Intervention de Michel Ménard

Réunion du 5 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Ménard, rapporteur de la mission d'information :

Il y a eu une formidable mobilisation des directions et de l'ensemble des personnels des ESPE pour relever le défi que représentait la mise en place de ces écoles. Cela fait maintenant trois ans que les ESPE ont été installées, un an seulement que les premiers stagiaires ont fini leur formation et un an qu'ils exercent dans les établissements. Il s'agit d'un bilan à mi-parcours. Il est donc normal que cette réforme ne soit pas totalement aboutie. Reste que nous avons rencontré, de façon transpartisane, des acteurs extrêmement mobilisés pour faire de la formation des enseignants une réussite.

La mobilisation s'est faite d'abord autour de la formation initiale. J'ai entendu les réserves émises par nos collègues de l'opposition, qui estiment que le rapport est sévère à propos de la réforme de 2010. Il l'est, en effet, parce que la suppression de l'essentiel de la formation professionnalisante, et surtout celle de l'année de stage, était une erreur. Mais il y a aussi des critiques sur la mise en place des ESPE, notamment sur la formation continue. Le but n'était pas de faire un rapport partisan, mais de mesurer, de la façon la plus objective possible, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et de faire des propositions pour améliorer les choses.

Le chantier est en cours. Nous avons déjà parcouru beaucoup de chemin, mais nous ne sommes qu'au milieu du gué pour ce qui concerne la formation initiale, avec un certain nombre de propositions visant à apporter des modifications concernant, par exemple, la gouvernance.

Nous avons un chantier à lancer pour la formation continue. Les directeurs et directrices d'ESPE que nous avons rencontrés nous ont dit qu'ils s'étaient d'abord mobilisés sur la formation initiale. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, nous ne proposons pas, dans ce rapport, de modifier la place du concours, parce que cela nous paraît prématuré, même s'il y a, dans les propositions, des perspectives à moyen terme. Nous proposons, par contre, de renforcer, dans le concours, la partie professionnalisante.

La formation continue, c'est vrai, est souvent une variable d'ajustement en fonction des possibilités de remplacement des enseignants qui partent en formation. Pour ma part, je ne considère pas que la seule réponse réside dans les effectifs, même si des effectifs suffisants sont une condition nécessaire pour avoir une formation de qualité, et donc, des enseignants bien formés.

Nous avons constaté à plusieurs reprises à quel point le rôle de l'établissement était essentiel pour la formation professionnalisante. Si le rapport propose d'instituer des établissements formateurs, c'est qu'il y a parfois des stagiaires affectés dans des établissements où les enseignants ne sont pas préparés ou ne sont pas volontaires pour les accueillir, tandis que, dans d'autres établissements, il peut y avoir des personnes disposées à les accueillir, mais qui n'en ont pas l'occasion. Faire en sorte que les stagiaires, dès lors qu'ils arrivent dans un établissement, soient accueillis et accompagnés, est un gage de réussite pour entrer dans le métier.

C'est aussi le sens du continuum de formation qui est proposé, avec des modules de sensibilisation, voire des stages, dès la licence, puis une formation approfondie durant les deux premières années d'exercice du métier (T1-T2) permettant d'aborder des questions qui relèvent du tronc commun et qui ne sont pas suffisamment abordées en master, ou qu'il serait préférable d'aborder un peu plus tard pour laisser plus de temps aux stages.

Le coût de la formation est à relativiser. Dans le projet de loi de finances pour 2017, il est estimé à 100 millions d'euros, mais ce chiffre n'inclut pas ce qui coûte cher, c'est-à-dire le remplacement des enseignants. Il faut assumer la charge en termes de personnel quand les enseignants vont suivre une formation. Nous rappelons également, dans ce rapport, la nécessité de remplacer systématiquement les enseignants, parce que, dès lors qu'elle s'impute sur le temps de face-à-face pédagogique, la formation ne doit pas se faire au détriment des élèves qui seraient privés de cours pendant plusieurs jours.

