Alors que nous achevons cette semaine l'examen de la proposition de loi du groupe Socialiste, écologiste et citoyen pour la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias je tiens, pour commencer cette intervention, à saluer l'excellent travail de notre président-rapporteur.
Ce texte est plus que jamais indispensable à l'heure où de nombreuses menaces pèsent sur les journalistes à travers le monde, en Turquie par exemple, tant sur leur liberté d'expression que sur leurs capacités mêmes à effectuer leur travail d'investigation.
Des menaces pèsent aussi sur ces grands principes dans notre pays : je pense notamment à la concentration dans les médias mais aussi aux propositions de sénateurs qui, dans le cadre du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, ont fait passer en commission spéciale des dispositions mettant en danger la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Cette loi est donc loin d'être superflue, elle est plus que jamais nécessaire pour protéger ceux qui s'inscrivent au coeur du processus de fabrication de l'information et des programmes : les journalistes.
Par cette loi, nous voulons protéger les journalistes de toute pression, et par là-même contribuer à restaurer la confiance qui doit exister entre le lecteur, le téléspectateur ou l'auditeur et les médias dits « classiques ». Cette loi, destinée non aux seuls journalistes, mais à l'ensemble du secteur des médias, érige l'autorité administrative indépendante qu'est le CSA en gardien de ces principes.
Tout d'abord, l'article 1er de la proposition de loi étend à tous les journalistes, quel que soit le média dans lequel ils exercent, un droit d'opposition réservé aujourd'hui aux seuls journalistes de l'audiovisuel public à l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986. Les journalistes ne pourront donc accepter un acte contraire à leur conviction professionnelle. Celle-ci sera fondée sur la charte déontologique de l'entreprise. Cette charte devra être signée dans toutes les entreprises de presse, y compris la presse quotidienne régionale, d'ici le 1er juillet 2017.
C'est sur l'article 1er ter de la proposition de loi, relatif à la protection du secret des sources des journalistes, que la CMP a échoué, notamment en raison d'une forte opposition de la droite sénatoriale. Nous avions adopté en séance publique un amendement étendant aux collaborateurs de la rédaction ainsi qu'au directeur de la publication la protection de sources, définissant les notions d'atteinte directe et indirecte au secret des sources et limitant les cas dans lesquels il pourra être porté atteinte à ce secret. Je me réjouis particulièrement, au nom du groupe SER, que cette disposition protectrice attendue entre dans notre droit.
L'article 2 étend au CSA la possibilité d'émettre des recommandations en matière d'honnêteté et d'indépendance de l'information et des programmes. Ce faisant, le CSA pourra s'appuyer sur le respect du droit d'opposition des journalistes dans l'appréciation du critère d'indépendance des journalistes. Une infraction à ce droit sera la preuve la plus criante de l'intrusion d'un intérêt particulier dans l'information.
L'article 7 instaure le comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes. Si certaines sociétés ont d'ores et déjà instauré des comités en leur sein, le troisième alinéa définit ce qui est entendu par « personnalité indépendante », tout en laissant à la société le loisir de définir la composition et les modalités de fonctionnement dans la convention la liant au CSA. Je tiens à rappeler que des initiatives du groupe SER ont étendu les garanties d'indépendance des membres du comité d'éthique pour une durée de douze mois après la cessation de leurs fonctions, y compris en cas de démission. D'autre part, nous avons prévu une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des comités.
Enfin, j'avais déposé au nom du groupe SER un amendement visant à suspendre les aides publiques aux entreprises de presse en cas de violation des obligations de transparence et du droit d'opposition des journalistes créé à l'article 1er. Les articles 5 et 6 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, tels que modifiés par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dite « loi Warsmann », obligent les entreprises éditrices à publier, dans chacun de leurs numéros, les noms des personnes physiques ou morales détenant au moins 10 % de leur capital. Il est quotidiennement constaté que cette disposition est peu appliquée. Le Sénat a estimé qu'une telle obligation serait contre-productive. Bien au contraire, nous pensons que les obligations de transparence sont aujourd'hui peu respectées et que la sanction pécuniaire apportera un effet plus dissuasif.
Vous l'aurez compris, le groupe SER votera en faveur de l'excellente proposition de loi de Patrick Bloche telle que nous l'avons adoptée le 18 juillet dernier. Elle vient compléter la loi du 15 novembre 2013 qui a réformé le mode de nomination des présidents de l'audiovisuel public. Ainsi, comme vous pouvez le constater, notre majorité a su mettre la transparence, la liberté, et l'indépendance des médias au coeur de ce quinquennat !