Intervention de Roger Genet

Réunion du 28 septembre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Roger Genet, directeur général de l'ANSES :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant votre Commission. Je suis ravi de me retrouver devant vous trois mois après ma prise de fonctions. S'ils ont constitué une immersion dans la vaste étendue des dossiers entrant dans le champ de compétence de l'agence, ces trois mois ne m'ont évidemment pas suffi à acquérir une connaissance parfaite de chacun des sujets scientifiques faisant l'objet de nos études, avis et expertises. Je me suis donc entouré de quelques collègues afin d'être en mesure de répondre le plus précisément possible aux questions que vous nous poserez. Je me tiens à votre entière disposition pour vous fournir, après cette audition, tous les renseignements complémentaires que vous pourriez souhaiter obtenir.

Puisque c'est la première fois que j'ai l'honneur d'être entendu par votre Commission, je vais me présenter en quelques mots et vous faire part des ambitions que je nourris pour l'agence au cours du mandat de directeur général qui m'a été confié pour une durée de trois ans. Je ferai également le point sur les travaux qui ont été publiés depuis mon arrivée : de ce point de vue, notre agence a été très active durant tout l'été.

Je suis avant tout un scientifique, spécialiste en biochimie et enzymologie. Durant plus de vingt ans, j'ai effectué une carrière de chercheur dans un laboratoire de biochimie avant de m'orienter, à partir de 2005, vers le management et les politiques de la recherche, d'abord au sein de cabinets ministériels, puis comme directeur adjoint des sciences du vivant au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). En 2099, j'ai été nommé directeur général du Centre national du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF), que j'ai accompagné dans sa conversion en Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement (IRSTEA), dont j'ai été le premier président exécutif. Je travaillais déjà beaucoup dans le domaine de l'expertise scientifique et à l'appui que peuvent apporter la recherche et la science aux politiques publiques, en particulier en matière agro-environnementale.

Après le Grenelle de l'environnement, j'ai été chargé, avec le président de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), de rédiger la charte nationale de l'expertise scientifique, publiée et adoptée par l'ensemble des établissements de recherche, universités et grandes écoles françaises. En 2012, j'ai rejoint le ministère de la recherche en tant que directeur général de la recherche et de l'innovation, où je me suis efforcé d'accompagner les administrations dans une vision stratégique de l'État ayant pour objectif de responsabiliser ses opérateurs et d'ancrer davantage la France dans l'espace européen de la recherche.

Ce parcours m'a conduit assez naturellement à postuler à la direction générale de l'ANSES, et je suis très heureux que le Gouvernement ait retenu ma candidature. Cela me donne l'opportunité de relever un défi passionnant compte tenu de la variété des sujets dont l'ANSES a à connaître, des sujets parfois polémiques mais toujours d'un très grand intérêt. En 2010, j'ai assisté de l'extérieur à la naissance de l'ANSES, résultant de fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET), et j'ai beaucoup d'admiration pour l'excellent travail qu'y a accompli mon prédécesseur, Marc Mortureux. Je tiens à souligner que les avis de l'agence n'ont jamais été remis en cause, et l'un des grands enjeux de mon mandat consiste à faire en sorte qu'il continue à en être ainsi. J'ai l'intention pour cela de veiller à maintenir la qualité de l'expertise, qui doit s'appuyer sur des travaux scientifiques du meilleur niveau international, mais aussi sur un dialogue nourri associant l'ensemble des parties prenantes de la société, afin d'entendre les questions qui se posent, d'amender nos évaluations en fonction de ces questions, et de rendre un avis tenant compte de toutes les propositions qui peuvent émerger, pas seulement du monde scientifique, mais également de la société civile, en une vision participative.

L'agence est actuellement confrontée à des enjeux nouveaux extrêmement nombreux. Depuis sa création, elle n'a cessé de se voir attribuer de nouvelles missions, ce qui montre bien toute la confiance qu'on lui accorde. Elle emploie 1 400 personnes, dont 650 travaillent dans ses laboratoires – des établissements faisant référence dans le domaine des pathologies animales, qui représente 70 % de notre activité de recherche. Depuis 2010, 10 % de la recherche que nous conduisons est consacrée à la santé des végétaux – le laboratoire de santé des végétaux du ministère de l'agriculture nous a d'ailleurs été transféré –, et 20 % à la sécurité alimentaire, avec plusieurs laboratoires de référence, notamment en matière de salmonelles et de coli hautement pathogènes.

