Pietrasanta, pardon !
Pour autant, cette proposition de loi ne vous exonérera pas de l’urgence de réformer notre dispositif antiterroriste, en reconfigurant l’organisation de nos services ou en envisageant la création d’une agence nationale de lutte antiterroriste, comme l’a recommandé cette même commission d’enquête. Nous vous engageons à aller plus loin dans la mise en oeuvre d’un troisième plan de lutte antiterroriste, avec des postes de policiers et de gendarmes et un recrutement dédié aux juridictions spécialisées dans les affaires de terrorisme, même si certains recrutements ont déjà eu lieu.
Parce que la démocratie doit être intransigeante avec ceux qui la menacent, les étrangers fichés S et même les auteurs de tout délit ou crime passible de cinq ans de prison doivent pouvoir être expulsés, comme le prévoyait déjà une proposition de loi que nous avions défendue avec Éric Ciotti. Adoptée en première lecture sous la précédente législature, vous ne l’avez pas menée jusqu’à son terme.
Comment, d’autre part, les victimes pourraient-elles tolérer que des terroristes voient leur peine réduite après que la justice s’est prononcée ? Didier Le Bret, coordinateur national du renseignement, jusqu’à ce qu’il soit candidat du PS aux législatives, a regretté que 200 terroristes actuellement emprisonnés n’effectueraient en réalité à droit constant que la moitié de leur peine en détention et seraient libérés entre 2017 et 2020.
Pour les victimes, mais aussi afin de mieux nous protéger, il faudra donc non seulement supprimer totalement les réductions de peine pour les terroristes, comme cela a été acquis, grâce à l’opposition, lors de la troisième prorogation de l’état d’urgence pour les réductions automatiques de l’article 721 du code de procédure pénale, mais au-delà, empêcher toute possibilité même de réduction ou d’aménagement, soumettre les criminels à la rétention ou à la surveillance de sûreté et enfin adapter les obligations prononcées sur le fondement de l’article 138 du code de procédure pénale, dans le cadre du contrôle judiciaire, au profil des personnes mises en examen pour terrorisme.
Cela implique bien évidemment de construire des prisons. On ne peut que regretter qu’il ait fallu attendre les derniers mois du quinquennat pour que vous vous ralliez à notre proposition de construire des places de prison, monsieur le garde des sceaux.
Enfin, voilà exactement un an, vous rejetiez ma proposition de loi visant à améliorer le renseignement pénitentiaire et à isoler électroniquement les détenus. Depuis le changement de garde des sceaux, le Gouvernement a accepté son intégration au second cercle de la communauté du renseignement et son accès aux techniques spécialisées et doté les unités d’isolement d’une base légale, ce qui n’a toutefois pas empêché le sinistre Abdeslam de communiquer avec un autre détenu.
Il est vrai que le renseignement pénitentiaire, qui mériterait d’être rattaché au ministère de l’intérieur, est le parent pauvre du renseignement français, même si des effectifs supplémentaires sont en cours de recrutement. C’est vous, monsieur le garde des sceaux, qui en parlez le mieux : « Depuis ma nomination comme ministre de la justice, je n’ai été destinataire d’aucun élément à en-tête du renseignement pénitentiaire. » La situation est grave.
Il faut aujourd’hui aller plus loin, durcir et élargir le régime de l’isolement aux détenus non seulement condamnés pour terrorisme, mais aussi aux prosélytes condamnés pour des délits de droit commun, leur imposer des fouilles régulières, vidéosurveiller les parloirs dont le manque de contrôle ne peut perdurer, même si mon amendement en ce sens est tombé sous le coup de l’article 40, et interdire certaines visites.
Rappelez-vous, chers collègues : dans l’affaire Mehdi Nemmouche, il est avéré que le terroriste a été approché pendant sa détention, puis mis en condition par des visiteurs qui ont largement contribué à sa radicalisation.
Enfin, pour que des drames comme celui d’Osny – où, tout comme Mehdi Nemmouche, le djihadiste ayant agressé le surveillant communiquait avec Daech depuis sa cellule d’isolement – ne se reproduisent pas, je suggère de poser dans la loi l’interdiction, actuellement seulement réglementaire, des téléphones portables et terminaux de connexion à Internet, dont Mmes Hazan et Taubira, elles, suggéraient la légalisation. Le nombre des saisies annuelles de téléphones – plus de 30 000 – permet de supposer que tout détenu en dispose, alors même qu’ils les utilisent dans au moins 20 % des cas à des fins malveillantes. Élever cette interdiction au rang législatif renforcerait la base légale des écoutes des communications clandestines, dont à peine 1 % est contrôlé par les services spécialisés.
Alors que partout en France, les forces de l’ordre payent le prix du sang pour leur dévouement à la République – ces faits, dont nous avons eu hélas encore un exemple récemment, sont en hausse de 14 % selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, ONDRP –, il est plus qu’urgent de leur donner les moyens de se défendre. Après les récents événements dramatiques et inédits de la Grande Borne, la réponse de l’État ne peut se cantonner à améliorer la sécurisation passive, mais doit aller vers le renforcement de la légitime défense, comme nous vous le proposons pour la quatrième fois depuis le début de la législature. Nous entendrez-vous enfin ? Vous en avez l’occasion avec l’article 12.
Le pire serait que ce débat soit censuré et ne puisse se tenir, alors que la sécurité de nos concitoyens en est l’enjeu. Je vous appelle donc, majorité et Gouvernement, à faire, comme nous, preuve d’esprit de responsabilité et à adopter ces mesures de bon sens sans attendre un nouvel attentat qui vous forcerait une fois encore à réagir dans l’urgence, mais trop tard. Pour une fois, anticipez les attentats futurs au lieu de vous apitoyer seulement sur ceux que vous n’avez pu éviter !