Intervention de Jacques Myard

Réunion du 5 octobre 2016 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

J'ai eu grand plaisir à travailler avec Karine Berger et Pierre Lellouche sur un sujet qui me rappelle mes amours de jeunesse. J'ai d'ailleurs été amené à appliquer aux Américains la loi de 1980, qui a amendé la « loi de blocage » de 1968. Lorsque nous avons un gouvernement qui décide d'agir politiquement, les Américains sont capables de reculer, car ils savent ne pas aller trop loin.

Actuellement, nous assistons à une volonté manifeste des États-Unis d'utiliser leur droit à des fins politiques, de sécurité et d'influence, mais également à des fins commerciales : c'est une volonté impérialiste. Le droit américain est utilisé pour obtenir des marchés et éliminer des concurrents. Nous devons ne pas être naïfs et prendre conscience de ce qui se passe. Les derniers gouvernements français n'ont pas réagi, mais ils ne sont pas les seuls coupables : les entreprises françaises qui étaient mises en cause dans des affaires de corruption aux États-Unis n'ont rien dit au Gouvernement. En effet, les grands groupes sont dans les mains des cabinets d'avocats américains, qui leur conseillent de ne surtout pas avertir les autorités françaises, et de régler leurs procès discrètement, grâce au mécanisme du plaider coupable ; ces cabinets facturent pour cela des honoraires substantiels. Il est important de prendre en compte l'existence de tels intérêts privés dans notre réflexion. Les États sont éliminés, sauf l'État américain qui, dans la jungle transnationale, a su utiliser son droit de manière extraterritoriale.

On en arrive à des situations d'auto-accusation et à une violation totale et directe de la souveraineté française. Il est scandaleux que des moniteurs soient placés en France, enquêtent en France et transmettent des informations aux États-Unis sans que cela passe par la justice française. Nous ne sommes pas là dans une situation théorique. Il s'agit de mesures d'exécution et je m'étonne qu'il n'y ait pas de magistrats pour réagir à la Chancellerie. Il faut qu'il y ait une prise de conscience face à ce scandale : je suis persuadé qu'elle va arriver, parce que le rapport de Karine Berger et de Pierre Lellouche est très décapant sur de nombreux points.

Je ne partage pas tout à fait l'avis de la rapporteure s'agissant du recours à l'arbitrage. L'arbitrage ne sera pas nécessairement un échec. Si l'on entame une procédure d'arbitrage, la Maison-Blanche et le département d'État américain seront très vigilants. La Cour suprême américaine elle-même a attiré l'attention sur le problème de l'extraterritorialité du droit. L'arrêt Morrison montre clairement qu'à partir du moment où la loi extraterritoriale n'a pas été « sanctifiée » comme telle par le Congrès, elle ne peut autoriser des poursuites. Les Américains se livrent véritablement à une sorte de manipulation planétaire, qui instrumentalisant leur droit, à des fins commerciales, de stratégie d'influence, etc.

La réciprocité dans les relations internationales, c'est le début de la sagesse. Il y a un moment où trop c'est trop !

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