Intervention de Christian Eckert

Réunion du 11 octobre 2016 à 17h00
Commission des affaires sociales

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

Nous vous présentons aujourd'hui le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat. C'est l'occasion de mesurer le chemin parcouru depuis que nous sommes parvenus aux responsabilités gouvernementales, dont l'aboutissement est l'équilibre en 2017. Je reviendrai aussi sur les principales dispositions du texte qui confortent cet objectif. C'est aussi le moment de vous dire quelles orientations nous voulons tracer pour l'avenir. Il ne suffit pas de se contenter d'avoir ramené la sécurité sociale et ses quatre branches à l'équilibre financier ; encore faut-il que cet équilibre soit durable et utile. Il faut continuer de déployer cette politique responsable pour continuer à faire progresser les droits. Notre société en a besoin.

Tout d'abord, nous révisons la prévision pour 2016 et pour 2017 pour présenter un déficit de 400 millions d'euros pour le régime général. Rapporté à une masse financière de 400 milliards d'euros, ce déficit signifie que les dépenses sont couvertes à 99,9 % par les recettes ; on peut donc parler d'un quasi-équilibre. Les résultats auraient pu être encore meilleurs, notamment pour la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS). Nous avons toutefois considéré qu'il était indispensable de mettre en oeuvre une trajectoire de redressement de la situation financière du fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont le déficit est très affecté par la situation sur le marché de l'emploi. Par conséquent, nous proposons, dans le cadre de ce PLFSS, de transférer, à partir de 2017, la participation du fonds au financement du minimum contributif, qui ressortit en réalité aux compétences des régimes de base, vers la CNAVTS. La totalité des charges correspondantes, c'est-à-dire 3,5 milliards d'euros, sera transférée d'ici à 2019, permettant un retour à l'équilibre en quatre ans.

J'insiste sur le fait que nos comptes sont certifiés depuis 2012, pour toutes les branches. Ceux qui parlent de maquillage de chiffres ou d'arguties budgétaires ou comptables devraient plutôt lire les rapports de la Cour des comptes. Ce redressement a conduit, depuis 2015, à une nette réduction de l'endettement de la sécurité sociale. Oui, la CADES a ainsi remboursé plus de 13 milliards d'euros de dettes en 2015. Non seulement la dette de la CADES se réduit, mais elle se réduit nettement plus vite que les 10,8 milliards de déficit constatés au titre de cette même année et conservés à l'ACOSS. Ce désendettement se poursuivra en 2016, à hauteur de plus de 7 milliards d'euros, et en 2017, à hauteur d'environ 10 milliards d'euros. Donc, même en tenant compte de la dette de l'ACOSS, qui va se stabiliser en 2018, le désendettement est réel et s'accélère.

Ce PLFSS comporte des mesures dans le droit fil de celles prises les années précédentes, qui permettront d'atteindre l'objectif fixé. Je vous rappelle que tous les ans, année après année, non seulement nous avons atteint l'objectif voté par vous en LFSS initiales, mais, la plupart du temps, nous avons fait mieux. Tout cela découle directement de nos décisions, que vous avez validées. Oui, ce sont des décisions d'économies supplémentaires, tant sur l'assurance maladie que sur les autres dépenses sociales, dans le cadre du plan global d'économies que nous menons depuis 2014 sur l'ensemble des administrations publiques. C'est également la décision de compenser à la sécurité sociale le coût du pacte de responsabilité et de solidarité. Je vous rappelle que la réduction du déficit de la sécurité sociale se fait nonobstant l'allégement des cotisations des employeurs et des salariés à l'ensemble de ces régimes.

L'ONDAM a été respecté ces six dernières années et il le sera à nouveau en 2016, malgré une cible historiquement ambitieuse de 1,8 %. En 2017, c'est un montant total d'un peu plus de 4 milliards d'euros d'économies qui est attendu, soit un effort supplémentaire de 700 millions d'euros. Ces réformes ont été engagées dans le cadre du plan ONDAM sur l'efficience des dépenses hospitalières, le virage ambulatoire, la maîtrise des dépenses de produits de santé et l'amélioration de la pertinence des soins. Tout cela a porté ses fruits en 2015 et 2016 et continuera à monter en charge en 2017. Ce sont bien là des réformes structurelles. Des mesures complémentaires permettront notamment de mieux faire face au coût de l'innovation thérapeutique. Les dépenses nouvelles pour le système de santé induites par la convention médicale et les mesures salariales en faveur des agents de la fonction publique seront donc partiellement compensées par des économies supplémentaires. En tout cas, elles sont intégrées dans nos prévisions de dépense.

Toutefois, aller plus loin dans les économies nous aurait conduits à des décisions qui ne nous paraissent pas souhaitables, car nous voulons préserver les droits des assurés. C'est pourquoi l'ONDAM a été relevé en 2017 à 2,1 %, ce qui reste un taux exigeant, l'un des plus bas jamais connus pour les dépenses d'assurance maladie. Nous prendrons, par ailleurs, un ensemble de mesures complémentaires de redressement pour un montant total de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. Ce principe avait été posé dès le programme de stabilité, au mois d'avril dernier. Je vais en décliner quelques-unes.

La fiscalité du tabac contribuera à la fois à l'objectif de redressement des comptes, mais aussi à la lutte contre un fléau pour la santé. Les mesures figurant dans le PLFSS permettront, d'une part, d'aligner les taxes sur le tabac à rouler, aujourd'hui plus faibles, sur celles sur les cigarettes et, d'autre part, de créer la contribution pesant sur le chiffre d'affaires des distributeurs de tabac. Nous visons, pour celle-ci, un rendement de 130 millions d'euros supplémentaires.

En outre, la lutte contre le développement des niches sociales se poursuit. Nous engageons, poursuivons et approfondissons la lutte contre la fraude à la fois aux prestations et aux cotisations, dans le cadre du plan national de lutte contre la fraude qui a été présenté le 14 septembre dernier. L'objectif est de passer à la vitesse supérieure, pour un gain de 500 millions d'euros. Nous avons doublé les résultats dans ce domaine entre 2011 et 2015 Cela constitue déjà une performance inégalée, et les mesures supplémentaires prévues en PLFSS permettront d'accroître le rendement des contrôles, notamment en facilitant la récupération des créances.

Nous attendons de nouvelles économies dans la gestion des organismes de sécurité sociale et des dépenses d'action sociale, pour environ 270 millions d'euros supplémentaires en 2017. Les excellents résultats des mesures d'économie exigeantes prises depuis 2012 ont permis des baisses de dépenses nettement plus importantes que prévu à l'origine. Cela a conduit le Gouvernement à fixer des objectifs encore et toujours ambitieux pour les années à venir.

Enfin, certaines réformes engagées montent en charge et produisent des économies, comme celle du congé parental, le tout pour 350 millions d'euros.

L'État compense les manques à gagner supportés par la sécurité sociale du fait du pacte de responsabilité et de solidarité pour un peu plus de 13 milliards d'euros en trois ans. Pour 2017, cette compensation sera assurée par l'extension de certaines recettes temporaires qui avaient compensé le pacte, comme celles sur la caisse de congés payés, et le coût en année pleine des baisses de cotisations étendues au 1er avril 2016. L'État compensera donc un ensemble d'exonérations de cotisations sociales qui n'étaient pas jusqu'à présent compensées. Ce mécanisme est une garantie de protection des recettes sociales : toute mesure coûteuse sur ces dispositifs sera à l'avenir compensée par l'État, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Quelques mots, enfin, sur les orientations et les réformes que nous proposons dans le cadre de ce PLFSS. L'horizon ultime n'est pas 2017. Nous devons poursuivre certaines démarches engagées pour que le système de prélèvements sociaux soit davantage adapté aux besoins des populations, notamment aux travailleurs indépendants.

Le PLFSS achève d'abord de réorganiser les relations entre les URSSAF et le RSI, à la suite du rapport rendu par vos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier, et des orientations déjà prises au cours des années précédentes. Les actions menées sur le terrain depuis 2012 montrent, en effet, que seul un travail de confiance et une responsabilité partagée entre les deux réseaux sont de nature à assurer une qualité de service digne de ce nom pour les assurés. L'interlocuteur social unique (ISU) était une répartition des tâches mal conçue, mal mise en oeuvre et qui s'est révélée inapplicable. Lorsqu'il s'agit de mettre fin à une crise aussi grave, il faut se garder des grands discours et des formules creuses. Je rappelle à ceux qui l'auraient oublié que les travailleurs indépendants paieraient des cotisations plus élevées s'ils étaient affiliés au régime général. Il faut donc être pragmatique pour tester sur le terrain les solutions qui paraissent efficaces. C'est ce que nous avons fait avec la réforme du recouvrement des cotisations votée en 2012, puis la réorganisation au niveau local en 2014. Il faut désormais aller plus loin, en établissant clairement dans la loi les responsabilités du RSI et des URSSAF. Une chaîne hiérarchique unifiée est ainsi établie en parallèle, parce que l'essentiel des enjeux pèse sur ce domaine. Nous engageons une importante refonte des systèmes d'information. L'ISU créé en 2008 sera donc supprimé.

Par ailleurs, parce que notre économie se transforme et qu'il faut l'accompagner, notre système de prélèvement doit être adapté en fonction de ces évolutions. Le Gouvernement entend donc poursuivre le travail de clarification des règles applicables aux activités économiques dites « accessoires » commencé en 2015 en loi de finances, qui a notamment donné lieu, à travers une instruction fiscale parue au mois de septembre, à un rappel de la définition du partage de frais. Pour aller plus loin, il faut aussi s'assurer que les règles qui régissent l'affiliation des activités professionnelles sont claires et adaptées à une concurrence non faussée entre l'économie dite « traditionnelle » et les plateformes numériques. Or, dans le domaine des locations de biens entre particuliers, par exemple, force est de constater que la frontière qui permet d'identifier les situations professionnelles est peu claire. En l'état du droit, il est probable qu'une activité régulière de location de logement, même faiblement rémunérée, devrait faire l'objet d'une déclaration et que la non-déclaration serait sanctionnée en cas de contrôle. Il est donc souhaitable de fixer un seuil clair, à un niveau cohérent avec un revenu révélant une activité professionnelle accessoire réelle. Le seuil prévu est de 23 000 euros, par cohérence avec les seuils fiscaux. En outre, le projet de loi propose de simplifier les démarches pour que les personnes concernées puissent se déclarer comme autoentrepreneurs.

Alors que beaucoup de nos concitoyens doutent souvent de l'utilité des efforts qui leur sont demandés, rien n'est plus important que de leur montrer que les résultats sont au rendez-vous et les objectifs atteints. Il faut simplement dire la vérité, surtout lorsque cela consiste à reconnaître que les efforts payent. Dire la vérité aux Français et être responsables, nous l'avions fait dès 2012, lorsque les comptes publics étaient à la dérive, que les déficits dépassaient 5 % du PIB et que le déficit de la sécurité sociale était de 20 milliards d'euros. Oui, il était indispensable que chacun fasse des efforts ! Ce langage de vérité et de responsabilité a été tenu dès le départ et tout au long de la législature. Aujourd'hui, être lucide, c'est d'abord reconnaître que les résultats sont là. En 2017, le déficit du régime général et du FSV aura été divisé par plus de trois par rapport à 2013, et par plus de six par rapport à 2010. Au plus fort de la crise, il avait atteint le record de 28 milliards d'euros. La dette sociale poursuit sa baisse en valeur. À nouveau, je rappelle que ces résultats sont dignes de foi, puisqu'ils sont établis sur la base de comptes fiables, certifiés par la Cour des comptes. Le retour à l'équilibre était donc possible ; il supposait d'avoir le courage de prendre les mesures nécessaires, pas toujours populaires, à un redressement solide et progressif, sans relâcher l'effort. Je l'ai dit lors de la présentation du PLFSS à la presse.

Quel qu'il soit, le Gouvernement qui présentera la prochaine loi de financement de la sécurité sociale sera redevable à l'égard des Français, surtout, et du gouvernement qui l'aura précédé, un peu. Ainsi rétablie, la sécurité sociale a encore de beaux jours devant elle ; elle perdurera. Il lui faudra évoluer pour faire face aux besoins d'une société en mouvement. La sécurité sociale est un bien commun qui doit rester la colonne vertébrale de notre solidarité nationale.

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