Intervention de Guillaume Larrivé

Séance en hémicycle du 13 octobre 2016 à 9h30
Lutte contre terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Ce n’est pas une norme absolue et transcendante, détachée de l’histoire, mais une notion relative et vivante, qui doit être adaptée aux nécessités de l’époque, telles qu’elles sont comprises par le peuple souverain, directement ou par l’intermédiaire de ses représentants.

Autrement dit, c’est à nous, Français de 2016, de dire quelles sont les règles de l’État de droit qui nous paraissent adaptées au temps présent. Aussi, plutôt qu’un débat théorique, voire polémique, sur ce qu’est l’État de droit, nous revendiquons ici la nécessité d’un débat démocratique et technique sur les modalités juridiques du combat que doit mener la France, sur le sol national, pour vaincre nos ennemis islamistes.

C’est tout le sens de l’article 1er de cette proposition de loi, qui donnerait au ministre de l’intérieur le pouvoir de placer provisoirement, dans un centre de rétention fermé, tout individu à l’égard duquel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il constitue, par son comportement, une grave menace pour la sécurité et l’ordre public.

Ce placement en rétention serait placé sous un double contrôle juridictionnel : d’une part, la juridiction administrative serait compétente pour connaître, quant au fond, de la légalité de ces décisions qui, par leur nature préventive, ont bien un caractère de police administrative.

D’autre part, conformément au principe défini à l’article 66 de la Constitution, un juge des libertés et de la détention spécialisé, c’est-à-dire l’autorité judiciaire, serait compétent pour connaître du maintien en centre de rétention.

J’admets bien volontiers que les paramètres procéduraux de cette rétention antiterroriste, s’agissant de sa durée et des modalités d’intervention des diverses autorités juridictionnelles, peuvent être affinés : c’est toujours le cas lorsqu’on rédige la loi.

Mais je n’accepte pas que cette proposition fasse l’objet d’une sorte d’excommunication préalable et définitive, pour les motifs les plus invraisemblables. Je le répète : nous n’entendons aucunement écarter le juge pénal de la matière antiterroriste.

Ce serait évidemment une erreur puisque les auteurs de crimes et de délits terroristes doivent faire l’objet d’un traitement pénal permettant leur mise à l’écart de la société, c’est-à-dire leur enfermement en prison.

Nous cherchons, non pas à substituer un régime de rétention administrative au régime de détention judiciaire, mais à créer un dispositif complémentaire, ciblé sur cette zone grise des individus déjà repérés par les services de renseignement comme présentant un danger pour la sécurité nationale, mais dont le dossier n’est pas à ce stade suffisamment caractérisé pour faire l’objet d’un traitement pénal. C’est précisément le cas, à l’heure où nous nous exprimons, des quelque quatre-vingt-dix individus faisant l’objet d’une assignation à résidence conformément aux mesures de police administrative spécialement créées sous l’empire de l’état d’urgence.

Nos critiques feignent d’oublier que le droit français connaît actuellement des dispositifs analogues, dans leur principe, à la rétention antiterroriste que nous proposons : les centres de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière en instance d’éloignement et les mesures d’hospitalisation sous contrainte.

La gauche pseudo-morale invoque pêle-mêle, avec des trémolos dans la voix, l’Ancien régime et les lettres de cachet, mais aussi – tant qu’on y est – la Terreur et la loi des suspects !

D’autres répètent Guantanamo sur tous les tons, comme s’ils ne savaient pas que les caractéristiques de ce camp de détention militaire extra-territorial et extra-juridictionnel n’ont aucune – aucune ! – similitude avec le dispositif très encadré que nous proposons.

La vérité est que, si le législateur le veut, il peut, dès aujourd’hui et dans le cadre de l’État de droit, créer un régime de rétention antiterroriste assorti de garanties juridiques.

La loi nouvelle serait soumise, il est vrai, au double regard du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme, qui diront ce qu’ils choisiront d’en dire.

Et leur réponse n’est pas certaine. La Cour européenne des droits de l’homme elle-même a – on l’ignore trop souvent – admis, dans un arrêt Lawless contre Irlande de 1961, la création d’un régime de rétention antiterroriste similaire dans son principe à ce que nous vous proposons aujourd’hui.

Mais c’est bien au pouvoir politique, in fine, qu’il reviendrait de décider, par l’intermédiaire des députés ou, directement, par référendum. Admettons, par hypothèse, que le Conseil constitutionnel, sous la présidence de Laurent Fabius, censure une loi créant la rétention antiterroriste.

Il faudrait alors rappeler l’avertissement de Georges Vedel : « si les juges ne gouvernent pas, c’est parce que, à tout moment, le souverain, à la condition de paraître en majesté comme constituant peut, dans une sorte de lit de justice, briser leurs arrêts ».

Le même raisonnement doit être tenu à l’endroit des juges de Strasbourg. La France est un État souverain, fondé à refuser toute tutelle supranationale. Nous avons – vous avez, monsieur le garde des sceaux – déjà invoqué l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme pour déroger à certaines de ses stipulations pendant la durée de l’état d’urgence.

Nous pourrions parfaitement, demain, renégocier la Convention, demain, si un arrêt de la Cour nous empêchait de lutter contre les ennemis qui veulent nous détruire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, que chacun assume ses responsabilités. Le pouvoir doit exercer le pouvoir, pour sauvegarder la nation et sauver des vies. C’est dans cet esprit responsable, et avec une certaine gravité, que nous appelons l’Assemblée nationale à adopter cette proposition de loi renforçant la lutte contre le terrorisme islamiste.

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