Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, la mémoire des victimes de la barbarie, l’imminence et l’ampleur de la menace terroriste, nous imposent hauteur de vue, pragmatisme et efficacité. Notre groupe s’y est astreint, ces dernières années et ces derniers mois, en s’associant à l’unité nationale qui a suivi les attentats, en votant les quatre lois de prorogation de l’état d’urgence et en soutenant les récentes évolutions de notre arsenal, notamment législatif, de lutte contre le terrorisme.
Notre législation a ainsi été enrichie de mesures visant à mieux armer notre société face à cette terrible menace. Je pense notamment à la création du délit d’entreprise terroriste individuelle, à l’interdiction administrative de sortie du territoire, ou encore à la possibilité de blocage des sites faisant l’apologie du terrorisme.
Pouvons-nous, pour autant, nous satisfaire de l’arsenal législatif dont nous disposons à ce jour ? Non, assurément. Je tiens donc à rendre hommage à notre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet pour avoir pris cette initiative et pour avoir porté à la discussion un sujet essentiel. J’espère, monsieur le ministre et mes chers collègues de la majorité, que nous saurons tout à l’heure nous retrouver tous ensemble pour nous engager dans cette direction, qui est une bonne direction. Nous répondrons ainsi à une attente de nos concitoyens.
Nous en sommes bien conscients, le volet répressif, pour complet qu’il soit, ne permettra jamais d’éradiquer totalement la menace. Pour autant, le groupe UDI considère que nous pouvons aller plus loin en la matière. C’est dans cet esprit que nous vous avions fait d’autres propositions lors des débats et que nous sommes favorables à la proposition de loi renforçant la lutte contre le terrorisme que nous avons examinée tout à l’heure.
Il est vrai que beaucoup de propositions ont été formulées et examinées en matière de lutte contre le terrorisme, mais le présent texte a le mérite de proposer une solution nouvelle qui pallie un vrai manque juridique. En effet, il tend à permettre aux autorités administratives et judiciaires d’intervenir plus largement en amont. Combattre le terrorisme, c’est aussi et surtout prévenir la commission d’actes terroristes en s’attaquant aux racines du mal, en agissant aux origines du phénomène, en l’occurrence en luttant contre la prolifération d’idéologies salafistes radicales.
Bien évidemment, la radicalité politico-religieuse n’est pas l’unique cause du passage au terrorisme, mais c’est une cause importante et nous devons impérativement la prendre en considération. Les discours et les enseignements prônant la supériorité des lois religieuses sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République sont, pour une part, responsables du phénomène extrêmement préoccupant de la radicalisation, qui concerne, semble-t-il, bon nombre de nos concitoyens et de personnes résidant en France, jeunes ou moins jeunes. Ils s’opposent frontalement au principe de laïcité auquel nous sommes très attachés.
Sous des apparences trompeuses, difficilement décelables, sous des propos parfois lissés, ainsi que l’a évoqué Mme la rapporteure, les prédicateurs incitent à la haine qui peut mener au passage à l’acte. Ces prédicateurs diffusent leur idéologie via la création de salles de prière et d’associations, en dirigeant des lieux de culte, voire en en prenant le contrôle, ou en propageant leurs idées radicales dans des ouvrages et sur des sites internet.
Les outils juridiques à notre disposition pour lutter contre la diffusion de cette idéologie mortifère sont parcellaires et inadaptés. Le présent texte prévoit donc la création d’un délit dont l’appellation ne figure pas à ce jour dans le code pénal : celui de prédication subversive. Ce terme couvrirait le prêche, l’enseignement et la propagande, par des paroles ou des écrits réitérés, d’une idéologie qui fait prévaloir l’interprétation d’un texte religieux sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République.
Dans le droit en vigueur, l’exercice d’influences néfastes sur le public est essentiellement réprimé dans le cadre d’incriminations de provocation à la commission d’actes ou d’apologie. Il peut être sanctionné dans le cadre du régime des infractions de presse s’il se fait par un moyen de diffusion publique de la parole, de l’image ou de l’écrit. Il peut l’être également sur le fondement de la provocation à la commission d’actes terroristes et de l’apologie du terrorisme, grâce au transfert de ces incriminations, en 2014, de la loi du 29 juillet 1881 vers le nouvel article 421-2-5 du code pénal, qui en fait non plus des délits de presse mais des délits terroristes.
Mais qu’en est-il alors des propos subversifs lissés ou ambigus, qui n’appellent pas explicitement à commettre des actes de terrorisme ?
Les prédicateurs des idéologies salafistes peuvent également être incriminés par la loi de 1905, mais le dispositif que prévoit ce texte vise la seule provocation directe et ne mentionne pas, bien entendu, les communications électroniques en ligne. Il nous apparaît donc essentiel d’être particulièrement vigilants et proactifs en la matière afin de nous protéger mieux qu’aujourd’hui.
Le droit occulte ainsi tout un pan, celui de la radicalité politico-religieuse, souvent à l’origine du passage à l’acte terroriste.
La création d’un délit de prédication subversive, puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, semble donc combler utilement ce vide juridique. Cette mesure permettrait de poursuivre les auteurs de propos ou de contenus illégaux qui, jusqu’à ce jour, n’étaient pas inquiétés.
En outre, la dissolution administrative d’associations ou de groupements n’est possible qu’en cas de provocation à la discrimination, à la haine, à la violence et à des actes de terrorisme.
Quant à la fermeture des lieux de culte, l’autorité administrative ne peut intervenir qu’en vue de faire respecter l’ordre public.
L’article 3 vise donc à donner aux autorités administratives la possibilité de fermer un lieu de culte en cas de prédication subversive et de dissoudre les associations responsables d’un tel lieu.
Enfin, l’article 4 prend en compte le rôle primordial joué par internet dans le phénomène de radicalisation. Il étend ainsi aux sites de prédication subversive la possibilité pour le juge des référés d’ordonner leur fermeture, cette possibilité n’étant aujourd’hui prévue que pour les sites provoquant à la commission d’actes terroristes ou d’infractions telles que la discrimination, la haine, la contestation de crimes contre l’humanité.
Il est en effet nécessaire de prendre en compte le rôle décisif que joue internet dans nombre de trajectoires d’individus basculant dans le terrorisme : c’est le phénomène d’auto-radicalisation dont nous parlons souvent.
Mes chers collègues, en adoptant cette proposition de loi, nous pourrons inquiéter ceux qui, à ce jour, ne sont pas visés par le droit positif alors même qu’ils représentent, par leurs actes et leurs propos, un risque majeur pour la sécurité publique.
Nous devons faire en sorte de nous doter de nouveaux moyens de façon à éviter que notre pays ne se trouve de nouveau en proie à la barbarie, et ce dans le respect des libertés fondamentales.
Parce qu’elle vise à mieux lutter contre toutes les formes de discours qui portent les germes d’une atteinte grave à l’ordre public, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera en faveur de cette proposition de loi.
Pour autant, nous insistons sur ce point : lutter contre le terrorisme, agir contre la radicalisation impliquent bien plus que cela. Nous ne pourrons remporter cette guerre contre le terrorisme qu’en mobilisant toutes les sphères de la société et en adoptant une politique fondée sur l’éducation, la culture, le partage de l’Histoire et la transmission de nos valeurs.