Intervention de Jean-Claude Guibal

Réunion du 28 septembre 2016 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Guibal :

Je suis sur le terrain à la frontière italienne, près de Vintimille. Je ne cesse de m'étonner de l'écart considérable entre la politique, les moyens mis en oeuvre pour maitriser l'immigration au niveau européen et la réalité de tous les jours. J'ai l'illustration de ce décalage avec les élaborations très sophistiquées de modalités de procédures, de techniques au niveau des bureaux et la réalité vécue par les gens. On parlait des réseaux de passeurs, des migrants, ils sont très organisés, très élaborés également mais ils le sont de manière pratique.

Comment peut-on confier à la Grèce qui a 5 000 kilomètres de côtes le contrôle des frontières extérieures de l'Europe en Méditerranée orientale ? Comment peut-on laisser l'Italie, avec 2 000 km de côtes et des îles qui ne sont pas éparses, mais Lampedusa n'est pas loin de la Lybie, faire face seule à l'afflux de migrants en Méditerranée centrale ?

Au niveau de la frontière française, on nous donne des chiffres officiels. Mais les personnes chargées d'assurer le contrôle de la frontière (les fonctionnaires de la police aux frontières et les membres de la gendarmerie) nous disent que le nombre de migrants traversant la frontière est de 700 par jour. La frontière est totalement poreuse. Elle est contrôlée sur les infrastructures routières, là où il est facile de contrôler. Mais les migrants passent également par les montagnes avec l'aide de passeurs, qui eux aussi « s'ubérisent ». Je veux dire par là qu'il existe des organisations mafieuses en Lybie composées de gens qui sont originaires des pays sources (Erythrée, Soudan ou autres). A la frontière franco-italienne, ce ne sont pas les mafias italiennes qui interviennent mais des individus isolés qu'ils soient italiens ou français, depuis l'entreprise de travaux publics jusqu'à l'artisan, aux taxis qui s'improvisent passeurs. Cela fait 700 entrées par jour. Il est impossible de tenir la frontière. Ceux qui en sont chargés le font avec une application et un professionnalisme admirables mais leur nombre et leurs moyens sont, à l'évidence, insuffisants. Il ne peut pas, de plus, être augmenté puisque les sorties d'écoles de policier ne suffisent pas à renforcer les moyens mis en oeuvre le long de la frontière.

Mon interrogation est donc de savoir à quoi nous jouons. Est-ce que nous nous donnons l'illusion de mettre en oeuvre une politique alors que nous n'en avons pas les moyens ni humains ni même politiques ?

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