Pour la deuxième fois de son histoire, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire s'est saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances. Ce projet de budget est à la fois le dernier de la législature et le premier depuis l'accord de Paris de décembre 2015. Le président Jean-Paul Chanteguet a souhaité que cette saisine permette à nouveau la commission de s'assurer de la cohérence du projet de loi de finances avec les engagements pris par le gouvernement en matière de développement durable.
L'accord de Paris et l'adoption des lois sur la transition énergétique et sur la biodiversité rendent cet exercice plus que jamais pertinent. Si nous voulons que notre commission s'impose comme une instance de référence en matière de fiscalité verte et de financement de la transition énergétique, il est crucial que cette pratique s'institutionnalise et s'installe dans le temps. Signe d'un certain engouement des commissaires, 75 amendements ont été déposés, contre seize seulement l'an dernier.
Compte tenu des délais qui m'étaient impartis, j'ai concentré mon rapport sur les dispositions en lien direct avec l'environnement, relatives notamment aux énergies et à la finance responsable.
Ce projet de loi de finances (PLF) contraste avec celui de l'an dernier, à propos duquel mon prédécesseur, Jean-Yves Caullet, regrettait qu'« aucune disposition ne concerne le développement durable ». Il s'agit même du budget le plus favorable au développement durable de ce quinquennat. Ainsi, le budget du ministère de l'écologie est en hausse de 7 % par rapport à l'an dernier.
Cette augmentation traduit la mise en oeuvre des lois environnementales votées par notre assemblée, et en particulier par notre commission. C'est ainsi qu'il ouvre les crédits nécessaires à la naissance de l'Agence française pour la biodiversité (ABF), qui disposera de 60 créations d'emplois sur un total de 1 227 agents. Les crédits destinés à financer les actions en matière de biodiversité augmenteront de 4 millions d'euros.
En 2017, 60 % des investissements verts du troisième programme d'investissements d'avenir seront consacrés à la transition énergétique et seront financés par des obligations d'Etat « vertes » – green bonds – que la France sera le premier pays à émettre.
Le Fonds de financement de la transition énergétique sera abondé de 250 millions d'euros en 2017. Il concernera désormais 500 territoires à énergie positive. Les énergies renouvelables bénéficieront d'un milliard d'euros supplémentaires, soit 7 milliards au total. Cette montée en puissance sera financée par l'augmentation du prix de la tonne de dioxyde de carbone (C02), qui passera de 22 euros en 2016 à 30,50 euros en 2017.
La loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue connaîtra également une traduction budgétaire. Les crédits destinés à accroître l'attractivité du pavillon français seront augmentés de 19 millions d'euros, ceux consacrés à la préservation de la sécurité et de la sûreté de la navigation le seront de 3,7 millions d'euros.
Enfin, le ministère investit également dans la sûreté nucléaire en dotant respectivement l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de 30 et de 20 agents supplémentaires.
Je vais maintenant vous présenter brièvement les cinq principaux articles de la première partie du PLF qui nous concernent.
L'article 10 tend à proroger d'une année le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), mis en oeuvre le 1er septembre 2014 et dont les dispositions devaient, à l'origine, s'éteindre au 31 décembre 2016. Ce dispositif fiscal, qui favorise des dizaines de milliers d'emplois non délocalisables, a pour objectif d'inciter les ménages à s'engager dans une démarche d'amélioration de la performance énergétique des logements. Sa prorogation constitue donc une excellente nouvelle. Cet article supprime par ailleurs la condition de ressources pour le cumul du CITE et de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), dans le but de favoriser l'accès de tous les ménages au dispositif.
L'article 11 donne au Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) la possibilité de financer ses projets en augmentant de quelques centimes, s'il le souhaite, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) perçue sur les carburants commercialisés en Île-de-France. Sur le fond, cette mesure me semble aller dans le bon sens, mais je m'étonne que la majoration ne soit pas la même pour le gazole et pour les autres carburants. Même si l'écart ne porte que sur un dixième de centime, cela me semble être un mauvais signal. Je proposerai donc un amendement pour rétablir l'égalité entre ces deux types de carburant.
