Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 5 octobre 2016 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Mais si ! Jacques Myard n'est pas d'accord avec moi. Mais vous allez voir, monsieur Myard, que je suis d'accord avec vous sur quelque chose que vous avez dit tout à l'heure – une fois n'est pas coutume ! Il est évident que la promotion de l'euro est une façon de lutter contre le monopole de l'utilisation du dollar dans les transactions internationales.

Sur le plan national, vous avez beaucoup insisté sur les dispositions du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Il y a dans ce projet de loi des dispositions novatrices : la création d'une convention judiciaire d'intérêt public, que vous proposez et qui a été adoptée par l'Assemblée et le Sénat, et l'instauration d'une disposition extraterritoriale. Lorsque vous avez présenté vos premières réflexions devant nos commissions, je vous avais demandé d'expliquer dans votre rapport les raisons pour lesquelles la convention OCDE de 1997 – que je connais un peu, car j'ai défendu le projet de loi visant à la ratifier et j'y ai travaillé avec Dominique Strauss-Kahn – est si peu efficace. Vous répondez dans votre rapport qu'il y a une insuffisance manifeste des moyens de la justice, particulièrement du pôle financier. Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce diagnostic, pour avoir considérablement augmenté les moyens de la justice lorsque j'étais garde des Sceaux. Je mesure toutefois à quel point, compte tenu de la complexité de ce type d'affaires, nous sommes encore loin du compte.

Vous soulignez ensuite « l'inadaptation totale des dispositifs juridiques de coopération judiciaire classique, qui donnent des résultats aléatoires et avec des délais imprévisibles ». Rien n'empêche que l'on tâche d'améliorer davantage ces mécanismes de coopération judiciaire classique et je souhaiterais que cela soit souligné. Évidemment, cela suppose des moyens, mais je ne vois pas pourquoi l'on écarte d'un revers de la main la possibilité d'améliorer les mécanismes de coopération judiciaire classiques.

Surtout, vous soulignez « l'obligation de la justice de trouver des preuves qui, dans le cadre de la procédure américaine sont fournies par les entreprises elles-mêmes ». J'avais déjà exprimé mes réserves à l'introduction de cette procédure, dite du « plaider coupable ». Vous avez dit les raisons qui vous amènent à soutenir ce dispositif, mais je veux aller encore plus loin que Jacques Myard : le système anglo-saxon – et pas seulement américain – consiste en réalité à confier à des acteurs privés le soin d'apporter des preuves et de rendre la justice, pour un coût énorme pour le contribuable, avec naturellement des risques d'inégalités – vous y avez d'ailleurs fait allusion tout à l'heure. Je me demande quel impact cette disposition pourrait avoir sur la compétitivité de nos entreprises. Il faut en effet payer des intermédiaires ; il faut payer des avocats dont les honoraires sont élevés. Nous avons toujours refusé ce système. J'espère que nous n'allons pas créer de brèche dans notre système juridique, lequel consiste à confier à des magistrats indépendants du pouvoir politique – et j'espère qu'on ira encore plus loin en modifiant un jour la Constitution –, à des juges d'instruction, à des procureurs, le soin d'apporter ces preuves. Naturellement, il faut qu'ils en aient les moyens financiers, humains et intellectuels.

En Angleterre, quand vous avez un problème, même pénal, le procureur fait son rapport et c'est à l'avocat de la défense d'apporter les preuves. Ce n'est pas un service public de la justice. Cela a été adopté et je n'en ai pas fait un combat, mais je dis : « alerte » et je demande qu'on soit extrêmement vigilant sur les résultats. Il nous faudra avoir une évaluation sérieuse de l'application de cette concession, notamment quant à ses effets pour les entreprises qui paient des amendes et paieront demain des avocats. Comment feront les PME ? Je comprends à cet égard la réticence du ministre des finances, lui-même ancien garde des sceaux. Je tenais à le dire pour que ce soit annexé au rapport. Après, qu'il y ait une autorité centralisée des poursuites, cela est très bien.

Dernière remarque : il faut que l'Iran respecte ses obligations et que la levée des sanctions soit effective. On y a intérêt parce que c'est dans notre intérêt que l'économie iranienne s'ouvre et aussi que le président actuel, M. Rohani, remporte un succès, sinon d'autres tendances que nous connaissons bien prendront le dessus. Malheureusement, il est vrai que nous sommes dans une période critique car l'Iran joue avec les lignes rouges, et le processus de levée des sanctions est complexe – vous l'avez abondamment souligné. Il y a apparemment une bonne coopération avec l'administration américaine mais il faut là aussi être vigilant ; on m'a dit que, dans le secteur de l'aviation civile, l'instruction des licences par l'administration américaine est beaucoup plus lente pour Airbus que pour Boeing.

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