Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 11 octobre 2016 à 17h00
Commission des affaires sociales

Laurence Rossignol, ministre de la famille, de l'enfance et des droits des femmes :

Merci de me donner de nouveau l'occasion d'échanger avec vous, cette fois-ci à l'occasion du PLFSS 2017. Vous m'aviez invitée le 17 mai dernier pour débattre sur la politique familiale, et je vous avais présenté les actions conduites par le Gouvernement pour adapter la politique familiale aux besoins des familles ainsi que ce que nous souhaitions encore entreprendre.

Le présent PLFSS s'inscrit dans la continuité des quatre précédents : il est socialement juste et budgétairement responsable. Il permettra en particulier la création de l'agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA), une avancée importante pour les familles monoparentales et les parents séparés.

Depuis 2012, la politique familiale est redevenue un outil de justice sociale répondant aux besoins de toutes les familles. Le Gouvernement a su la faire évoluer pour l'adapter aux transformations que vivent les familles. Il a fait le choix de regarder les huit millions de familles telles qu'elles sont, sans idée préconçue sur le modèle qu'elles doivent ou non adopter. Il a choisi de les accompagner toutes au plus près de leurs besoins, en veillant tout particulièrement aux familles les plus vulnérables. C'est ce qui a conduit le Gouvernement à augmenter de 25 % l'allocation de rentrée scolaire dès 2012 et à verser aux familles nombreuses ayant les revenus les plus faibles un complément familial majoré, créé en 2012 et revalorisé de 50 % sur cinq ans, passant de 165 euros à 219 euros, entre 2012 et 2016 ; la revalorisation sera poursuivie en 2017.

C'est aussi ce qui l'a conduit à aider et à accompagner les familles monoparentales, qui représentent plus d'une famille sur cinq. S'intéresser à ces familles, composées à 85 % de femmes, c'est aussi faire progresser les droits des femmes et des enfants. En devenant secrétaire d'État, j'ai souhaité faire des familles monoparentales une priorité et j'ai, bien entendu, renforcé cette impulsion en tant que ministre chargée de la politique familiale.

La monoparentalité s'accompagne souvent d'une grande vulnérabilité et d'un risque plus élevé de précarité. Cette situation est accentuée par le fait que, dans plus d'un cas sur trois, la pension alimentaire n'est pas payée ou payée irrégulièrement ou partiellement. Le Gouvernement a donc décidé de revaloriser l'allocation de soutien familial de 25 % sur cinq ans ; le montant de cette prestation est passé de 89 euros à 105 euros, et la revalorisation, là encore, se poursuivra en 2017.

La garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA), expérimentée dans une vingtaine de départements pendant dix-huit mois, a été généralisée le 1er avril 2016. Elle permet aux CAF d'améliorer le recouvrement des pensions alimentaires impayées et de les reverser à leurs bénéficiaires. Elle permet aussi de compléter les pensions alimentaires de faible montant – même si elles sont payées – à hauteur de 105 euros par enfant et par mois.

Mais les politiques sociales ne sont pas que prestations et équilibre, ce sont aussi les politiques du lien social. Autre innovation sociale, j'ai souhaité impulser et accompagner la mise en place d'un réseau d'entraide des familles monoparentales : Parents solos et compagnie. Ce réseau est une démarche d'analyse des besoins par la concertation, une méthode d'implication des pairs dans les politiques publiques les concernant, une approche décloisonnée des sujets. La création de l'ARIPA constituera une étape supplémentaire dans la politique volontariste du Gouvernement en faveur des familles monoparentales. L'Agence informera les parents séparés sur leurs droits et les accompagnera dans leurs démarches.

S'appuyant sur les conclusions remises par les trois inspections générales en septembre aux ministres des finances, de la santé, de la justice et des familles, l'article 27 du PLFSS propose à votre assemblée la réalisation concrète de cette agence en deux temps. Dès le 1er janvier 2017, l'Agence se verrait confier le recouvrement des pensions impayées pour tous les créanciers ayant à charge des enfants de moins de vingt ans, y compris s'ils sont de nouveau en couple, et ce sans qu'ils aient l'obligation d'avoir épuisé les autres voies de recours préalables. Cela permettra un recouvrement plus réactif et efficace auprès de l'ensemble des parents débiteurs défaillants dès le premier mois d'impayé. Toujours en 2017, le PLFSS propose de confier à l'Agence un rôle d'intermédiation, sur décision du juge, en cas de violences ou de menaces par le débiteur de la pension. Les personnes qui en sont victimes pourront ainsi bénéficier des services de l'Agence, qui encaissera directement les pensions auprès de l'ancien conjoint et les reversera au créancier.

Dans un second temps, à compter de 2018, il est proposé que l'Agence puisse donner une force exécutoire aux accords amiables fixant une pension alimentaire entre parents non mariés. À partir d'un barème national, l'Agence pourrait sécuriser le montant des pensions et en assurer le recouvrement en cas d'impayés ultérieurs. Cette proposition s'articule parfaitement avec le projet de loi de modernisation de la justice au XXIe siècle. Dans le tour de table interministériel qui a précédé la mise en place de cette agence, le ministère de la justice a été particulièrement allant.

La branche famille de la sécurité sociale s'implique fortement dans la lutte contre la pauvreté des familles monoparentales et gère déjà l'allocation de soutien familial ainsi que la GIPA. C'est pourquoi l'article 27 propose de confier à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), en lien avec la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), la responsabilité de mettre l'Agence en place. Cette démarche d'innovation au plus près des besoins des familles ne peut se passer de l'appui des organismes de la branche famille. Ainsi, l'article 27 est important à plusieurs égards. La création de l'Agence contribuera à responsabiliser les parents débiteurs et à réduire la pauvreté des foyers monoparentaux. Solidarité nationale et lutte contre la pauvreté, cohésion sociale et respect des décisions de justice en sont les principaux enjeux.

Il est également proposé de simplifier les circuits de versement du complément de libre choix de mode de garde (CMG) et de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) afin d'aider toutes les familles qui recourent à un mode d'accueil individuel. L'article 28 du PLFSS prévoit en effet plusieurs mesures de simplification du CMG. Il propose également d'étendre, à compter du 1er janvier 2018, les missions des centres nationaux Pajemploi et CESU. Enfin, ces dispositions prévoient d'intégrer davantage, à partir du 1er janvier 2018, le circuit de versement des aides pour la garde à domicile. Ces mesures simplifient les circuits de versement du CMG. Elles ont aussi pour objectif de limiter les avances de trésorerie des familles qui ont recours à ces modes d'accueil.

Si la France conjugue un taux élevé de natalité – presque deux enfants par femme – et une forte activité des femmes – 80 % des femmes en couple avec un enfant âgé de moins de trois ans travaillent –, c'est grâce au nombre de solutions d'accueil que nous proposons et à leur accessibilité financière pour toutes les familles. En quatre ans, 70 000 nouvelles places de crèches ont été créées. Le nombre de places d'accueil collectif augmente nettement chaque année. Afin de soutenir l'investissement des collectivités locales, en plus des aides financières à la création et à la rénovation des établissements, la branche famille a financé 2 000 euros supplémentaires par place d'accueil pour toute création de place décidée en 2015. Cette aide supplémentaire a été reconduite en 2016 dans les territoires prioritaires.

Mais les collectivités locales ne semblent pas s'être pleinement saisies des moyens mis à leur disposition et, devant ce constat, le Gouvernement a pris de nouvelles mesures. Nous avons mis en place les crèches à vocation d'insertion professionnelle, qui permettent à la fois l'accueil des jeunes enfants et l'accompagnement des mères isolées vers un retour à l'emploi. Nous avons relancé la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui avait été divisée par trois entre 2001 et 2012, et nous apportons un soutien et une sécurisation particuliers aux maisons d'assistance maternelle (MAM), avec, depuis janvier 2016, une aide au démarrage de 3 000 euros versés aux nouvelles MAM respectant une charte de qualité et implantées dans les territoires sous-couverts en modes d'accueil. Un guide du ministère relatif à ces maisons a été publié en mai et diffusé à l'ensemble des acteurs de terrain. C'est un véritable outil pour les porteurs de projet, collectivités locales et assistantes maternelles. Ces mesures s'inscrivent dans un plan global de soutien aux assistants maternels, qui souffrent de la conjoncture économique mais aussi de la démographie vieillissante de leur profession. Elles sont convergentes avec le rapport sur les MAM rendu en juin par les sénatrices Michelle Meunier et Caroline Cayeux.

Cette politique familiale est à la fois juste socialement et sociologiquement ainsi que responsable budgétairement. Elle s'est notamment traduite par une baisse du plafond du quotient familial pour les familles les plus aisées, soit moins de 5 % des foyers fiscaux, mais également par une mesure d'équité dont votre assemblée est à l'origine et dont vous pouvez être fiers : la modulation des allocations familiales. Bien que ces allocations restent universelles, 450 000 familles, c'est-à-dire moins d'une famille bénéficiaire des allocations familiales sur dix, perçoivent un montant moindre.

Outre sa dimension essentielle de justice sociale, la politique familiale que nous menons a permis de garantir la pérennité de la branche, qui était menacée par un niveau de déficit très important. La pertinence de ces mesures est confortée par les résultats de la branche. Son déficit se résorbe de plus de 500 millions d'euros en 2016, le ramenant à 1 milliard, contre 2,5 milliards en 2012, et le solde de la branche sera en équilibre en 2017.

En matière de politique familiale, le PLFSS 2017 est donc dans la continuité de la politique ambitieuse que nous conduisons depuis 2012. L'effort budgétaire que nous avons déployé sur la durée a permis de financer les revalorisations des prestations familiales pour les familles qui en ont le plus besoin. Les prestations familiales ont ainsi joué un rôle d'amortisseur social que bien d'autres États européens nous envient.

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