Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai l’honneur de défendre devant vous, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, cette motion de rejet préalable. Beaucoup a déjà été dit lors de la discussion générale. Certes, nous partageons tous le même objectif : lutter efficacement contre le terrorisme. Cette motion de procédure n’est donc pas un refus systématique de principe de tout ce que l’opposition peut proposer en ce domaine. Nous avons ainsi, par le passé, régulièrement intégré dans nos lois antiterroristes des amendements que vous avez soutenus, et non pas sous la pression, monsieur le rapporteur, mais par volonté d’unité nationale, avec une seule ligne de conduite : s’inscrire dans la logique de l’État de droit.
Mais si nous défendons aujourd’hui une motion de rejet préalable, c’est parce que nous considérons que votre proposition de loi ne respecte pas la Constitution ni la Convention européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, elle ne serait pas opérante ; elle serait même parfois contre-productive. Ce n’est d’ailleurs pas seulement notre groupe qui le pense, mais aussi de nombreux collègues de votre propre famille politique – je l’ai rappelé tout à l’heure. C’est aussi ce que vous a dit le procureur de la République de Paris, les yeux dans les yeux, lors de son audition.
Cette double incompatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme et avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel est manifeste dès l’article 1er. Vous le savez parfaitement, car nous en avons déjà débattu lors de l’examen du dernier texte prorogeant l’état d’urgence à l’occasion de l’un de vos amendements. Vous le savez d’autant plus que le procureur de la République de Paris vous a expressément rappelé, lors de son audition, que nous ne pouvons pas assigner à résidence, placer sous surveillance mobile, voire en rétention, un individu en dehors de toute commission d’infraction. Le Conseil constitutionnel considère en effet que la rétention administrative est une mesure privative de liberté, et qu’au-delà de cinq jours, seul le juge judiciaire peut l’autoriser. De plus, le Conseil d’État a rappelé, dans son avis du 17 décembre 2015, qu’il n’est pas possible d’autoriser par la loi la rétention des personnes radicalisées qui n’ont pas fait l’objet au préalable d’une condamnation pour des faits de terrorisme. Les dispositions de l’article 1er sont également contraires à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.