et des affaires sociales, et qui ont déjà été vus sur d'autres textes, comme la loi d'avenir pour l'agriculture, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, le projet de loi pour une République numérique ou encore les lois de finances.
Le titre Ier vise à mieux prendre en compte les spécificités des territoires de montagne et à renforcer la solidarité nationale. L'article 1er réaffirme le caractère particulier de la montagne, tel qu'il est reconnu par l'article 1er de la loi montagne du 9 janvier 1985, selon lequel la République française reconnaît la montagne comme un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d'intérêt national. Le projet de loi insère les enjeux liés au changement climatique, à la reconquête de la biodiversité, à la préservation de la nature et des paysages. Le rôle de l'État et des collectivités territoriales est renforcé puisqu'ils ne constituent plus uniquement un soutien aux populations.
L'article 2 traite de la promotion à l'international d'un développement équilibré des zones de montagne. Dans la loi de 1985, il prévoit que le Gouvernement veille à la prise en compte des objectifs de la loi montagne par les politiques de l'Union européenne et à promouvoir, auprès de l'Union et des instances internationales, le développement durable de la montagne comme un enjeu majeur. Dans le présent projet, l'article 2 insère la mention des collectivités territoriales et reconnaît par là leur rôle central. Le Gouvernement et les collectivités territoriales devraient veiller à la prise en compte des objectifs de la loi montagne, non seulement dans les politiques de l'Union, mais aussi – ce qui constitue une évolution par rapport au texte actuel – dans les conventions et accords internationaux et transfrontaliers.
L'article 3 porte sur l'adaptation des politiques publiques aux spécificités de la montagne. Il modifie le célèbre article 8 de la loi de 1985, selon lequel les politiques publiques sont adaptées aux spécificités de la montagne, article qui n'a vraiment jamais été mis en oeuvre. Souhaitons un autre sort à l'article 3 qui détaille les politiques publiques dont il est question et qui prévoit que les politiques publiques sont adaptées éventuellement après expérimentation.
L'article 5 précise et renforce le rôle du Conseil national de la montagne (CNM), qui serait valorisé comme instance de concertation privilégiée entre le Gouvernement et les représentants de la montagne. Le président élu en son sein par la commission permanente du CNM serait, de droit, vice-président du CNM qui, je le rappelle, est présidé par le Premier ministre. Le Conseil serait consulté sur les projets de loi et de décret spécifiques à la montagne. Le président de la commission permanente pourrait saisir le Conseil national de l'évaluation des normes.
L'article 6 précise et renforce le rôle des comités de massif. Il prévoit que le comité de massif peut saisir la commission permanente du CNM. Il serait consulté sur les projets de directives territoriales d'aménagement et de développement durables ainsi que sur tous les projets de schéma de cohérence territoriale (SCoT). Il serait également consulté sur les conventions interrégionales et programmes européens spécifiques, les contrats de plan État-région et les programmes opérationnels européens des régions concernées par son massif. L'organisation du comité de massif reposerait sur trois commissions, l'une compétente en matière d'urbanisme et d'espaces, l'autre en matière de développement des produits de montagne – elle remplacerait l'actuelle commission « qualité et spécificité des produits de montagne » –, et une nouvelle commission traiterait des questions de transport et mobilité.
L'article 7 reconnaît le rôle des conseils régionaux dans la définition et la mise en oeuvre des conventions interrégionales de massif.
L'article 8 redéfinit le contenu des schémas interrégionaux de massif en leurs différents volets. Les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) dans leur ensemble devront prendre en compte les schémas interrégionaux.
L'article 16 vise à adapter les moyens de lutte contre la prédation des troupeaux domestiques par les grands prédateurs aux spécificités de la montagne, dans le cadre et les limites fixés à l'échelon national.
Enfin, l'article 23 prévoit que le syndicat mixte d'un parc naturel régional (PNR) contribue à la prise en compte des spécificités des territoires de montagne et à la mise en cohérence des politiques publiques sur ces territoires ainsi qu'au renforcement des solidarités territoriales, en particulier entre les territoires urbains et montagnards. Le présent article vise également à permettre que la charte d'un parc national ou d'un parc naturel régional puisse créer, lorsque le parc est en zone de montagne, des zones de tranquillité. Nous en discuterons plus précisément lors de l'examen des articles.
En conclusion, notre seul souhait doit être que ce texte donne une nouvelle ambition à la montagne, comme nos prédécesseurs avaient su le faire il y a trente ans.