L'agence a également des compétences dans les champs santé-environnement et santé-travail. Faisant appel à environ 850 experts extérieurs dans des domaines très divers, elle a bénéficié, depuis 2015, de transferts de compétences en matière d'évaluation des risques – une activité que nous pratiquions depuis longtemps pour le compte du ministère de l'agriculture au sujet des produits réglementés –, à savoir délivrer et retirer les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et des supports de culture, et expertiser le médicament vétérinaire – cette dernière mission relevant des attributions de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), qui fait partie de l'ANSES.

Le 1er juillet 2016, le ministère de l'environnement nous a transféré les AMM des produits biocides. Par ailleurs, peu de temps après mon arrivée, le ministère de la santé a, dans le cadre de la transposition d'une directive européenne obligeant les producteurs de tabac à déclarer la composition des produits du tabac, de l'herbe à fumer, des produits de vapotage et des produits assimilés, chargé notre agence d'organiser et de recenser ces déclarations, et d'effectuer des contrôles sur la conformité des produits déposés.

Le spectre réglementaire très large dans lequel nous intervenons est assorti des moyens de contrôle correspondants, à savoir la pharmacovigilance sur le médicament vétérinaire, la toxicovigilance – pour laquelle nous nous sommes vu transférer la mission de coordonner les centres antipoison jusqu'alors assurée par l'Institut de veille sanitaire (INVS) –, la nutrivigilance sur les produits alimentaires, et la phytopharmacovigilance, mise en oeuvre dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et assise sur une taxe affectée, prélevée sur la vente des produits phytopharmaceutiques. Enfin, en matière de santé-travail, nous coordonnons le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P).

Pour ce qui est des priorités de mon mandat, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de mon audition par la Commission des affaires sociales, elles se répartissent en cinq axes.

Le premier axe consiste à préserver la crédibilité de l'agence et son indépendance. Nous avons cinq ministères de tutelle principaux, à savoir la santé, l'agriculture, l'environnement, le travail et la consommation. Notre indépendance est l'un de nos atouts majeurs et, pour le pays, l'assurance que les décisions que nous rendons et les recommandations que nous formulons sont fondées sur l'expertise scientifique. C'est également un gage de transparence de nos méthodologies et de nos processus décisionnels.

Le deuxième axe consiste à maintenir un haut niveau d'expertise scientifique, ce qui suppose que nous soyons intransigeants vis-à-vis des 850 experts externes auxquels nous faisons appel, et que nous permettions à nos laboratoires de développer leur rôle de référence et de recherche en les dotant de moyens technologiques du meilleur niveau. Pour ce qui est des compétences humaines, comme je l'ai indiqué, nos laboratoires emploient environ 650 personnes ; parallèlement, nos directions d'évaluation des produits réglementés et d'évaluation des risques sont composées exclusivement de scientifiques de haut niveau, couvrant toute la palette disciplinaire. Pour nous, le lien entre les scientifiques chargés de l'analyse et de la recherche scientifiques et ceux qui élaborent des modèles pour l'évaluation du risque est absolument indispensable.

Le troisième axe consiste à définir une vraie stratégie scientifique sur un ensemble de matières aussi large que possible, afin de disposer d'un temps d'avance en matière d'évaluation des risques et en cas de risque émergent. Nous produisons de la recherche et de l'expertise, mais nous sommes aussi une agence de financement, puisqu'au travers du Programme national de recherche environnement-santé-travail – dont nous fêterons les dix ans en novembre prochain, ce qui sera l'occasion de dresser un bilan de tous les travaux menés –, nous finançons des travaux de recherche effectués par d'autres opérateurs. C'est le cas dans le domaine des radiofréquences pour environ 1,5 million d'euros par an – sur la base d'une taxe affectée – et dans d'autres domaines pour environ 3,5 millions d'euros, provenant des ministères de l'environnement et du travail.

