La loi du 20 janvier 2014 est l'un des premiers textes produits par la gauche s'attaquant à la question du système de retraites. L'opposition a combattu ce texte qui recourait à des leviers ni pertinents ni suffisants pour assainir les comptes et bâtir un système plus équitable.
Le premier ressort choisi, après avoir été combattu en 2003 et 2010, a été l'allongement de la durée de cotisation pour tous. Même si nous sommes en partie favorables à cette mesure, elle ne saurait constituer le seul levier à actionner, car il pénalise beaucoup de retraités, singulièrement ceux qui ont le moins cotisé, comme les femmes ou les personnes handicapées. De plus, l'allongement proposé par la ministre Marisol Touraine ne rapportera les 5 milliards d'euros attendus qu'en 2030.
Si le Gouvernement peut s'enorgueillir du retour à l'équilibre du régime général, c'est en grande partie grâce aux recettes générées par le recul de l'âge légal de la retraite décidé par la loi dite « Woerth », du 9 novembre 2010, adoptée sous la précédente majorité. Le rapporteur l'a souligné. Le passage de l'âge légal de soixante à soixante-deux ans à partir de 2018 et de l'âge de la retraite à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans – et non pas soixante-dix ans –, a permis de dégager près de 6 milliards d'euros. De fait, le levier de l'âge a un effet beaucoup plus rapide que celui de l'allongement de la durée de cotisation.
Malgré les effets de la réforme de 2010, les résultats et prévisions concernant notre système de retraites ne sont pas bons, et je n'adhère absolument pas au discours qui voudrait nous faire croire que tout est réglé. La France détient le record mondial du temps passé en retraite – vingt-trois ans pour les hommes, vingt-sept ans pour les femmes – et le ratio actifs-retraités devrait encore se dégrader, à 1,6 en 2030.
Par-delà la pertinence des moyens choisis par le Gouvernement, on constate leur insuffisance. Le rapport insiste sur la traduction de dispositions dans les textes réglementaires, 98 % des textes d'application ayant été adoptés, mais ce délai a été très long. La loi du 20 janvier 2014 aura mis trois ans pour être effective.
Sur des sujets essentiels, les délais demeurent trop longs. Nous sommes toujours en attente d'un rapport du Gouvernement sur la mobilité internationale des assurés, en principe prévu pour le second semestre de l'année 2016. L'harmonisation des pratiques de gestion des différents régimes de retraite est trop lente : à l'heure de la mobilité des carrières, les polypensionnés demeurent les parents pauvres de notre système.
S'agissant du compte personnel de prévention de la pénibilité, le Gouvernement n'est toujours pas au clair avec la mise en oeuvre du mécanisme prévu initialement. L'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) nous indique que les entreprises rencontrent aujourd'hui des difficultés pour mettre en place le dispositif, notamment pour évaluer la pénibilité réelle. L'accompagnement insuffisant, le coût en ressources et la lourdeur administrative constituent d'autres obstacles. Les entreprises auraient besoin de guides pédagogiques, d'une harmonisation des définitions et de critères calculables ainsi que d'un accompagnement par l'ensemble des acteurs. Le compte pénibilité est un frein pour les entreprises, et il fait peser sur elles des charges administratives supplémentaires sans rien résoudre des problèmes auxquels il est censé apporter une solution.
La pénibilité, comme d'ailleurs l'égalité entre les hommes et les femmes, n'est pas un critère à prendre en compte dans le cadre d'une réforme des retraites. Elle fait partie des questions à traiter dans le déroulement des carrières professionnelles. Une réforme des retraites ne peut avoir qu'un seul objectif : l'équilibre des comptes afin de garantir une retraite pour tous.
Concernant les carrières longues, en 2010, l'actuelle majorité s'était opposée à l'allongement de la période pendant laquelle les salariés ayant commencé leur carrière de bonne heure pouvait choisir de prendre leur retraite plus tôt. Aujourd'hui, vous saluez cette disposition, et nous ne pouvons que nous en satisfaire. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis !
Avec trente-six régimes de retraite qui créent de l'opacité et un coût de gestion en conséquence, notre système ne peut aujourd'hui s'adapter rapidement au nouveau contexte démographique. Plus que des paramètres à modifier, c'est le système qu'il faut transformer en profondeur. Je ne doute pas qu'une telle réforme sera l'un des sujets de la campagne présidentielle, car rien n'est réglé pour les années à venir.