Je vais prendre quelques exemples. L’article premier de cette proposition de loi prévoit que le ministre de l’intérieur pourrait assigner à résidence, ou placer en rétention, un individu dont il y aurait lieu de penser qu’il constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre public. La mesure pourrait durer soixante-quinze jours renouvelables ; un juge des libertés et de la détention spécialisé interviendrait au bout de quinze jours. Outre que cette procédure mélange curieusement intervention du juge judiciaire et police administrative, elle est notoirement inconstitutionnelle : les rédacteurs de ce texte, qui sont de fins limiers – notamment M. le rapporteur –, le savent parfaitement. Chacun sait que la privation de liberté sans intervention d’un magistrat de l’ordre judiciaire, au-delà d’une durée de cinq jours, est contraire à l’article 66 de la Constitution.
L’avis du Conseil d’État du 17 décembre 2015 porte exactement sur l’objet de l’article premier de cette proposition de loi. Je le cite : « En dehors de toute procédure pénale, la détention de personnes présentant des risques de radicalisation est exclue sur le plan constitutionnel. » Et encore : « Sur le plan conventionnel, elle est également contraire à l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen. » Il vous faudrait donc, avant d’agir par la loi ordinaire, réviser la Constitution et dénoncer les engagements internationaux de la France.
Ce serait, mesdames et messieurs les députés, non seulement une faute, mais également une erreur opérationnelle, car chacun sait que nos services de renseignement sont eux-mêmes opposés à ces mesures administratives de prévention, car elles avertissent les filières du degré de surveillance auquel elles sont soumises et entravent, en réalité, leur démantèlement.
Une autre mesure de cette proposition de loi est censée durcir notre arsenal juridique : la rétention de sûreté pour personne condamnée pour crime terroriste. Bien entendu, il ne faut pas laisser les criminels terroristes sortir de prison, même après l’exécution de leur peine, s’ils restent dangereux : nous sommes tous d’accord sur ce point.