Le quatrième axe consiste à renforcer encore l'ouverture de l'agence et son dialogue avec les parties prenantes et la société. Depuis mon arrivée, j'ai pu constater, au sein des groupes de parole sur les radiofréquences ou sur les nanomatériaux, mais également de notre conseil d'administration – où l'on retrouve les cinq collèges du Grenelle –, que la culture du dialogue de l'ANSES est extrêmement développée. C'est un aspect auquel nous attachons beaucoup d'importance, et que les parties prenantes au conseil d'administration nous confirment régulièrement. Actuellement, ma seule contrariété dans ce domaine est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés de faire venir des personnalités pour siéger au collège des élus : nous avons un peu de mal à trouver un représentant de l'Association des départements de France et un représentant des maires de France, mais j'espère y remédier prochainement.

Le cinquième axe, enfin, consiste à gagner en visibilité et en reconnaissance, et à se développer au niveau européen. Il existe en effet une répartition des rôles entre les agences communautaires – par exemple l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA, en anglais European Food Safety Authority, EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (AEPC, en anglais European Chemicals Agency, ECHA) – et les agences nationales, qui ont chacune leurs compétences. Je suis tout à fait conscient des problèmes qu'une surabondance de réglementation est susceptible d'entraîner – un rapport parlementaire a récemment été publié sur ce thème – et j'estime que nous devons travailler à renforcer la cohérence des normes européennes. Cela dit, sur certaines questions, notre propre appréciation du risque est susceptible d'influencer les positions européennes. Ainsi les États membres ont-ils voté de manière unanime, en juillet dernier, l'interdiction du bisphénol A dans les tickets de caisse, suivant en cela la position que la France avait été la première à exprimer sur la base de sa propre évaluation de risque. Nos scientifiques ont donc pour mission de développer des modèles nouveaux en matière d'approche d'évaluation du risque : rien ne saurait être parfait dans ce domaine, mais l'essentiel est de rester sur le front de la science afin de faire aussi bien que possible dans le domaine de l'évaluation.

J'en viens à l'activité de l'agence depuis ma nomination, en commençant par rappeler que de très nombreux rapports ont été publiés de juin à septembre. Dans le domaine santé-travail, l'agence a publié plusieurs rapports importants, dont un portant sur l'exposition des égoutiers de Paris, sur saisine de la CFTC et du MEDEF, afin de savoir si la surmortalité constatée chez ces personnels a des causes identifiables.

Je précise que nous recevons chaque année environ 200 saisines d'avis de fond, nécessitant parfois quatre à cinq années de travail : ainsi le rapport sur l'impact de l'utilisation des pesticides sur la santé des travailleurs agricoles – un document de 1 000 pages et sept volumes – nous a-t-il demandé quatre ans, passés à compiler des données et à définir des modèles pour procéder aux évaluations de risque. Pour ce qui est des produits réglementés, nous recevons plus de 2 000 saisines par an, qui demandent parfois un travail assez court – il peut s'agir, par exemple, d'évaluer un nouveau complément alimentaire à la demande de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) –, parfois un travail beaucoup plus long. Enfin, nous pouvons également nous autosaisir, comme cela a été le cas en 2010 avec notre étude sur les travailleurs agricoles et les pesticides, qui a abouti à la remise du rapport en 2015. Toujours en matière de santé-travail, nous avons remis en juillet dernier un avis portant sur l'impact sur la santé du travail de nuit et en horaires décalés, et poursuivons notre étude sur le travail séquencé.

En matière de santé-environnement, nous avons publié un rapport sur la recharge artificielle des nappes phréatiques, un procédé que l'agence estime envisageable sous certaines conditions ; un avis portant sur l'exposition des enfants aux radiofréquences, se justifiant par les particularités morphologiques des enfants – la taille et l'épaisseur de la boîte crânienne, le volume du corps, etc. – et le fait que les normes de protection en vigueur ont été définies pour les personnes adultes ; un avis faisant le point sur les perturbations des dispositifs médicaux par les radiofréquences ; enfin, une consultation publique est en cours depuis le mois de juillet sur les phénomènes d'électrohypersensibilité – nos procédures relatives aux sujets les plus complexes prévoient en effet que nous soumettions un prérapport à la consultation publique avant de revenir au groupe de travail et de finaliser notre avis.

