Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 11 octobre 2016 à 17h00
Commission des affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Madame Delaunay, je ne manquerai pas de rappeler en séance la part que vous avez prise à cette décision. Elle relève du domaine réglementaire et non du domaine législatif et j'adresserai une instruction à ce sujet à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

J'en viens aux questions de Mme Le Houerou, rapporteure pour la branche vieillesse.

Sur le FSV, Christian Eckert a déjà largement répondu à vos interrogations.

Vous m'avez interrogée sur l'élargissement de la retraite progressive aux salariés en forfait jours. Le PLFSS prévoit actuellement l'extension de la retraite progressive aux salariés ayant plusieurs employeurs. Cela impliquera des modalités de gestion spécifiques et adaptées pour ces catégories, dont nous estimons à six mois la mise en oeuvre. Pour les cadres au forfait jours, l'urgence de cette extension nous paraît moindre. Néanmoins, nous pourrons en discuter dès que nous disposerons du bilan concernant les premières populations éligibles à la retraite progressive.

Enfin, vous avez souligné les inquiétudes suscitées parmi les salariés de la Caisse des dépôts et consignations par le transfert du SASPA à la MSA. Les populations relevant du service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées n'ont jamais cotisé à un régime de retraite : faire une demande d'ASPA constitue pour elles le premier contact avec un régime d'assurance vieillesse. Il nous a donc paru souhaitable de leur permettre d'accéder à un guichet physique, en l'occurrence les caisses de la MSA, présentes partout sur le territoire, alors que jusqu'à présent la gestion de cette prestation était concentrée en un seul point, dépendant de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui ne facilitait pas la relation individuelle des demandeurs avec l'organisme. Ce transfert, qui permet par ailleurs de consolider l'activité de la MSA, ne constitue en aucun cas une marque de défiance à l'égard de la Caisse des dépôts, à laquelle a été confiée la gestion du régime de retraite de la Banque de France ainsi que le développement et la gestion du compte personnel d'activité. Cela dit, j'ai bien conscience que le transfert du SASPA pourrait nécessiter un peu plus de temps qu'envisagé au départ. Pour cette raison, je suis disposée à accepter un étalement des opérations prévues entre 2018 et 2020.

M. Cordery, rapporteur pour le secteur médico-social, m'a demandé de préciser les contours et les principaux objectifs du futur fonds d'appui et d'aide à la restructuration des services d'aide et d'accompagnement à domicile, et d'indiquer les parts respectives des aides versées aux conseils départementaux et aux agences régionales de santé. Ce fonds, doté de 50 millions d'euros, introduit par amendement dans le cadre du PLFSS, vise, d'une part, à poursuivre le soutien aux services en difficulté, à travers un fonds de restructuration géré par les ARS, d'autre part, à encourager les départements à adopter des bonnes pratiques. C'est pourquoi une partie des 50 millions sera versée aux départements qui s'engageront dans cette voie par le biais d'une convention avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Un appel à projets sera prochainement lancé pour recenser les départements volontaires. De leur nombre dépendra la répartition entre les deux composantes du fonds. Pourquoi, en effet, attribuer des fonds à certains départements si ceux-ci ne manifestent pas leur volonté de s'engager en faveur des bonnes pratiques ?

Les réserves de la CNSA sont issues des reliquats des enveloppes des agences régionales de santé résultant des délais pour l'installation de places et la montée en charge progressive de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, dont il a souvent été question dans nos débats. L'utilisation des réserves pour 2017 et au-delà est fléchée sur des dépenses directement liées à la prévention de la perte d'autonomie et à son accompagnement, en application des engagements de ladite loi, qu'il s'agisse du plan d'aide à l'investissement – d'un montant de 100 millions d'euros par an, complété de 17 millions pour les résidences-autonomie – ou du soutien à l'adaptation de 100 000 logements à travers une subvention de 20 millions d'euros versée à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Par ailleurs, je vous rappelle que le Président de la République a lui-même pris des engagements lors de la conférence nationale du handicap qui s'est tenue en mai dernier, avec un renfort d'investissements de 60 millions d'euros pour les structures dédiées au handicap, un soutien aux départements dans leur mission d'orientation des personnes handicapées et une dotation de 23 millions d'euros destinée à harmoniser leurs systèmes d'information et à les soutenir dans la mise en oeuvre du dispositif « Une réponse accompagnée pour tous ».

Pour ce qui est de l'article 46, vous souhaitez connaître l'état d'avancement des décrets relatifs aux tarifs applicables en EHPAD. La réforme prévue constitue un progrès important, et attendu, puisqu'elle va rénover les relations entre les gestionnaires et les autorités de tarification. Les projets de textes issus de la concertation ont été transmis au mois de juillet au Conseil d'État et devraient être examinés en section avant la fin du mois d'octobre. Avant même leur publication, des informations très précises ont été adressées aux agences régionales de santé, aux fédérations, aux gestionnaires ainsi qu'aux départements afin qu'ils se préparent à la mise en oeuvre de ces dispositions dès le 1er janvier 2017. Il ne devrait donc pas y avoir de retard. Les fédérations, largement associées à la concertation depuis le mois de janvier 2015, ont déjà développé des programmes de formation. Les gestionnaires, régulièrement sollicités, se voient proposer des formations nouvelles.