Nous ne prétendons nullement, madame Nachury, qu'il y ait eu passage « de l'ombre à la lumière ». Le rapport émet des critiques sur la situation avant 2012, mais aussi sur la situation après 2012, qui n'est pas parfaite. Il y a encore des progrès à faire, mais je considère que la mise en place des ESPE est positive et que nous pouvons déjà dire, avec, aujourd'hui, un recul de trois ans, que la formation initiale a été nettement améliorée. Les étudiants ne s'y sont pas trompés puisque le nombre de candidats a augmenté de 75 % pour le premier degré et de 130 % pour le second degré. Cela montre que le métier est redevenu attractif, même si, dans certaines disciplines, on manque encore de candidats. Le chantier n'est pas terminé. Il y a des disciplines pour lesquelles il est plus difficile de trouver des candidats.

Rudy Salles a parlé de la réforme du collège. Je n'aborde pas cette question puisque mon rapport traite de la formation des enseignants. Cela étant, pour avoir rencontré un certain nombre d'enseignants, je dois dire qu'un des éléments positifs de la formation continue est précisément la formation offerte aux enseignants du second degré pour préparer la réforme du collège.

J'ai pu constater que cette réforme était prise en compte par les enseignants. Beaucoup nous disent, d'ailleurs, que certains d'entre eux s'investissent déjà dans le travail collectif et l'accompagnement personnalisé et que ce n'est pas un problème. Pour d'autres, cela suppose une modification des méthodes de travail, mais je pense que nous sommes en passe de réussir cette réforme.

Jean-Noël Carpentier a rappelé l'importance de la recherche. Dans le rapport, les propositions 34 et 35 visent à généraliser l'établissement des documents de cadrage concernant les mémoires de recherche en master 2, ainsi que la démarche innovante de l'Institut Carnot des sciences de l'éducation, qui met en réseau les acteurs de la recherche.

Marie-George Buffet a rappelé le titre d'un des chapitres du rapport : « Le rétablissement réussi d'une formation initiale ambitieuse unifiée et professionnalisante ». Je l'assume pleinement, même si la réforme n'est pas aboutie. C'est l'une des raisons d'être de ce rapport puisqu'il propose des améliorations. Mais cela ne remet pas en cause le bien-fondé de cette réforme ni le travail qui a déjà été effectué. J'ai indiqué tout à l'heure les chiffres concernant l'augmentation du nombre de candidats.

Anne-Christine Lang a évoqué la question de la formation continue. C'est effectivement un chantier à ouvrir. Quelque 56 % des enseignants ont suivi au moins une formation dans l'année. Nous ne visons pas nécessairement le volume des formations, déjà important, mais plutôt leur qualité et leur ciblage : proposer un catalogue de 650 formations différentes nous paraît excessif. Aussi suggérons-nous de croiser les demandes des enseignants et les nécessités de l'employeur.

D'ailleurs, un certain nombre d'enseignants demandent à suivre telle ou telle formation et n'ont pas toujours une réponse positive parce qu'il n'y a pas suffisamment de places. Donc, travailler le catalogue de formations, en s'appuyant sur la demande des enseignants et sur la nécessité fixée par l'employeur, en partenariat entre l'employeur et les ESPE, nous paraît être un gage d'amélioration de la formation continue des enseignants.

Le problème réside plus dans la qualité et la lisibilité des choix que dans le volume de formations. Les enseignants ne sont pas toujours satisfaits du stage pour lequel ils ont été retenus.

Michel Herbillon s'interroge sur les priorités concernant la formation continue. Je pense qu'il faut « faire le ménage » dans l'offre de formations, qui est pléthorique, en prévoyant des plans annuels de formation qui fixent de vraies priorités, en valorisant les personnels qui se forment, avec la certification, des avantages sur les barèmes et la validation des acquis de l'expérience (VAE). Ce sont des pistes qui peuvent inciter les enseignants à s'inscrire en formation dans la durée.