L'agence a publié un avis confirmant sa position en matière de perturbateurs endocriniens, qu'elle recommande de répartir en trois catégories : « avérés », « présumés » et « suspectés », à l'instar des produits cancérigènes ou toxiques. Cette position vient contredire celle que la Commission européenne avait fait connaître quelques semaines auparavant, préconisant que la perturbation endocrinienne chez l'homme soit démontrée avant de pouvoir dire qu'une molécule joue le rôle d'un perturbateur endocrinien.

Nous avons publié un rapport très volumineux sur le développement des moisissures dans le bâti et leurs conséquences sur la santé des populations, rejoignant le travail que nous menons au long terme, depuis la création de l'AFSSET, sur la qualité de l'air et les contaminants atmosphériques, à l'extérieur et à l'intérieur des bâtiments – nous avons lancé en 2014 une grande enquête Pesti'Home sur la présence des contaminants à l'intérieur des logements –, qu'il s'agisse des contaminants chimiques comme des contaminants biologiques – notamment les moisissures et spores ; ce rapport contient des pistes visant à renforcer la prévention.

L'ANSES a émis plusieurs avis relatif à l'impact sur les produits de la mer des rejets de l'usine Alteo en Méditerranée, en établissant des comparaisons avec des zones témoins. Un rapport contenant des données expérimentales mesurées a été publié mais nous continuons à travailler sur le sujet, en préparant un rapport complémentaire tenant compte des mesures d'arsenic.

Enfin, dans les semaines qui viennent, nous allons publier un rapport sur les risques sanitaires liés aux substances chimiques présentes dans les jouets en matière plastique destinés aux enfants de moins de trois ans, ainsi qu'une évaluation sur l'impact sanitaire des compteurs électriques Linky.

En matière de santé-alimentation, nous avons publié hier une étude sur l'alimentation totale infantile ; cette enquête, dont nous publions régulièrement les résultats, permet de mesurer les contaminants chimiques dans l'alimentation. Après un rapport portant sur la population totale, publié en 2011, l'enquête qui vient de paraître porte sur les enfants de moins de trois ans et consiste à évaluer la présence dans leur alimentation de 670 substances. Elle confirme le bon niveau de maîtrise sanitaire au regard des valeurs toxicologiques de référence puisque, pour la plupart des substances évaluées, le risque peut être écarté. Parmi les substances pour lesquelles le risque n'a pu être écarté, 16 nécessitent une réduction de l'exposition, sans présenter de risque sanitaire majeur.

D'autres avis et rapports majeurs concluant parfois un travail d'expertise de plusieurs années seront également publiés dans les semaines qui viennent. Nous allons actualiser les repères nutritionnels, dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) qui doit sortir d'ici à la fin de l'année. Nous allons également publier les premiers résultats de l'étude individuelle nationale des consommations alimentaires. Enfin, nous poursuivons notre travail sur l'étiquetage nutritionnel.

En matière de santé animale, l'agence a dû intervenir à plusieurs reprises cet été sur des dossiers complexes ou des crises sanitaires qui ont nécessité que nous soyons extrêmement actifs et réactifs. En ce qui concerne l'influenza aviaire, nos laboratoires ont mis de côté leurs travaux de recherche afin de se mobiliser sur l'évaluation des risques et les détections effectuées sur les élevages du Sud-Ouest : certains de nos collègues se sont rendus sur le terrain en appui des services déconcentrés de l'État, et nous avons travaillé en deux-huit au laboratoire de Ploufragan-Plouzané afin de faire en sorte de revenir le plus vite possible à une situation normalisée. Malgré deux résurgences cet été – nous avons été saisis par le ministère de l'agriculture afin de mieux comprendre les raisons de ces résurgences –, la situation est aujourd'hui considérée comme assainie dans la zone de restriction, ce qui a conduit la Commission européenne à féliciter la France et le ministère de l'agriculture pour leur gestion de la crise, ainsi que les équipes de l'ANSES pour leur réactivité.