Une modulation de la dotation selon l'activité dans le champ du handicap sera mise en oeuvre pour garantir la meilleure utilisation des places disponibles pour les personnes handicapées. Les modalités de calcul seront déterminées par décret et nous prendrons le temps de la concertation pour les arrêter, comme nous l'avons fait pour les EHPAD. J'ai parfaitement conscience que le secteur médico-social du handicap est en pleine évolution : il s'ouvre vers l'extérieur, se transforme, qu'il s'agisse de l'école, de la formation ou de l'emploi. Il importera donc de prendre en compte ces diverses mutations dans la modulation.

J'en arrive à vos questions portant sur les départs non choisis en Belgique. Avec Ségolène Neuville, j'avais annoncé la mise en place d'un fonds doté de 15 millions d'euros pour empêcher les placements non souhaités en Belgique. Les départements, les maisons départementales des personnes handicapées, les agences régionales de santé et les caisses primaires d'assurance maladie se sont mobilisés : des réponses individualisées ont été proposées. Vingt-quatre départements pionniers se sont engagés. Voilà qui montre que la coordination et la mobilisation sont gages de réussite, même si nous ne sommes pas au bout du chemin. Je veux confirmer que les 15 millions du plan dit « Belgique » constituent un financement pérenne auquel viennent s'ajouter, comme l'a annoncé le Président de la République, le plan quinquennal de renforcement et d'évolution de l'offre d'accompagnement des personnes handicapées, doté de 180 millions d'euros, ainsi qu'un quatrième plan autisme. Autant de dispositifs qui nous permettront d'apporter des réponses dans la durée. Pour finir, je précise que les crédits nécessaires ont été, pour une grande partie d'entre eux, déjà versés.

Je répondrai maintenant aux députés qui ont attendu pour avoir la réponse aux questions qu'ils ont posées.

Je remercie Michel Issindou pour ses observations. Je ne m'étendrai pas sur ses remarques concernant les réformes du système de retraite annoncées. Il appartiendra à l'opposition d'expliquer pour quelle raison elle souhaite les mettre en place. La branche vieillesse ayant renoué avec l'équilibre, leur justification ne saurait, en effet, être financière.

Je ne reviens pas sur les propos si justes de Christian Eckert au sujet de la tonalité de l'intervention de Francis Vercamer, qui nous avait habitués à plus de sérieux. La sécurité sociale, ce n'est pas une série télévisée, mais la vie quotidienne des Français.

Monsieur Jacquat, vous avez raison de souligner que les prothèses auditives constituent un sujet de préoccupation pour nos concitoyens. Elles ont fait l'objet de premières dispositions dans la loi de modernisation de notre système de santé avec l'extension du forfait social réservé aux patients bénéficiaires de la CMU-C aux patients disposant d'une aide à la complémentaire santé.

Nous avons rétabli les comptes de la sécurité sociale, nous améliorons la situation de l'assurance maladie. Mais il reste du chemin à parcourir : nous ne pouvons pas prétendre, en un an, régler des problèmes qui remontent à quinze ou vingt ans. J'ai annoncé un plan d'amélioration de la prise en charge des soins dentaires, auxquels j'ai accordé la priorité. Pour les prothèses auditives, une démarche analogue devra être engagée. Nous pourrons y procéder quand le progressif rétablissement des comptes nous le permettra, ce qui devrait être le cas assez rapidement.

Madame Bulteau, vous appelez de vos voeux une amélioration des droits des travailleurs indépendants en situation d'invalidité qu'ils demandent une pension d'invalidité après avoir dû cesser leur activité ou qu'ils veuillent continuer à travailler après soixante-deux ans. Je serai favorable à vos amendements en ce sens, car ils améliorent la situation des travailleurs en difficulté. Autrement dit, je lèverai l'obstacle que constitue l'article 40.

Madame Huillier, je pense que vous trouverez les réponses à vos questions sur les personnes âgées dans les éléments que j'ai fournis à M. Cordery. Je vous précise seulement que les recettes de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie ne sont pas remises en cause par le fait que certains de nos concitoyens ne paient plus l'impôt sur le revenu puisque son prélèvement dépend d'un plafond lié au revenu fiscal de référence et non de l'acquittement ou non de l'impôt sur le revenu.

Madame Le Callennec, nous avons, depuis cinq ans, engagé une politique de réduction du reste à charge pour les personnes âgées restant à domicile. Je vous renvoie à la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement pour plus de précisions. Je soulignerai ici que cette réduction est potentiellement importante sous l'effet conjugué de la réduction des coûts pour les personnes dépendantes et de l'augmentation du nombre d'heures prises en charge. Cela suppose toutefois que les départements jouent le jeu puisque nous avons fait le choix de les conforter dans leur rôle de chef de file social. Or certains se montrent réticents dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi : il n'est pas acceptable que, pour des raisons qui peuvent être politiques, ils prennent en otage des habitants qui ont besoin de voir leurs aides améliorées. Je vous le dis très simplement, je compte sur votre soutien pour conforter notre action : il n'est pas normal, alors que l'État finance intégralement la diminution du reste à charge pour les personnes dépendantes vivant à domicile, que les sommes versées ne parviennent pas à ceux qui doivent en bénéficier.

Par ailleurs, vous m'avez dit prendre acte des mesures annoncées pour améliorer l'attractivité de l'exercice médical en hôpital – merci de cette constatation que je prendrais presque pour une approbation. S'agissant des autres personnels, sur lesquels vous m'avez interrogée, je veux vous indiquer les mesures qui ont d'ores et déjà été prises. Au-delà de la revalorisation du point d'indice qui s'applique à tous, nous avons pris des dispositions spécifiques : pour les personnels de catégorie C, en particulier les aides-soignantes, l'augmentation est de 480 euros par an et, pour les infirmiers de catégorie A, elle se situe, selon les grades, de 250 euros à 500 euros par an. Vous le voyez, ce sont là des mesures significatives.

Madame Khirouni, nous avons lancé un plan national de lutte contre la maladie de Lyme, très attendu et bien accueilli à la fois par les professionnels de santé et les associations, aux côtés desquelles vous avez oeuvré. Deux millions d'euros seront consacrés au développement de la recherche, dont 700 000 euros au développement de la recherche sur les diagnostics. À mesure que les centres de prise en charge spécialisés seront mis en place, nous pourrons mieux apprécier les besoins financiers. L'ensemble du plan sera financé et les mesures mises en place pour 2017 seront financées sur le budget de la sécurité sociale.

Monsieur Sebaoun, actuellement, les services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) ne sont pas autorisés à transporter les enfants décédés à la suite d'une mort subite ; seuls les véhicules funéraires sont habilités à le faire. Une mesure du PLFSS vise à permettre aux SMUR d'effectuer le transfert des corps vers les centres de référence de la mort inattendue du nourrisson pour procéder aux examens nécessaires, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Cette même mesure prévoit le transport des parents, qui ne souhaitent, en général, pas être séparés du corps de leur enfant dans de telles circonstances. S'agissant de l'extension du dispositif aux sportifs, je vous propose d'examiner cette question en détail avec mes services d'ici à l'examen du PLFSS en séance.

Monsieur Tian, les réponses à vos questions ont été apportées. Il ne s'agit pas de créer des usines à gaz. Nous observons une amélioration très significative de la gestion du régime des indépendants. Il est important de faire passer ce message, car nous constatons un décalage persistant entre le sentiment exprimé par certains travailleurs indépendants, qui tient à l'histoire difficile du RSI, et la réalité des situations. Nombre d'entre eux conviennent que les difficultés qu'ils rencontraient autrefois ont disparu. Nous voulons permettre la cohérence du dispositif, qui doit être neutre pour les indépendants eux-mêmes. Nous savons que des réseaux parallèles existent et voulons éviter des différences de gestion entre les divers régimes.

Madame Massonneau, votre question renvoie à un chantier présidentiel : la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes de onze à vingt et un ans. Le Président de la République a engagé un important travail concernant la jeunesse, sur lequel il aura l'occasion de faire des annonces. Il a souhaité que des mesures soient prises afin de répondre à la situation particulière des jeunes en état de vulnérabilité et de souffrance psychique, qui sont assez nombreux puisqu'on estime leur proportion à 10 % ou 20 %. J'ai procédé hier à l'installation du Conseil national de la santé mentale, composé de professionnels de la santé, du secteur social et de l'éducation nationale et présidé par le sociologue Alain Ehrenberg, dont les travaux font autorité en ce domaine. Il formulera des recommandations pour la prise en charge des jeunes en souffrance psychique. D'ores et déjà, j'ai voulu inscrire dans le PLFSS un article dédié à la mise en place d'une expérimentation : coordonnée par les maisons des adolescents, pilotée par les agences régionales de santé en lien avec les inspections académiques, elle concernera 1 500 jeunes dans trois territoires choisis au sein des régions Île-de-France, Pays de la Loire et Grand Est. Son objectif est de faciliter le repérage des signes de souffrance psychique, de proposer une orientation vers un médecin chargé de l'évaluation des difficultés – médecin traitant, médecin généraliste, médecin scolaire ou pédiatre. Cette évaluation pourra conduire à un accompagnement par un psychologue clinicien jusqu'à dix séances pour le jeune et deux séances pour les parents, pris en charge par l'assurance maladie sur une base forfaitaire – pour les psychiatres, les mécanismes de prise en charge existent déjà.

Je pense avoir répondu à toutes les questions, madame la présidente.

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