Intervention de Joaquim Pueyo

Réunion du 28 septembre 2016 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo, rapporteur :

Enfin, troisième question : quels sont les résultats de cette évaluation ? S'agissant de l'évaluation ex-ante, nous avons fait le choix, pour des raisons évidentes, de nous intéresser à l'Accord économique et commercial global (AECG) avec le Canada et au PTCI.

L'AECG doit être signé le 27 octobre prochain. Il a été, comme tous les ALE, précédé d'une étude d'impact initiale en 2008 et d'une étude d'impact sur le développement durable en 2011. S'appuyant sur la modélisation, ces deux études montrent un impact positif de l'AECG pour l'Union, évalué à 11,6 milliards d'euros ou 0,08% du PIB. L'étude d'impact sur le développement durable est remarquable par l'analyse approfondie qu'elle fait de l'ensemble des secteurs économiques comme de toutes les dispositions envisagées de l'ALE.

Sur ce point, il est frappant de constater que cette étude de 2011 analysait précisément l'impact du mécanisme de règlement des différends entre l'État et les investisseurs (RDIE ou, en anglais, ISDS) et les risques que celui-ci comportaient pour l'État, dans les mêmes termes que le débat actuel sur ce mécanisme qui a surgi avec le PTCI.

Pourtant, la société civile n'a pas réagi à l'époque alors que toute l'information était disponible sur les intentions de la Commission. Ce fait doit conduire à nuancer la critique sur l'opacité des négociations commerciales que l'on entend souvent.

Cependant, pour complètes et approfondies qu'elles soient, ces deux études illustrent les limites dont vient de parler Hervé Gaymard s'agissant de la modélisation de l'impact des ALE. En effet, les consultants ont utilisé différents paramètres et hypothèses qui se sont révélés faux : ils postulaient ainsi une augmentation des prix du pétrole très inférieure à la réalité et une croissance de l'économie européenne très supérieure à ce qu'elle a été. Pour l'agriculture, ils postulaient également un succès du cycle de Doha qui ne s'est pas produit.

De plus, les consultants pointent le fait qu'il n'y a pas de données sur les barrières non-tarifaires, pas plus que sur la possibilité de les réduire par le biais d'un accord de libre-échange ni sur l'impact économique qu'aurait une telle réduction. Ils s'y sont pourtant employés, avec un modèle.

Enfin, s'agissant de l'investissement, les consultants notent que les études académiques sont totalement contradictoires sur le degré d'ouverture du Canada aux investissements étrangers ; confrontés à de tels problèmes, l'un a même renoncé à évaluer l'impact d'une libéralisation des investissements.

Le plus contestable, cependant, c'est le fait que la Commission n'ait pas réactualisé l'étude d'impact de l'AECG qui, on le rappelle, date de 2011. En effet, même si elles ont des limites, ces études d'impact permettent de dégager des tendances et d'identifier des problèmes et ainsi, contribuent au débat auquel la politique commerciale doit donner lieu. Alors que la signature de l'AECG est imminente, il est incompréhensible que la Commission n'ait pas produit une nouvelle étude d'impact et se réfère toujours à des études anciennes qui ne prennent en compte ni le contenu final de l'accord, ni le nouveau contexte économique, ni les avancées de la recherche académique.

Deuxième accord qui a retenu notre attention : le PTCI. L'étude d'impact de la Commission a été largement médiatisée et aboutit, dans le cas de l'Union, à un gain à terme de 119 milliards d'euros, soit 0,48% du PIB européen. Cette étude d'impact, comme toutes les autres, repose sur un modèle d'équilibre général calculable.

Contrairement à l'AECG, le PTCI a fait l'objet, dès l'origine, d'un vaste débat et l'étude d'impact de la Commission a été expertisée, notamment par le Parlement européen. Les critiques de ce dernier portent sur l'impossibilité d'évaluer correctement les barrières non-tarifaires et l'impact de leur réduction et l'ombre qu'elle fait peser sur la fiabilité de l'évaluation. Pourtant, le Parlement européen décerne une sorte de satisfecit à la Commission et à son consultant. En effet, malgré leurs limites, les modèles d'équilibre général calculable sont les meilleurs instruments à disposition pour évaluer l'impact à long terme d'un ALE. Ils sont insuffisants, c'est évident, mais il n'y en a pas d'autres.

Toutefois, une Université s'est essayée à utiliser un autre modèle pour évaluer l'impact du PTCI. Il s'agit de l'université américaine de Tufts qui a utilisé le modèle des politiques mondiales (modèle GPM) élaboré par l'ONU qui repose sur l'analyse de la demande effective et non plus sur l'offre. Les résultats de ce modèle sont très différents des autres. Ils montrent ainsi que le PIB de l'Union diminuerait et que 600 000 emplois seraient détruits en Europe. À l'inverse, le PTCI serait favorable au États-Unis qui créeraient 734 000 emplois.

Même si l'utilisation de ce modèle, élaboré à l'origine pour évaluer les politiques de développement, a été très sévèrement critiqué dans le milieu académique, il illustre le fait que le choix d'un modèle impacte fortement les résultats de l'évaluation, au point de les inverser totalement.

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