Nous sommes attentifs à la situation sur l'île Maurice, où des foyers de fièvre aphteuse provenant de l'île Rodrigues ont été détectés et pourraient s'étendre à La Réunion, voire éventuellement à la France métropolitaine en cas de transferts d'animaux contaminés : c'est donc une situation très préoccupante. Notre laboratoire s'est mobilisé en urgence, et a identifié les bons sérotypes, ce qui a permis de constituer des stocks du vaccin correspondant.

Cet été, nous avons également connu des épisodes de fièvre charbonneuse en Moselle, ainsi que de fièvre catarrhale ovine – il y a 310 foyers sur les trois quarts du territoire métropolitain à ce jour – et, là encore, nos laboratoires sont mobilisés en permanence.

Nous sommes impliqués dans le plan qui sera annoncé lundi prochain par le ministère de la santé sur la maladie de Lyme, sur laquelle non seulement nos laboratoires, mais aussi nos directions d'évaluation mobilisent leur expertise – nous avons ainsi des animaleries nous servant à observer les tiques, et avons mis au point un plan de surveillance de ces parasites. Enfin, depuis plusieurs années, nous étudions l'évolution de la brucellose chez les bouquetins du Bargy, et rendons des avis sur la maîtrise de cette maladie.

Nous nous mobilisons également pour faire face à des crises en matière de santé des végétaux. Je pense en particulier à l'émergence de la bactérie Xylella fastidiosa qui, après avoir affecté les oliveraies des Pouilles, est apparue dans le sud de la France. Dans la mesure où il n'existe pas de laboratoire de référence pour la santé des végétaux au niveau européen, les méthodes de référence au plan européen ne sont pas clairement établies.

Pour ce qui est de l'évaluation des produits réglementés – pesticides, biocides et médicaments vétérinaires –, l'activité de l'agence est intense. Nous avons intégré au fur et à mesure toutes nos nouvelles missions, et mis à disposition du public un nouveau site internet E-Phy qui permet d'avoir accès aux informations relatives à tous les produits phytopharmaceutiques disponibles sur le marché.

Depuis le début de l'année, près de 1 000 décisions relatives à des autorisations et permis ont été délivrées, dont 928 pour les produits phytopharmaceutiques. Trente avis ont été rendus pour les biocides, dont treize AMM. Il est à noter que parmi les décisions, 170 ont consisté en des retraits de produits, dont 126 produits associant glyphosate et tallowamine. L'agence a également procédé au retrait de produits à base de Chlorpyriphos-ethyl ou d'isoproturon – une substance dont l'approbation n'avait pas été renouvelée au niveau européen.

Une attention particulière est portée aux produits de biocontrôle, qui présentent un coût de dépôt d'AMM très réduit et des délais beaucoup plus faibles que ceux des produits phytopharmaceutiques. Cela dit, le nombre de produits de biocontrôle autorisés reste faible – 201 produits sur un total de 1 850 autorisés –, et nous poursuivons notre travail de sensibilisation auprès des filières techniques, notamment afin de les inciter à constituer des dossiers d'homologation de qualité répondant aux besoins de l'évaluation, c'est-à-dire permettant de mettre facilement en évidence l'effet bénéfice-risque des molécules concernées.

Parmi les grands chantiers pour 2017, l'Agence doit conforter son organisation en matière de délivrance des AMM, et se voit confier de nouvelles missions relatives au tabac dans le cadre de la transposition de la directive 201440UE du 3 avril 2014. En matière de veille et vigilance, l'agence mènera une réflexion globale pour optimiser les différentes missions dont elle a la charge, notamment en matière de phytopharmacovigilance, un dispositif crucial car nous ne pouvons délivrer des AMM sans surveiller la vie et l'impact des produits concernés sur la santé et l'environnement. La loi de modernisation de l'agriculture a institué un comité de suivi des autorisations de mise sur le marché, qui me rend des avis sur la mise en oeuvre de nos mesures de gestion et sur les risques potentiels engendrés par l'utilisation des produits concernés.

