Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, monsieur le président, chers collègues, depuis deux ans, la France est frappée par les attentats terroristes les plus meurtriers de son histoire. En janvier 2015, les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, le 13 novembre, l’attaque du Bataclan et des terrasses de l’est parisien, jusqu’au tragique attentat de Nice, le 14 juillet dernier, suivi de l’assassinat d’un prêtre dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, pour ne citer que les plus meurtriers. Ces attentats ont fait 243 morts depuis 2012, hommes, femmes et enfants, victimes innocentes frappées de manière aveugle par des fanatiques au nom d’un islamisme radical.
Dans ce contexte dramatique, le Gouvernement a proposé diverses mesures pour lutter plus efficacement contre le terrorisme, que nous avons toutes approuvées, dans un esprit d’unité nationale. De la même façon, lorsque le Gouvernement nous a demandé de voter l’état d’urgence et de le prolonger, nous avons été à vos côtés, apportant notre soutien à ce dispositif. Aujourd’hui, alors que la menace est persistante et – le Gouvernement en convient – d’un niveau très élevé, nous devons nous interroger ensemble : peut-on faire mieux, peut-on faire plus pour lutter contre le terrorisme ? Notre réponse est oui !
Certaines mesures concernent les moyens et ne sont pas d’ordre législatif. Il s’agit d’abord de redonner toute leur place aux services de renseignement territorial et d’augmenter les effectifs de la police et de la gendarmerie qui font face aujourd’hui à une augmentation considérable de leurs missions. Sur le plan législatif, nous avons fait plusieurs propositions que vous n’avez pas retenues ; elles sont pour l’essentiel reprises dans la proposition de loi d’Éric Ciotti et Guillaume Larrivé, que nous vous présentons ce matin. Plutôt que de les balayer d’un revers de main, nous devrions les discuter et avancer ensemble.
Je reste pour ma part persuadé que le suivi et le contrôle des individus radicalisés, identifiés comme étant menaçants pour la sécurité de l’État, doivent être renforcés dans le respect de l’État de droit. Pour cela, il est nécessaire de permettre non seulement la surveillance ou l’assignation à résidence de ces individus particulièrement dangereux, mais également une période de rétention administrative sous le contrôle du juge. La sécurité est la première des libertés, mais on ne peut envisager qu’en France, l’on puisse priver des suspects de liberté de manière prolongée sans l’intervention d’un juge garant des libertés individuelles. On ne peut pas défendre la présomption d’innocence et instaurer un dispositif qui s’en affranchirait. Par ailleurs, connaissant la porosité qui existe entre la délinquance de droit commun et le terrorisme, il est nécessaire de prendre des mesures fortes en milieu carcéral, renoncer à tout aménagement de peine et revenir sur la suppression de la double peine pour les délinquants étrangers.
Enfin, il est nécessaire de se pencher sur les possibilités qu’offre aujourd’hui le code pénal. Son article 411-4 dispose en effet que le « fait d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France est puni de trente ans de détention criminelle ». Vous nous expliquez régulièrement que le terrorisme ne rentre pas dans le champ de cet article, qui ne concerne que l’espionnage et la guerre classique. Mais sommes-nous, oui ou non, en état de guerre ? Et s’il y a un problème d’interprétation de cet article, pourquoi ne pas le modifier afin de faire rentrer le terrorisme dans son champ d’application ?
Par ailleurs, le fait de préparer des actes terroristes est sanctionné, par notre code pénal, de dix ans d’emprisonnement. On peut s’étonner alors qu’un terroriste, assassin de deux policiers, n’ait été préalablement condamné qu’à trois ans de prison – dont six mois avec sursis – pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes. Il faut que la justice prenne la mesure de la dangerosité de ces individus, autant dans le prononcé des peines que dans la possibilité de rétention de ces individus, pour les maintenir en détention à l’issue de leur peine lorsqu’ils restent dangereux.
La prison, on le sait, peut être un lieu de radicalisation : c’est pourquoi nous proposons un certain nombre de mesures qui pourraient aboutir, à terme, à la création à terme d’une véritable police carcérale dotée de moyens supplémentaires, tant au niveau de ses attributions, fixées par la loi, qu’au niveau de ses effectifs.
Enfin, la question de la légitime défense des policiers revient cruellement au premier plan de l’actualité, après l’attaque barbare de Viry-Châtillon, dont le but était de tuer des policiers. Il faut que la peur change de camp : pour cela, les représentants du peuple que nous sommes doivent donner à ceux qui nous défendent avec honneur et courage les moyens de se défendre eux-mêmes.
Vous le voyez, monsieur le garde des sceaux, nous ne vous proposons ni le bagne, ni la torture. Dans un esprit de rassemblement républicain, nous vous demandons seulement, mais fermement, de discuter et d’adopter ces mesures pour préserver la sécurité des Français, dans le respect de l’État de droit.