Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 28 septembre 2016 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

A la différence de M. Myard, je ne suis pas d'accord avec l'introduction historique de notre président, mais ce n'est pas le sujet.

Je voudrais féliciter M. Molina pour sa présentation d'un sujet presque impossible, à peu près convaincante pour quelques experts bien intentionnés du café de Flore. Si vous faites la même chose à Calais ou au métro Stalingrad, on verra vite les limites de votre exposé, par ailleurs factuellement juste sur beaucoup de points.

Je souhaiterais vous poser deux questions avant de vous critiquer :

Vous avez parlé de 180 000 entrées illégales en Europe cette année. J'ai vu des chiffres plus proches de 600 000 pour l'Europe et de 70 000 à 80 000 pour la France, en plus des 200 000 légaux, avec une augmentation cette année, de sorte qu'on aboutit à 100 000 demandes d'asiles.

Le gouvernement aurait par ailleurs libéralisé l'octroi pour atteindre 40 ou 50% de taux d'admission dans certains cas au lieu des 15 à 20 % des années précédentes, afin de convaincre ces gens de quitter les installations sauvages. Combien de personnes rentrent-elles et à combien donne-t-on de visas ?

Dernier point, vous avez été assez elliptique sur les reconduites, peu nombreuses selon la Cour des Comptes. Pouvez-vous faire la lumière sur tout cela ?

Sur le contenu de la politique, il y a plusieurs points faibles.

D'abord la Turquie : l'accord de mars ne fonctionne pas complètement. Nous avons élargi Schengen en donnant les clefs à la Turquie, avec la levée des visas qui est fondamentale pour Erdogan en prévision des élections de 2024. Pouvez-vous camper sur la ligne des sept critères non remplis, compte tenu des pressions exercées en Europe pour rendre cet accord définitif ? Je ne le crois pas.

En outre, cet accord montre en creux que la Turquie a organisé l'explosion des migrations. Les trafics en 2015 se sont élevés à 5 milliards d'euros. Pour qui connaît ce pays et la force de sa police et de ses services de renseignements, envoyer jusqu'à 10 000 personnes par jour vers la côte grecque sans que le gouvernement le sache est impensable.

L'Europe n'a d'ailleurs pas émis l'ombre d'une protestation à propos de la répression qui a suivi le coup d'État de juillet dernier. Si vous pensez tenir durablement avec ce dispositif, vous vous trompez. À moyen terme, nous nous mettons dans la main des Turcs.

Concernant notre politique en Méditerranée centrale, si notre politique de contrôle des frontières de l'Union se limite au sauvetage en mer, nous rentrons complètement dans la logique des trafiquants. Ces derniers, qui prennent jusqu'à 1 000 euros par personne, mettent dans les bateaux suffisamment de carburant pour dépasser les 12 miles, puis appellent eux-mêmes les navires européens pour qu'il aillent chercher les passagers qui sont conduits en Italie aux frais du contribuable, puis entretenus par différents pays et qu'on retrouve enfin au métro Stalingrad.

Tant que nous continuons ainsi, il n'y a aucune raison pour que nous parvenions à vider Calais ou Stalingrad. J'appelle à ce qu'on change ces paradigmes.

En troisième lieu, je voudrais souligner une autre faiblesse, qui est l'accord de La Valette. Ce que je constate, c'est que les pays africains ne nous donnent pas d'accords de réadmission et que les programmes de développement ne sont pas au rendez-vous.

En quatrième lieu, vous parlez d'un renforcement des hotspots et de Frontex, mais on est à peine en train de mettre en oeuvre le règlement datant de novembre dernier.

En cinquième lieu, ce que vous disiez sur les gens que nous ramassons en mer et qui ne font pas l'objet de contrôles ni de relevés d'empreintes ajoute au constat que ce système est extrêmement dangereux d'un point de vue sécuritaire.

Enfin, le système du droit d'asile, dont vous dites qu'il va être réformé une nouvelle fois, a été acté dans la loi française au mois de mai dernier. Ces lois sont d'une générosité exceptionnelle. Des réfugiés économiques ont automatiquement droit au regroupement familial, à l'exercice d'un emploi et à des cartes de résident de longue durée. Cette politique est extrêmement dangereuse. Je milite pour une remise à plat de l'ensemble du système, même si vous avez fait la meilleure présentation possible de notre politique actuelle. Je vous félicite pour la qualité de votre exposé.

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