Nous sommes mobilisés dans le suivi d'un grand nombre de plans nationaux, notamment le Plan national nutrition santé (PNNS), le Plan santé-travail (PST3), le plan Écoantibio, le plan Écophyto, le Plan national santé environnement (PNSE) et le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC).

Par ailleurs, nous menons des actions en matière de prévention des crises sanitaires en santé animale et végétale et en matière de coopération aux niveaux européen et international. J'insiste sur le fait que notre agence a vocation à avoir une dimension européenne et mondiale, c'est-à-dire à faire valoir sa vision en matière en sécurité sanitaire en dehors de la France : au niveau européen, cela doit contribuer à renforcer la cohérence entre les politiques menées par les différents États membres.

Plus précisément, l'agence a été saisie sur nombre de questions qui feront l'objet d'avis ou de rapport en 2017 et sur lesquels vous ne manquerez pas de nous interroger. Il s'agit notamment de l'antibiorésistance, un dossier où nous aurons un rôle très important à jouer pour structurer la recherche et les actions dans une approche One Health – santé animale et santé humaine. Jean-Yves Madec, responsable de l'axe transversal antibiorésistance, sera chargé d'une mission nationale de coordination sur cette question.

L'Agence poursuivra également ses travaux sur les perturbateurs endocriniens et sur les néonicotinoïdes. Bien entendu, nous avions été saisis, avant même le vote de la loi relative à la biodiversité, sur l'évaluation bénéfice-risque des néonicotinoïdes, mais également sur l'effet pour la santé de ces substances et sur les alternatives possibles. La loi nous a donné mission de produire un rapport avant fin décembre sur les alternatives aux néonicotinoïdes, pas seulement chimiques ou biologiques, mais également de pratiques culturales, ce qui suppose que nous renforcions considérablement nos connaissances en matière d'expertise en agronomie.

Étant donné l'ampleur de la tâche qui nous attend, nous ne rendrons qu'un rapport préliminaire en décembre prochain. Pour vous donner une idée du travail à effectuer, en partant des cinq substances néonicotinoïdes autorisées au niveau communautaire, qui peuvent avoir chacun une centaine d'usages différents, et en mettant en relation, pour chaque produit, le couple ravageur-terroir, on aboutit à une somme de 3 600 situations à expertiser en termes de méthodes alternatives ! Ce travail colossal doit nous conduire à faire des recommandations relatives aux arrêtés qui accorderont des dérogations à l'interdiction de l'usage des néonicotinoïdes en 2018, pour la période 2018-2020.

En 2017, nous serons également mobilisés sur la santé des travailleurs, ainsi que sur la santé des abeilles – notre laboratoire de Nice, spécialiste en la matière, fêtera ses quarante ans cette année, et ouvrira ses portes au public à cette occasion. Les abeilles, qui sont un excellent marqueur de la qualité de l'environnement et de l'exposition à un certain nombre de toxiques, sont au coeur de notre activité.

En matière de qualité de l'air, plusieurs chantiers se poursuivront en 2017 avec, entre autres, une expertise sur la surveillance de la contamination de l'air ambiant par les pesticides, une autre sur l'impact sanitaire des pollens et moisissures, et des travaux sur l'exposition des travailleurs aux poussières sur les chantiers.

Sur le dossier du changement climatique, nous effectuerons une expertise sur la problématique de la réutilisation des eaux usées pour l'irrigation urbaine, et évaluerons les épandages réalisés à partir des digestats de méthanisation.

Enfin, pour ce qui est de la qualité de l'eau, nous possédons, à Nancy, un laboratoire d'hydrologie travaillant notamment sur les eaux de boisson et sur les lacs artificiels. L'IRSTEA travaille sur les eaux de surface, donc les rivières, et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) sur les eaux souterraines. Tous ensemble, nous nous efforçons d'identifier les résidus pouvant se trouver dans l'eau, en portant une attention particulière aux cocktails de substances, c'est-à-dire aux effets synergiques des molécules. En cette matière comme dans le domaine de la santé du travail, nous devons avoir une approche des effets de polyexposition.

Bien d'autres travaux vont mobiliser nos équipes et nos laboratoires, je ne peux tous les citer mais je reste à votre disposition pour répondre à vos questions.

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