À l'automne 2013, l'examen du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites nous a longuement et fortement mobilisés, aussi bien dans notre commission qu'en séance publique. Promulguée le 20 janvier 2014, la loi a fait l'objet d'un important travail de déclinaison par les administrations, puis par les caisses de retraite. À ce jour, la plupart des décrets d'application ont été pris. Il est donc indispensable que nous, législateurs, tirions les conclusions de l'application de ce que nous avons décidé ici même.
Notre démarche de rapporteurs a consisté en une analyse aussi objective et étayée que possible de la mise en oeuvre de la loi. Ce rapport veut vérifier que l'esprit du législateur est bien respecté à travers l'ensemble des textes d'application publiés.
Même s'il n'est pas question de débattre à nouveau du bien-fondé du dispositif, j'ai à coeur d'en rappeler les principales mesures. Trois enjeux constituaient le coeur de cette réforme : la pérennité financière de notre système de retraites par répartition, auquel Denis Jacquat et moi-même sommes attachés, l'accès aux dispositifs de solidarité et d'équité, la simplification du système de retraites.
Sur le premier point, la réforme a acté l'augmentation progressive de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein, en cohérence avec l'allongement constaté de l'espérance de vie. Cette mesure était absolument nécessaire à la préservation dans la durée de l'équilibre financier de notre système.
Afin de faire face à l'insuffisance de financement de la réforme précédente, il a été nécessaire d'augmenter modérément et progressivement les cotisations salariales et patronales, de 0,30 % pour les uns et de 0,10 % de façon annuelle pour les autres. Cette mesure ainsi que l'effet des dispositions de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites – dont je ne conteste pas la part dans le retour à l'équilibre – permettent d'afficher, pour la première fois depuis onze ans, un excédent du régime général. Dès l'année 2015, cet excédent s'élevait à 500 millions d'euros, et, pour 2016, les prévisions sont de 1,1 milliard d'euros. Je ne doute pas que ce retour à meilleure fortune puisse être salué sur tous les bancs de notre assemblée.
Je rappelle également que, dès 2012, une mesure de justice a permis à ceux qui totalisaient le nombre d'annuités nécessaire de partir à la retraite dès l'âge de soixante ans. En quatre ans, un million de personnes ont bénéficié de cette mesure visant les carrières longues. Que ceux qui avaient commencé à travailler jeunes puissent partir plus tôt que les autres nous semblait constituer une mesure de justice, et a d'ailleurs été perçu comme telle.
Le retour à l'équilibre est essentiel, car il devenait insupportable de transférer année après année notre dette sociale sur les générations à venir. Cette dette s'élève aujourd'hui à 150 milliards d'euros, et nous nous efforçons de l'absorber par les cotisations, notamment la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
Au-delà des comptes, cette réforme visait à introduire des dispositifs de solidarité et d'équité. Beaucoup de catégories ont été ciblées afin d'assurer à chacun une meilleure retraite au moment de la liquidation. Ces mesures avaient toutes le même objet : veiller à ce que tous les événements de la vie, heureux ou malheureux – naissance, études, chômage, handicap, formation –, soient pris en compte, soit sous forme de durée d'assurance, soit sous forme de validation de cotisations. Il fallait faire en sorte d'éviter les carrières incomplètes, qui pénalisent et obligent à travailler plus longtemps pour éviter des décotes diminuant la retraite servie. Ces mesures visaient toutes les injustices qu'un système de retraites peut générer dans le temps ; elles se sont adressées aux femmes, aux jeunes, aux actifs, aux étudiants, aux stagiaires, aux handicapés, aux apprentis, aux chômeurs, aux aidants familiaux, aux agriculteurs.
Parmi les plus significatives, figurent : l'abaissement du seuil d'acquisition d'un trimestre de 200 heures à 150 heures payées au SMIC, mesure apparemment technique, mais qui se révélera appréciable au moment de la liquidation de la pension ; la validation de trimestres d'assurance vieillesse au titre des périodes de stage ou d'apprentissage, assortie de conditions d'achat de trimestres très avantageuses ; la garantie d'un montant minimum de retraite globale de 75 % du SMIC pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ; l'extension aux travailleurs handicapés de l'accès à la retraite anticipée, désormais ouverte à tout assuré justifiant d'un taux d'incapacité de 50 %, contre 80 % jusqu'alors.
Mais la mesure phare était l'instauration du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). Cette disposition dont personne ne conteste le principe même, reconnaissant par-là que certains métiers sont particulièrement difficiles, semble encore poser problème dans son application. Les employeurs ont été entendus et des évolutions ont permis de simplifier au maximum le dispositif. La mise en place de référentiels de branches ne manquera pas d'en favoriser une application plus aisée dans les entreprises. Sur les quatre premiers critères, 500 000 personnes ont déjà acquis des points de pénibilité. Je regrette toutefois que l'opposition, parfois caricaturale, de certains complique la mise en oeuvre sereine de cette disposition.
La simplification du système de retraites constitue le troisième objectif de la réforme du 20 janvier 2014. Elle trouve sa traduction la plus concrète dans la création du groupement d'intérêt public (GIP) « Union Retraite ». Succédant au GIP « Info Retraite », cette structure a pour principal objectif la modernisation de l'offre de service des régimes de retraite et du droit à l'information des usagers. La mise en place du portail commun interrégimes ou de l'application « conseiller Info-retraite » en constitue l'une des premières illustrations.
La modernisation se poursuivra demain avec la liquidation unique des régimes alignés (LURA), qui facilitera de manière très significative les démarches des retraités. Ainsi, les polypensionnés n'auront plus qu'à déposer leur demande de retraite auprès de la caisse de leur dernier employeur, et non plus, comme aujourd'hui, à déposer autant de demandes que de caisses ayant perçu les cotisations. Voilà une belle simplification rendue possible par l'informatique et la bonne volonté, particulièrement de la part des caisses des régimes alignés.
La loi du 20 janvier 2014 a modifié des pans entiers de notre système de retraites. La plupart de ses effets interviendront au fil du temps, au profit des générations futures. Cette réforme remplit les objectifs d'équité et de viabilité financière qui lui ont été assignés. Il n'est pas douteux, dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et dans les mois qui suivront, que le débat sur les retraites reviendra, mais le raviver n'était pas l'objet de notre rapport.