Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai en citant l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Tout y est ! Et pourtant l’égalité réelle outre-mer reste un objectif à atteindre, tant les différences avec l’Hexagone sont grandes.
Comme vous l’avez dit, madame la ministre, nous entamons une « marche vers l’égalité » afin de combler les écarts et inégalités existant entre nos territoires et l’Hexagone. Des caractéristiques évidentes, comme l’éloignement avec l’Hexagone et l’insularité, sont à l’origine des nombreuses difficultés qui touchent les citoyens résidant outre-mer : la vie chère, le coût des produits de première nécessité, la gestion des frontières, un environnement économique difficile corrélé à un taux de chômage important, etc.
Mon collègue Stéphane Claireaux le sait bien, chaque territoire est spécifique, à l’image de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui évolue dans un bassin économique riche, avec le Canada et les États-Unis comme voisins, ou de Mayotte, qui, bien que cumulant des retards par rapport aux standards métropolitains, apparaît comme un îlot de prospérité au sein de l’archipel de Comores. C’est une des limites de ce texte, qui entend enfermer dans un cadre unique une stratégie et une politique en faveur de l’égalité réelle pour l’outre-mer.
Sur le fond, la proposition fondamentale du texte consiste à instituer des plans de convergence avec les collectivités locales, pour cibler des objectifs de rattrapage sur dix à vingt ans. Selon le texte, la République reconnaît aux populations d’outre-mer « le droit d’adopter un modèle propre de développement durable pour parvenir à l’égalité dans le respect de l’unité nationale ».
Cependant, le vieux réflexe jacobin reprend le dessus et l’État entend rester au centre de la programmation : les politiques publiques et les objectifs mentionnés à l’article 1er du projet de loi seront définis en concertation par l’État, les acteurs économiques et sociaux, les collectivités territoriales. Cela dénote une conception pour le moins ambiguë de la décentralisation. Il ne faut pas confondre consultation et concertation. La consultation formelle ne remplacera jamais la coproduction avec les collectivités territoriales, qui seules seront à même d’appliquer efficacement les mesures sur le terrain.
Plus encore, il est difficile de différencier ou de qualifier les avantages de ces nouveaux plans de convergence, avec d’une part les grands schémas directeurs actuels, à l’instar des SRDEII, les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, et d’autre part les missions récemment confiées aux EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Cette superposition de schémas et de plans semble contradictoire avec le choc de simplification voulu par le Président de la République.
Le projet de loi propose aussi des mesures sociales qui reprennent beaucoup de revendications récurrentes, c’est probablement là son principal mérite. À ce titre, je salue l’insertion dans le texte, à l’initiative de notre collègue Thierry Robert, de la fixation d’orientations fondamentales en matière d’accès à la mobilité et de lutte contre l’illettrisme, problèmes prégnants dans nos outre-mer. Je note aussi qu’un rapport devra faire le point sur l’effectivité des droits des ultramarins par rapport aux « hexagonaux » dans le domaine des transports et des déplacements. Nous sommes également satisfaits de l’ajout, à l’initiative de notre groupe, d’une définition de la continuité territoriale, celle-ci s’entendant comme un renforcement de la cohésion entre les différents territoires d’un même État, notamment les territoires d’outre-mer, avec la mise en place ou le maintien d’une offre de transports continus et réguliers entre les territoires.
Outre les dispositions sociales, parmi les nombreux autres apports, on relèvera des dispositions relatives au désenclavement numérique, en faveur de l’école et de la formation professionnelle. Pour autant, toutes les demandes que nous avions formulées n’ont pu être entendues. J’espère que l’esprit d’écoute de la ministre des outre-mer continuera d’être positif au cours de la navette parlementaire. Je déplore le rejet de mon amendement tendant à implanter en Guadeloupe un centre relevant de l’Établissement public d’insertion de la défense, et je réitère ma demande. Cette possibilité d’expérimentation, d’adaptation et d’habilitation est, à mes yeux, fondamentale.
Au total, l’impact de ce texte se mesurera par la réduction, à moyen terme, de l’écart avec les standards nationaux en matière de droits sociaux. Dans sa grande majorité, le groupe RRDP le votera. Pour ma part, je m’abstiendrai car il est très en deçà de l’attente de nos concitoyens résidant dans les outre-mer. Alors que certains ont préféré leur carrière à l’avenir des ultramarins, je crois pour ma part aux principes fondateurs de la République : la liberté et l’égalité. Ce qui serait à revoir, ce n’est pas la loi, mais la garantie de son application pleine et entière sur tous les territoires de la République, qu’ils soient excentrés géographiquement ou situés au coeur même de la France continentale.