Enfin, il faut faire en sorte que la formation ne coûte rien à l'enseignant. Il n'est pas normal qu'un enseignant ne soit pas remboursé de ses frais de déplacement ou de restauration. Tout employeur doit assumer les frais liés à la formation. L'Éducation nationale doit aussi pouvoir le faire. Il ne s'agit pas forcément de sommes énormes, mais rembourser les frais de formation revient à reconnaître l'importance de la formation et l'effort que font les enseignants.

Christophe Premat a évoqué la proposition 8, qui tend à accorder une marge d'autonomie aux ESPE.

Il nous semble important que les ESPE puissent avoir une véritable autonomie concernant la mise en place des contenus de formation, dans un cadre fixé par l'Éducation nationale, qui est le futur employeur. Il s'agit, là encore, de trouver l'équilibre entre le cadrage général et l'autonomie nécessaire des établissements, ce qui nous semble tout à fait possible.

L'une des marges d'autonomie réside dans le continuum de formation. Dès lors que nous proposons de ne pas réduire la formation initiale aux deux années de master, mais de l'étaler en aval et en amont, les ESPE peuvent avoir une plus grande autonomie dans le séquençage des formations, tout en répondant à tous les objectifs inscrits dans le tronc commun.

Valérie Corre s'est émue d'une phrase figurant à la page 37 du rapport. Il s'agit d'une citation de M. Antoine Prost, qui nous a parlé de difficultés rencontrées au sein de l'ESPE d'Orléans. Si cela peut vous satisfaire, chère collègue, je suis prêt à clarifier cette phrase. Je rappelle simplement que ce ne sont pas mes propos. Je cite ce que nous a dit M. Antoine Prost pendant l'audition. Ce n'est en aucun cas une mise en cause de l'ESPE d'Orléans ou de son directeur.

Colette Langlade a parlé de la mutualisation. En ce qui concerne la formation des enseignants sur des métiers précis, les formations techniques, il y a parfois peu de postes à pourvoir. Nous proposons que certaines ESPE travaillent ensemble et se spécialisent dans la formation de ces enseignants, chaque ESPE n'ayant pas forcément la capacité de former quelques enseignants par an dans une discipline précise. La mutualisation des formations entre les ESPE peut constituer une réponse.

Cela suppose que les stagiaires se déplacent, mais il nous semble, au regard du faible effectif à recruter, que quelques ESPE se spécialisant dans telle ou telle discipline, avec des effectifs suffisants, donnent un meilleur gage de réussite qu'une formation destinée à deux ou trois personnes dans de nombreuses ESPE.

Hervé Féron a évoqué la question de l'éducation artistique et culturelle. Je n'ai pas listé toutes les disciplines, mais j'ai constaté qu'il y avait, dans les ESPE, des formations en la matière, comme dans l'éducation physique et sportive. Les ESPE balaient l'ensemble des disciplines pour l'ensemble des candidats au CAPES, mais aussi pour les professeurs des écoles.

Maud Olivier a abordé le thème de l'égalité entre hommes et femmes, qui fait partie des enseignements du tronc commun. Cela renvoie à l'autonomie des ESPE. Quand cette thématique doit-elle être abordée, ainsi que la conduite de la classe ou l'accueil des enfants à profils particuliers, souffrant de handicap ? Nous proposons, dans le rapport, que toutes ces questions, qui relèvent des enseignements du tronc commun, soient abordées, non seulement en master, mais aussi en licence et pendant les deux premières années d'exercice du métier.

Tel est l'esprit de ce rapport. Il y a encore du travail à faire, mais, pour conclure, je dirai que les ESPE se sont bien mobilisées. Elles ont toutes été accréditées et, dans les dossiers d'accréditation, nous avons pu voir des améliorations très importantes entre les premiers dossiers, qui ont été faits dans l'urgence, et ceux d'aujourd'hui, sur lesquels nous avons des retours très positifs.

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