Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 12 octobre 2016 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain :

L'idée du stockage en Europe me laisse profondément perplexe car elle suppose de nombreuses conditions : une ambition européenne en matière de stockage, de codage et de cryptologie ; un cloud au-dessus de l'Europe ; des entreprises à capitaux exclusivement européens et dotées des structures de droit européen. La vraie question est de savoir ce que nous pouvons faire dans le monde tel qu'il est, sachant qu'il faut peut-être ambitionner ce type de stockage à une échéance pas trop lointaine. Est-ce à dire dans deux ans, vingt-cinq ans ou quarante ans ? Mes chiffres sont délibérément outranciers mais la vraie question est quand même celle-là.

Se pose aussi la question de l'écriture qui rejoint les propos de notre collègue Premat à propos des codes. Dans quelle langue écrit-on les codes et l'architecture ? Dans l'Union européenne, nous avons trois alphabets : le grec, le cyrillique et le latin. Au niveau mondial, il en existe bien d'autres, notamment les alphabets de puissance que sont les alphabets indiens et chinois. C'est un point essentiel qui ne se limite pas au zéro et un de l'informatique. Les choses se passent dans l'ordre suivant : on écrit, on transcrit, on transporte et on stocke. Et puis on déstocke, en petits morceaux, ce qui est plutôt amusant sur le plan scientifique et technologique.

À la CNIL, vous êtes au coeur du système. Telegram nous pose un problème qui touche à ces sujets : indécodable, dans un alphabet extérieur, dans des langues autres parfaitement maîtrisées. Quelles sont nos forces en France ? Il me semble que nous avons des forces en informatique et que nous sommes l'un des rares pays, avec les États-Unis, où l'on enseigne toutes les langues du monde. Ce n'est pas courant. Il serait bon de s'appuyer également sur ce stock linguistique considérable.

En ce moment, on sent une pression en faveur d'un code universel qui servirait à la fois pour nos messageries, nos comptes en banque et la sécurité sociale, et qui serait protégé par une empreinte à caractère biologique. Un nouvel espace se dessine : la connexion entre le numérique et le biologique, pour aller vers plus de simplification et résoudre des problèmes de mémorisation. On peut faire une empreinte avec de la sueur, on n'a même pas besoin d'une empreinte génétique. Les instruments de mesure permettent de toucher n'importe quoi. La CNIL ne sera plus limitée à l'informatique et aux libertés, je le crains ou l'espère. Elle aura à se préoccuper de bien d'autres choses car nous vivons un changement de monde, pas seulement un changement de puissance ou d'opportunité. Ce changement considérable, nous devons l'aborder à la fois de manière ontologique, politique et technique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion