Notre commission d'enquête a été créée par la conférence des présidents, le 10 mai 2016, à la demande du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Depuis cette date, nous avons tenu vingt auditions au cours desquelles nous avons entendu trente-six personnes, parmi lesquelles des médecins et des représentants des institutions du système de santé publique ainsi que des associations de patients.
Parallèlement, nous avons été destinataires de nombreux témoignages spontanés, et j'ai reçu 570 réponses au bref questionnaire que j'ai mis en ligne afin de comparer les expériences des uns et des autres. Je souhaite remercier les auteurs de ces courriers qui m'ont aidé à mieux comprendre leurs difficultés. Certains extraits de ces témoignages sont cités dans le rapport, car ils sont précis et convaincants.
Comme vous le savez, j'étais à l'initiative de la création de cette commission d'enquête, et je voudrais dire aujourd'hui combien les auditions que nous avons conduites ensemble dans un esprit consensuel et positif m'ont conforté dans cette orientation, tant le besoin de reconnaissance des patients était grand. Si notre commission a contribué à modifier le regard de nos concitoyens sur les souffrances des malades de la fibromyalgie en leur donnant la parole dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, elle aura atteint un de ses objectifs.
Nos travaux ont aussi mis l'accent sur les insuffisances de notre système de santé dans le traitement de cette souffrance, et ont permis d'identifier des propositions d'amélioration. Vous verrez ainsi que nous en formulons vingt qui, je l'espère, recueilleront votre approbation. Elles reflètent les échanges que nous avons eus en marge des auditions et ne vous surprendront donc pas. Afin de ne pas monopoliser la parole, je n'en présenterai que quelques-unes.
En premier lieu, il m'est apparu que l'utilisation par les médecins du terme de « syndrome » ne contribue pas à crédibiliser la souffrance subie par les patients auprès de leurs proches et de leur entourage professionnel. Aussi, je souhaite que les autorités sanitaires françaises fassent évoluer la terminologie employée pour désigner la fibromyalgie et adoptent désormais la notion de maladie plutôt que celle de syndrome.
Si les causes de la fibromyalgie, comme sa prévalence et son coût restent encore difficiles à cerner, il me semble qu'elles sont encore fortement sous-estimées et que nous devrions progresser dans l'épidémiologie de cette maladie. Les souffrances qu'elle engendre sont bien réelles. Je me suis efforcé de les retracer dans mon rapport, dans leur diversité et leur impact quotidien, grâce aux témoignages des patients et de leurs associations. Vous verrez que j'ai notamment beaucoup utilisé la remarquable enquête de l'association FibromyalgieSOS, menée en 2014 auprès de 4 500 patients.
S'agissant des réponses de notre système de santé publique à cette maladie, j'estime tout d'abord que la France devrait accentuer son effort de recherche, notamment de recherche clinique, qui semble très en deçà de la prévalence de la fibromyalgie dans notre pays et de ce qui est pratiqué dans certains autres pays occidentaux. L'expertise collective engagée par l'INSERM devrait toutefois contribuer à approfondir nos connaissances et à renouveler nos modes d'action, mais seulement à compter de 2018. Les représentants de l'Inserm que nous avons entendus, dont son président-directeur général, M. Yves Lévy, ont d'ailleurs expressément affirmé qu'ils suivaient nos auditions et qu'ils tiendraient compte de nos propositions dans leurs travaux. Il n'y a donc pas de concurrence entre nos deux démarches, mais bien une complémentarité.
Dans un autre registre, il importe que la formation initiale et continue des médecins soit améliorée afin que cette maladie soit mieux connue et reconnue. Je fais, à cet égard, des propositions précises, en lien avec la réforme du troisième cycle des études de médecine. Une plus grande sensibilisation aux outils de repérage, notamment aux questionnaires qui nous ont été présentés, permettra aussi un diagnostic plus précoce et réduira l'errance médicale.
De nombreux intervenants nous ont décrit les effets secondaires indésirables des traitements médicamenteux, tout en rappelant qu'il n'existait pas d'autorisation de mise sur le marché de molécule pour la fibromyalgie en Europe. Il faut donc encourager une approche pluri-professionnelle de la prise en charge des patients, afin de promouvoir la réadaptation à l'effort sans créer d'addiction à des médicaments dont l'effet durable est fortement sujet à caution.
Dans cet ordre d'idée, je propose de favoriser le développement des programmes d'éducation thérapeutique du patient, fondé sur une évaluation scientifique des modules existants. La table ronde que nous avons tenue avec la présidente, en présence de plusieurs patientes atteintes d'une forme grave de fibromyalgie, à l'hôpital Cochin, dans le service du professeur Perrot, nous a convaincus du bien-fondé du programme d'éducation thérapeutique qu'elles suivaient, comme l'ont aussi relevé de nombreuses personnes que nous avons auditionnées.
Afin de lutter contre l'errance médicale, il faut que la Haute Autorité de santé (HAS), dans la continuité de son rapport de 2010, définisse un modèle de prise en charge susceptible de servir de référence aux médecins généralistes et spécialistes. La définition d'un véritable parcours de soins suppose en effet l'élaboration de recommandations et de référentiels susceptibles d'aider les médecins généralistes à coordonner la prise en charge et à mieux orienter les patients vers les spécialistes et les centres de traitement de la douleur, qu'il faut conforter et développer. Inclure la fibromyalgie dans la liste des pathologies complexes ouvrant droit à une majoration de tarification pour les consultations de généralistes, comme le prévoit la future convention entre les caisses d'assurance maladie et les médecins libéraux, permettrait de reconnaître la spécificité de ces patients qui nécessitent une consultation approfondie que les médecins généralistes n'ont pas toujours le temps de mener.
Une autre des préoccupations exprimées par les associations de patients est l'inégalité de prise en charge par l'assurance maladie au titre des affections de longue durée (ALD) ou la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, pour la prise en charge du handicap, selon les territoires. Nos investigations, et notamment les chiffres fournis par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), confortent cette appréciation. Il importe avant tout que la reconnaissance de l'ALD soit garantie aux cas sévères et coûteux en soins de manière homogène sur le territoire national, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, notamment pour l'appréciation de la condition de traitement particulièrement coûteux, prévue par la circulaire de 2009 pour les affections hors liste.
Il appartient d'abord à la HAS d'établir des recommandations de prise en charge. La CNAMTS nous a ainsi indiqué qu'elle l'avait sollicitée à cet effet, par courrier en date du 16 juin 2016, ce qui laisse penser que la création de notre commission d'enquête n'est pas complètement étrangère à cette initiative salutaire. L'établissement de recommandations permettrait ainsi de réaliser des actions de formation auprès du réseau des médecins-conseils afin d'obtenir la meilleure cohérence des avis donnés.
Enfin, apprendre à gérer la fatigue, les douleurs, le stress, demande un travail d'équipe qui n'est pas seulement médical mais aussi pluri-professionnel, et peut nécessiter le recours à des traitements médicamenteux et non médicamenteux, parfois à des médecines complémentaires. Si les traitements médicamenteux sont a priori pris en charge par l'assurance maladie, d'autres possibilités, pourtant déterminantes dans le traitement de la douleur, sont peu ou pas pris en charge. Il serait utile que la HAS définisse un panier de soins – balnéothérapie, consultation d'un psychologue, activités de retour à l'effort, éventuellement compléments alimentaires – éligibles à une prise en charge, peut-être forfaitaire, plus adaptée aux besoins des patients fibromyalgiques que les médicaments.