Sur l'affaire de l'utilisation des gaz chimiques, notamment du sarin, de grâce, soyons prudents ! Le rapport rendu public par l'ONU en septembre 2013 n'accuse pas. Il n'y a pas de preuves. Et je connais beaucoup d'experts, et non des moindres, qui nient que ce soit le régime qui a utilisé du gaz à la Ghouta. Quant au rapport de l'ONU de 2015, que j'ai lu avec attention, il indique que le régime est responsable dans certains cas, les rebelles dans un autre. Personnellement, je ne mettrais pas ma main à couper que, à la Ghouta, c'est le régime qui était en cause.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que vous ne saviez pas ce que contient l'accord russo-américain. Sans vouloir vous donner de leçons, quand on est diplomate, mieux vaut appliquer la formule de Cocteau : « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur. » Vous avez des relations cordiales avec les Américains, ce qui signifie que vous parlez franchement avec eux : soit ; mais l'effet est désastreux sur la scène internationale, où nous avons l'air de n'être au courant de rien.
En ce qui concerne Alep, s'il est vrai que l'est de la ville est bombardé, avec sa population civile, en revanche ce sont des intégristes islamistes pur jus qui affrontent la coalition de Damas et des Russes ! Que l'on ne nous raconte pas d'histoires : ce ne sont pas des modérés. Ceux-ci n'existent pas et n'ont jamais existé ! Des experts nous l'ont confirmé. À ce sujet, je rejoins mes collègues : il y a un moment où il faut tirer les conclusions des choix que nous avons faits. Même Le Monde le dit : quand al-Nosra prétend avoir quitté Al-Qaïda, c'est du pipeau ! Vous avez en face de vous des intégristes islamistes forcenés, même s'ils sont parfois pris dans des heurts avec l'État islamique. C'est ce qu'ils sont tous, sans exception !
J'ai d'ailleurs été très surpris de ce qui s'est passé avec les Kurdes : alors que ceux-ci, eux, ne sont pas tous intégristes, les Turcs, pour les empêcher de prendre le contrôle de la frontière, ont demandé aux Américains de ne pas les soutenir ; et ils les ont fait reculer. C'est un micmac effroyable !
Tout n'est donc pas blanc ou noir. Pourtant, nous avons visiblement continué de mener une politique manichéenne qui nous mène droit dans le mur – je vous le dis comme je le pense ! Il est temps de réfléchir à nouveau à l'ensemble du conflit et de mesurer que nos intérêts ne nous portent peut-être pas d'un côté plutôt que de l'autre.