Intervention de Virginie Duby-Muller

Réunion du 5 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller :

Nous arrivons donc au terme de l'examen de cette proposition de loi, dont l'initiative revient à notre président-rapporteur et qui avait fait du bruit lors de son dépôt. Comme vous vous en souvenez, mes chers collègues, elle avait été qualifiée au départ de « texte anti-Bolloré », et tous les projecteurs étaient braqués sur la généralisation des comités d'éthique. Les débats ont toutefois révélé d'autres difficultés, sur lesquelles je souhaiterais revenir au nom du groupe Les Républicains, l'absence d'accord en CMP nous conduisant à exprimer de nouveau nos positions.

Notre première inquiétude est causée par le flou qui entoure la notion de conviction professionnelle. Certes, les chartes déontologiques proposées par notre groupe tentent, autant que faire se peut, d'encadrer le nouveau droit d'opposition créé à l'article 1er ; certes, vous avez consenti à supprimer l'adjectif « intime » qui suscitait de fortes inquiétudes. Cependant, nous estimons qu'il convient, et pas seulement dans le cadre des chartes, de définir plus précisément cette notion de conviction professionnelle sur laquelle se fonde le nouveau droit d'opposition créé à l'article 1er. À défaut de précision, ce nouveau droit ne peut s'analyser que comme un droit opposable teinté de subjectivité. Or, c'est un droit substantiel qui peut déstabiliser le fonctionnement des rédactions et qui fragilise le régime de responsabilité en vigueur. Demain, un directeur de la publication pourra se trouver responsable civilement et pénalement de contenus qu'il n'aura pas pu faire supprimer ou rectifier. C'est un véritable problème, sur lequel la proposition de loi reste silencieuse.

Notre seconde inquiétude a trait au renforcement inopportun des pouvoirs du CSA. Qu'il ait pour mission de garantir l'honnêteté et le pluralisme des programmes concourant à l'information ne nous choque pas : en revanche, que la proposition de loi reste également silencieuse sur le contenu des conventions censées encadrer cette nouvelle mission nous pose problème. En clair, la proposition de loi laisse le CSA définir lui-même la façon dont il entend garantir honnêteté, indépendance et pluralisme des médias. Ce silence fait du régulateur le juge des contenus et ce n'est pas acceptable. D'autant plus que la proposition de loi prévoit des sanctions portant sur les autorisations de diffusion en cas de non-respect des principes mentionnés à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, tel que modifié donc par l'article 2 de la proposition de loi ; ces principes sont bien sûr le ceux d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme, déjà cités, mais aussi celui du nouveau droit d'opposition des journalistes dont je viens de souligner les dangers. Le pouvoir que confie la proposition de loi au CSA nous semble donc disproportionné.

En revanche, nous saluons l'intégration au texte de l'article 1er ter sur la protection des sources des journalistes : nous regrettons cependant – une fois n'est pas coutume – que le Gouvernement se soit fait battre en nouvelle lecture par sa majorité, les amendements qu'il proposait nous paraissant équilibrés. Nous saluons également l'article 10 ter sur la numérotation des chaînes.

Enfin, nous pouvons comprendre l'intention qui a fait naître les comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et de programmes, même si nous regrettons certaines de leurs modalités, notamment la consultation par toute personne, la publicité sur le nombre de saisines, ou encore le fait qu'il revienne encore une fois au CSA de définir les statuts de ces futurs comités.

Pour les raisons précédemment évoquées, notre groupe votera contre cette proposition de loi.

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