Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 27 septembre 2016 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international :

C'est moi que vous interrogez, je vous réponds donc en mon nom. Pour moi, il n'y a aucune ambiguïté.

Vous feignez de vous indigner de ce que les Américains nous tiendraient à l'écart. Nous faisons partie du GISS, avec une vingtaine d'autres pays. Dès la réunion des affinitaires du lundi, au début de la semaine ministérielle de l'Assemblée générale, les Américains nous ont donné un premier papier sur ce qu'ils avaient négocié avec les Russes et nous avons eu une discussion franche avec eux. Les Américains ont fait le pari qu'ils parviendraient à mettre en place une cessation des hostilités en négociant avec les Russes et que ce cessez-le-feu réenclencherait la négociation politique. Ce n'est malheureusement pas arrivé. En interne, je constate d'ailleurs que l'administration américaine a exprimé des réserves sur cet accord.

Par ailleurs, Américains et Russes reconnaissent comme nous qu'il n'y a pas que des djihadistes sur le terrain, que l'opposition ne se réduit pas aux djihadistes. Sinon, pourquoi les Russes auraient-ils voulu distinguer al-Nosra des autres groupes ? Nous-mêmes, nous avons toujours demandé à Riad Hijab, président du Haut Comité des négociations (HCN) représentant l'opposition modérée, de faire le nécessaire sur le terrain pour que les uns et les autres se séparent. Tous admettent donc que le problème vient de Daech et d'al-Nosra, ainsi que des petits groupes qui leur sont associés et qui font partie de la mouvance Al-Qaïda. C'est clair, et nous devons les combattre.

S'en aller ? Cela n'a pas de sens, monsieur Lellouche, puisque nous n'y sommes pas ! En revanche, nous combattons le terrorisme – sur ce point, je pense que nous pouvons tomber d'accord. Nous faisons partie de la coalition internationale contre le terrorisme, contre Daech, qui est notre ennemi en Syrie comme en Irak. Nous nous battons contre Daech parce que cette organisation déstabilise toute une région, mais aussi parce qu'elle nous attaque chez nous. Notre devoir est donc de rester dans la coalition. D'ailleurs, si le porte-avions Charles-de-Gaulle est sur place, c'est pour intensifier nos frappes contre Daech, avec des Rafale qui ont des capacités de frappe supérieures aux Mirage. Il faut continuer ce combat.

La position française n'est pas faible. Elle consiste à dire que, si Russes et Américains sont légitimes, en tant que coprésidents du GISS, à rechercher un accord qui permette une cessation des hostilités, sa mise en oeuvre nécessite un suivi collectif seul de nature à créer la confiance qui rendrait cette trêve durable. Et la France est parvenue à convaincre la plupart des membres du GISS. La France joue donc pleinement son rôle.

De tous ces éléments, je conclus que la France n'est pas absente et qu'elle a permis de recentrer le débat sur les bonnes questions.

Vous dites qu'il ne faut pas penser en blanc et noir. Mais il n'en est pas question. Quant à la prise d'Alep, ne jouons pas sur les mots : s'il faut dire « reprise » pour vous donner satisfaction, soit ! Toujours est-il qu'il y a, à Alep-Est, 250 000 personnes sous les bombes, et pas n'importe quelles bombes : des bombes de plus en plus sophistiquées qui, à l'évidence, ne sont pas seulement syriennes ! Si le régime était seul, avec son armée, il ne pourrait pas l'emporter ; mais il est appuyé par les Russes et par les Iraniens. C'est une réalité ! Il faut que la communauté internationale dénonce ce qui est en train de se passer, comme pour les armes chimiques.

Sur ce dernier point, je veux bien que l'on cherche toujours des excuses, mais là, monsieur Myard, vous êtes allé trop loin !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion