Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 27 septembre 2016 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international :

En ce qui concerne la Libye, monsieur Glavany, je n'ai rien à cacher ; le ministre de la défense est venu devant votre commission et il a répondu à vos questions. Un accident d'hélicoptère a causé la mort de plusieurs militaires français. Nous ne sommes associés à aucun titre, ni de près ni de loin, aux opérations militaires qui viennent d'être entreprises par le général Haftar pour prendre le contrôle du pétrole. Les critiques contre la France après ce tragique accident d'hélicoptère doivent être comprises dans le cadre du jeu intérieur libyen.

Sur ce point non plus, il ne doit y avoir aucune ambiguïté : non seulement nous avons réaffirmé à l'ONU notre soutien au gouvernement de M. al-Sarraj, mais nous avons invité celui-ci à Paris, où il se trouve aujourd'hui ; il sera reçu tout à l'heure par le Président de la République, par Jean-Yves Le Drian, puis par moi-même, après l'entretien avec le Président. Mais nous lui dirons qu'il doit faire sa part du travail pour tenir compte de la diversité libyenne, notamment de l'est. Ce qui compte, c'est l'unité de la Libye.

Il y a aujourd'hui un chaos terrible dans ce pays. Faisons très attention : même si Daech recule, la partie est loin d'être gagnée, d'autant que Daech se disperse, ce qui inquiète les pays alentour. C'est pour résoudre ce problème que la France a pris l'initiative de réunir tous les pays de la région. En outre, c'est par la Méditerranée centrale que passent un nombre considérable de migrants pour venir en Europe, dans des conditions épouvantables : la situation libyenne contribue à cette remontée. Il nous faut prendre cette situation très au sérieux. La Libye paraît peut-être lointaine aux Français, alors même qu'elle est toute proche des frontières européennes ; nous avons tout intérêt à traiter ces questions. Et, la France prend là encore ses responsabilités.

Quant à l'Ukraine, il n'est pas question d'abandonner, monsieur Mariani. Je me suis rendu à Kiev avec M. Steinmeier ; nous sommes aussi allés près de la ligne de contact, lieu de conflits meurtriers en 2014. Nous avons réaffirmé notre position : les accords de Minsk, tous les accords de Minsk ! Ce qui suppose de renforcer la sécurité. Juste avant notre arrivée, un accord de désengagement des trois pôles les plus confrontés à des violations du cessez-le-feu était en négociation ; il devait être signé le 21 septembre. C'était à, nos yeux, bon signe, l'amorce d'autres accords portant sur d'autres zones. Or la signature a bien eu lieu et, la veille de notre arrivée, les séparatistes ont déclaré qu'ils appliqueraient un cessez-le-feu unilatéral. Nous nous sommes appuyés sur ces éléments positifs du point de vue de la sécurité et nous ferons tout pour que la situation s'améliore.

Par ailleurs, j'ai systématiquement lié ces progrès en matière de sécurité à la nécessité d'avancer sur le volet politique. Nous avons donc demandé à M. Porochenko, au Premier ministre et aux partis de la Rada de faire leur part de réformes – réforme électorale, statut spécial du Donbass. Après notre visite, la presse ukrainienne nous a, à moi en particulier, reproché ces paroles. Mais ceux-là même qui me critiquent ont signé les accords de Minsk, qui prévoient un statut spécial pour le Donbass ! Nous allons donc poursuivre sur cette voie.

Certains d'entre vous ont parlé de manichéisme ; pourtant, nous parlons avec les Russes, notamment sur ce dossier ukrainien, et nous le faisons de manière constructive. Nous leur disons que l'éventuelle levée progressive des sanctions sera liée à l'avancement de la mise en oeuvre des accords de Minsk. Nous avons d'ailleurs travaillé à préparer un sommet du « format Normandie » ; c'était le sens de notre visite. Il apparaît au fil des jours que ce sommet réunissant les présidents et la chancelière pourrait avoir lieu assez rapidement. Tout cela va dans le bon sens. Il ne faut pas dire que les accords de Minsk sont morts. Je pense profondément ce que j'ai déclaré à Kiev et qui n'a pas fait plaisir à tout le monde : il n'existe pas de plan B. Simplement, il faut persévérer ; c'est la seule stratégie payante. Je ne désespère pas que nous y arrivions, mais cela suppose de demander à chacun, objectivement, de prendre sa part. À cet égard, nous tenons le même langage aux Russes et aux Ukrainiens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion