Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du 11 octobre 2016 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Mesdames les ministres, monsieur le ministre, on aimerait tant vous croire ! Faire disparaître le trou de la Sécu et sauver notre système de protection sociale tout en maintenant à son niveau maximal notre généreuse protection sociale, c'est un peu le Graal pour les politiques que nous sommes, sur tous les bancs.

Évidemment, à l'approche d'élections nationales, il est toujours plus facile de tenir un discours plein de promesses plutôt que celui de la vérité. Et pourtant, il va falloir, encore, faire des efforts pour redresser les comptes et pérenniser notre système social. Il n'y a pas, d'un côté, les méchants de droite qui auraient tout faux, comme vous le répétez à l'envi, et, de l'autre, les gentils de gauche qui parviendraient, par un tour de passe-passe incroyable, en dépensant et en promettant toujours plus, à réduire les déficits. La ficelle est un peu grosse !

Soyons impartiaux. Il est vrai que vous avez fait des efforts… enfin, surtout les Français, le corps médical et paramédical, les industriels du médicament et les familles. Grâce à eux, nous le reconnaissons sans problème, vous avez réussi à infléchir de manière significative le déficit de la sécurité sociale, qui devrait même être inférieur pour 2016 à son niveau d'avant crise, en 2007. Après 10,2 milliards d'euros de déficit en 2015, nous devrions atteindre un solde de 7,1 milliards d'euros en 2016. C'est bien, mais c'est un minimum, et cela reste insuffisant.

Voilà pour les chiffres exécutés. Venons-en aux prévisions, puisque c'est l'objet de la discussion du PLFSS. Vous ne pouvez pas dire que le trou de la Sécu aura disparu l'année prochaine, c'est faux et vous le savez ! Mais les années électorales sont malheureusement prétexte à de beaux tours de prestidigitation.

Le trou de la Sécu – et nous en sommes les premiers désolés – n'aura pas disparu en 2017, nous devons la vérité aux Français ! D'abord, parce que la dette sociale cumulée s'élève, en 2015, à 156,4 milliards d'euros. C'est un fait incontestable, et l'on conçoit mal comment, en deux ans, elle pourrait s'évanouir. Ensuite, parce que même avec des pronostics proches de l'optimisme béat, vous arrivez quand même, pour 2017, à un déficit de 4,2 milliards d'euros, FSV compris. On est donc loin de l'équilibre.

Au passage, vous nous parlez toujours de la terrible réforme des retraites de 2010, des franchises et des déremboursements que vous aviez combattus. Pourtant, vous n'êtes revenus sur rien de tout cela, et pour cause ! Sans ces réformes courageuses que nous avons menées avant 2012, le solde que vous nous présenteriez pour 2017 serait alourdi de quelques milliards, et votre attitude serait certainement bien moins triomphale.

La Commission des comptes de la sécurité sociale estime à 6 milliards d'euros les économies liées au report de soixante à soixante-deux ans de l'âge de la retraite. On sait que les surcoûts liés aux mesures d'assouplissement des conditions de départ anticipé que vous avez votées en 2012 et 2014 se chiffrent à environ 3,2 milliards d'euros. Sans la structurelle et courageuse réforme des retraites que nous avions votée, c'est un déficit de plus de 8 milliards d'euros que vous annonceriez aujourd'hui.

Dans le déficit de nos comptes sociaux, il y a du conjoncturel – et nous en avons lourdement fait les frais avec la crise de 2008, qui a fait plonger les comptes, comme vous aimez à le rappeler – et du structurel. Gouverner, c'est prévoir, quand c'est possible. Aussi, éponger le conjoncturel par des coûts de rabots, comme vous l'avez fait, ce n'est pas sauver la Sécu. Il reste le déficit structurel, qu'il faut corriger tout en préservant un haut niveau de protection sociale et de la justice. Sur ce sujet, vous n'avez pas non plus été au rendez-vous. C'est la raison pour laquelle, nous sommes inquiets. En particulier en ce qui concerne la branche maladie.

La majorité de l'année prochaine aura à gérer l'immense malaise qui s'est installé dans le monde médical et paramédical, la situation impossible dans laquelle se trouve l'industrie pharmaceutique, pourtant l'un des fleurons de notre pays, les difficultés des hôpitaux et de leurs personnels, les inégalités croissantes entre les assurés sociaux constatées par la Cour des comptes.

Nous aurons le temps de débattre de tout cela tout au long de la discussion du PLFSS, mais voilà ce que je voulais rappeler en préambule, au nom des députés du groupe Les Républicains.

Je finirai par quelques constats sur l'ONDAM médico-social. En 2017, celui-ci est supérieur d'un point à celui fixé par la LFSS pour 2016 ; l'objectif global de dépenses prévoit 21,5 milliards d'euros pour les établissements et services accueillant des personnes âgées en perte d'autonomie ou des personnes handicapées.

Certes, les crédits consacrés au soutien des politiques de l'autonomie apparaissent en progression, avec 590 millions d'euros supplémentaires. Cependant, ce que vous ne dites pas, c'est que cette progression est due, pour une bonne part, au transfert à l'assurance maladie des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), financés jusqu'alors sur le budget de l'État. C'est aussi une reprise considérable de 230 millions sur les réserves de la CNSA qui fabrique cet OGD : nous assistons donc à une fausse augmentation de l'ONDAM médico-social. On ne connaît d'ailleurs pas l'impact de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement sur l'ONDAM médico-social. Pouvez-vous nous renseigner sur ce point ?

Le PLFSS pour 2017 est pauvre en mesures nouvelles dans le champ social et médico-social. Nous manquons d'indications sur le nombre et la nature des créations de places en 2017. Nous manquons aussi d'engagements sur le plan pour les maladies neuro-dégénératives : le professeur Michel Clanet, président du comité de suivi du plan, admettait lui-même que son application se révélait fastidieuse, en raison d'une multiplicité d'acteurs et d'objectifs. D'autres responsables de son pilotage expliquent qu'« on ne peut pas dire que le Plan avance comme prévu, puisqu'il n'y a pas de planification de la mise en oeuvre année par année ». C'est un peu gênant, madame la ministre !

Nous attendons vos réponses sur ces multiples sujets, et nous aurons l'occasion d'en débattre au cours de l'examen des amendements sur le texte.

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