Intervention de Gilda Hobert

Réunion du 5 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

Avant d'aborder le sujet de la proposition de loi, je voudrais signaler que, dans le dernier classement mondial de la presse de Reporters sans Frontières, la France a rétrogradé de la 38e à la 45e place, ce qui est pour le moins attristant, voire inquiétant. Il serait intéressant de connaître les causes qui ont pu produire ces effets.

Nous voici donc engagés sur la dernière partie du chemin qui nous conduit à l'adoption en lecture définitive de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, une lecture définitive qui intervient seulement huit mois après son dépôt sur le bureau de notre assemblée. C'est un délai plutôt court devant l'enjeu important que représente la liberté de la presse face à des intérêts économiques divers. Nous avons eu à mener une réflexion alors que l'information est dense, multiple et investit de nombreux modes de diffusion. Les médias ont de leur côté un devoir d'exigence pour garantir une information vérifiée et juste.

Je ne reviendrai pas sur la notion de conviction professionnelle qui a nourri nos débats ; l'article 1er me semble quant à lui toujours aussi approprié ; je soulignerai l'importance de l'article 7 qui concerne les comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes, ou encore, à l'article 2, les prérogatives renforcées du CSA, qui pourra ainsi remplir pleinement son rôle de garant de « l'honnêteté, de l'indépendance et du pluralisme de l'information ».

Je voudrais surtout insister sur le renforcement de la protection du secret des sources des journalistes, qui prennent des risques parfois très importants, en citant notamment les sanctions qui accompagnent les atteintes à ce secret, le contrôle a priori par le juge de la liberté et de la détention en cas d'une mesure portant atteinte au secret des sources, l'impossibilité de condamner un journaliste pour la violation du secret professionnel : autant d'avancées fondamentales qui permettront à la profession de travailler l'esprit libre, en toute sécurité.

Aussi ne puis-je que regretter les divergences qui se sont instaurées entre les deux assemblées, et qui ont conduit le Sénat à s'opposer à l'extension de la protection aux collaborateurs de la rédaction et aux directeurs de publication. Il y a là un manque de cohérence.

La cohérence consiste également, au-delà de la protection du secret des sources, à permettre aux journalistes d'exercer leur droit d'opposition, renforcé par l'article 1er.

C'est pourquoi je vous remercie, monsieur le rapporteur, de votre pugnacité, heureusement partagée par nombre de nos collègues.

Je suis en revanche circonspecte devant les récentes initiatives du Sénat, qui tendent à remettre en cause les principes de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La possibilité de poursuivre des infractions au droit de la presse devant les seules juridictions civiles est contraire au principe d'indépendance de la presse par rapport aux puissances économiques, que l'Assemblée nationale a souhaité rétablir à juste titre.

Soulignons toutefois les quelques progrès du dialogue entre les deux chambres, en dépit de l'échec de la CMP en juin dernier. Le renforcement de la protection des lanceurs d'alerte, par exemple, ou la sécurisation juridique des décisions de la commission du réseau du Conseil supérieur des messageries de presse, assurent une meilleure protection à ceux qui traitent et véhiculent l'information.

Cette proposition de loi, qui permettra aux journalistes, aux collaborateurs de rédaction et aux directeurs de publication de nous informer en toute liberté et en toute indépendance est primordiale pour que la France soit un pays où la presse a le droit, le devoir, et la capacité de critiquer. Les récentes affaires de contrôle des médias par quelques groupes économiques nous rappellent que nous devons continuer à être vigilants.

Notre groupe votera ce texte avec conviction.

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