L'article 22 vise à augmenter les recettes du compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique ». L'objectif est d'équilibrer le solde du compte en mettant à contribution les énergies carbonées. En effet, les prévisions évaluent à 5,679 milliards d'euros les charges de service public de l'énergie qui seront supportées par le CAS au titre de 2017. À cette somme viennent s'ajouter le coût des études préalables aux lancements d'appels d'offres pour le développement d'énergies renouvelables, l'annuité de remboursement de la dette supportée par EDF, ainsi que des remboursements partiels de l'ancienne contribution au service public de l'électricité (CSPE). Le montant total des dépenses du CAS « Transition énergétique » au titre de 2017 devrait donc s'élever à environ 7 milliards d'euros, soit 2,6 milliards de plus qu'en 2016.
S'agissant des recettes, le produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) est stabilisé au niveau atteint en 2016, soit 5,252 milliards d'euros. En tenant compte de l'affectation au CAS de 2,16 % du produit de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), soit 30 millions d'euros, de la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes (TICC), soit 14 millions d'euros, et de 1,2 % du produit de la TICPE, soit 368 millions d'euros, l'équilibre du compte suppose l'affectation de 1,319 milliard d'euros au titre du prochain exercice.
L'article 22 fait contribuer les énergies carbonées au financement de la transition énergétique pour un montant représentatif de la hausse du prix de la tonne de carbone entre 2016 et 2017, selon la trajectoire adoptée en loi de finances rectificative pour 2015, et que notre commission avait adoptée à l'unanimité, avec le soutien remarqué de l'opposition. La part de la TIGCN sera portée en 2017 à 341 millions d'euros, celle de la TICC ramenée à 1 million d'euros et celle de la TICPE portée à 1 389 milliard d'euros.
L'article 23 modifie et détaille le barème du malus automobile du compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres ». Le seuil d'application du barème est abaissé à 127 grammes d'émission de C02 par kilomètre, les véhicules dont les émissions sont inférieures à ce seuil n'étant pas pénalisés. Par ailleurs, alors que l'ancien barème imposait un malus par tranches, le nouveau barème lisse, gramme par gramme, les pénalités qui sont infligées, de manière à éviter les effets de seuil induits par l'ancien dispositif. À titre d'exemple, l'acquéreur d'un véhicule émettant 127 grammes de C02 par kilomètre s'acquittera de 50 euros, quand celui d'un véhicule émettant plus de 190 grammes devra payer 10 000 euros.
Ce nouveau barème, qui pose tout de même – c'est là sa limite – la question de la fiabilité des données fournies par le constructeur, permet d'équilibrer budgétairement le dispositif de bonus-malus, tout en continuant de garantir l'incitation à la baisse des émissions de dioxyde de carbone des véhicules neufs. Le bonus de 10 000 euros versé aux acheteurs de véhicules électriques est prorogé, et complété par un bonus de 1 000 euros accordé aux acheteurs de scooters et de deux-roues électriques.
Enfin, l'article 24 relève le niveau de la taxe d'aménagement du territoire affectée au compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », afin d'assurer l'équilibre de ce compte sans alourdir la fiscalité pesant sur le système ferroviaire.
Au-delà de ces cinq articles, je voudrais dire quelques mots sur ce qui brille par son absence dans le PLF, à savoir la réforme, attendue, de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Au vu du nombre d'amendements déposés sur ce sujet, cette lacune ne vous a pas échappé... Le cabinet de Mme la ministre m'a indiqué que le Gouvernement avait fait le choix de reporter la réforme au projet de loi de finances rectificative (PLFR). On peut évidemment le regretter.
Par ailleurs, et parce que je crois que l'examen pour avis du PLF par notre commission doit aussi être un levier prospectif, je vous proposerai de rebondir sur le propos de Mme Ségolène Royal, qui a déclaré souhaiter que Paris devienne la « capitale de la finance verte », en abordant un débat d'avenir, celui du fléchage de l'épargne des Français vers des investissements plus durables.
Enfin, d'autres mesures relatives à l'environnement figurent dans la seconde partie du PLF, notamment dans les articles non rattachés. Je me bornerai, pour ne pas sortir de mon rôle, à mentionner deux sujets susceptibles de retenir votre attention : d'une part, les amendements que certains d'entre vous ont tenté de déposer sur la redevance pour rejets de polluants toxiques en mer – de « boues rouges » en particulier ; d'autre part, l'article 52 relatif à la dématérialisation de la propagande électorale, exemple éloquent d'une économie budgétaire maquillée en mesure à finalité écologique, au détriment de la démocratie qui plus est.
Compte tenu de toutes ces considérations, je vous inviterai à émettre un avis favorable à l'adoption de la première partie du projet de loi de finances pour 2017, que nos amendements, je n'en doute pas, contribueront à améliorer encore.