Intervention de Delphine Batho

Réunion du 12 octobre 2016 à 10h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho, rapporteure :

Que dire après tant d'éloges ?

Je fais d'abord observer qu'il y a tout de même, dans le rapport, une charge contre les régulateurs européen et français – tous gouvernements confondus – qui ont laissé s'installer une situation de diésélisation massive sans anticiper le mouvement actuel, irréversible, de diminution du gazole. Il faut reconnaître que le Gouvernement a engagé ce mouvement depuis deux ou trois ans : c'est un vrai tournant dans l'histoire si l'on remonte aux années 1970. Les pouvoirs publics sont les premiers responsables vis-à-vis des automobilistes et des citoyens. Le rapport plaide pour une progressivité de la diminution du diesel parce qu'on ne peut pas, du jour au lendemain, faire un tel tête-à-queue après des années d'immobilisme.

Je veux aussi convaincre qu'une vision qui ne serait pas engagée, ambitieuse, conquérante face aux défis du XXIème siècle que sont le véhicule zéro émission, la révolution des usages et le numérique, risquerait de nous plomber tant s'exerce aujourd'hui, dans le domaine des technologies du futur, une compétition mondiale extrêmement féroce.

Puisque nous pouvons encore ajouter quelques lignes à ce rapport avant qu'il ne parte à l'impression, j'ai une proposition à faire à Philippe Duron. La recette supplémentaire liée à la convergence fiscale est de 250 millions en 2016 ; elle sera légèrement supérieure en 2017 et ira croissant d'année en année pour atteindre, en fin de période, plus de 1 milliard d'euros. Nous avons besoin, pour doubler la prime à la conversion des ménages modestes, accompagner les sites industriels en difficulté et financer l'organisme de contrôle qui réalisera des tests aléatoires sur les véhicules en circulation, d'environ 250 millions d'euros par an, 300 millions au maximum. Je ne suis donc absolument pas opposée à dire qu'au-delà de la manne nécessaire pour assurer la transition automobile, le reste soit affecté au transfert modal et à l'AFITF. Si nous sommes tous d'accord sur ce point.

Je rappelle que le véhicule autonome ne fait l'objet d'aucune feuille de route et qu'il n'y a pas de « Monsieur » ou de « Madame véhicule autonome » en France. Cette ambition manque donc surtout de soutien politique.

En réponse à Mme Zimmermann, je dirai que plus les conclusions du rapport feront consensus entre nous, plus elles auront de poids, surtout à l'approche d'échéances politiques.

Monsieur Barbier, je plaide dans ce rapport en faveur de ce que j'ai appelé la « planification agile » : nous avons besoin d'une vision de long terme qui n'existe pas aujourd'hui ainsi que d'une certaine capacité d'adaptation. Les technologies évoluent à une vitesse telle qu'il ne faut pas que nos choix soient figés. Mais en même temps, nous n'avons, ni en France ni en Europe, ne serait-ce qu'une vision de ce que sera l'industrie automobile à l'horizon 2030 – c'est-à-dire demain matin, en termes de choix de R&D –, alors que certains pays ont une feuille de route à l'horizon 2050, prévoyant des étapes graduées. Il ne s'agit pas de coller strictement à une feuille de route mais de donner à l'industrie le cadre de long terme dont elle a besoin pour savoir où aller.

Monsieur Breton, le rapport comprend des propositions concernant le renouvellement des poids lourds, compte tenu du surcoût à l'achat des poids lourds au GNV aujourd'hui. Je rappelle d'ailleurs qu'une partie de ces véhicules GNV sont fabriqués en Ardèche : certes, le constructeur n'est pas français mais des milliers d'emplois sont liés à ce développement technologique. Notre objectif est donc de favoriser la conversion des flottes au GNV, au gaz naturel liquéfié (GNL) ou, encore mieux, au bio-GNV au profit duquel des mesures sont proposées.

Quelles suites connaîtra ce rapport ? Il y en aura, selon moi, à trois niveaux.

Le premier est l'Europe. Nous avons fait dans le rapport un développement sur la perte d'influence française à Bruxelles, en particulier en matière de normes automobiles. Le poids de l'industrie allemande sur la norme européenne est tel que la réglementation représente parfois un désavantage compétitif pour l'industrie française. Il n'est pas acceptable que la France ne soit représentée à certaines réunions que par une seule personne quand l'Allemagne en fait venir trois ! Il importe donc que notre pays se réengage dans l'élaboration des normes automobiles. Vous savez que l'Europe n'avait pas prévu de ratifier l'accord de Paris consécutif à la COP21 dans le délai imparti. Or la France a accompli un travail remarquable de mobilisation des instances européennes. Après l'affaire Volkswagen, il faut qu'elle en fasse autant s'agissant de l'automobile, sans quoi la montagne accouchera d'une souris et tout continuera comme avant. Les normes resteront dans le même désordre. Le nouveau règlement européen ne clarifiera toujours pas la répartition des compétences entre la Commission européenne et les États membres, alors que la question est centrale : la proposition qui est faite, c'est que tout le monde sera responsable de tout. Cela veut dire que si l'on a demain une nouvelle affaire Volkswagen ou encore une affaire Mercedes-Daimler – face à laquelle il m'avait fallu prendre des décisions à l'époque –, on n'aura pas le droit d'interdire en France la circulation de véhicules polluants car homologués dans un autre pays.

Le deuxième niveau est la France. Comme l'a dit Jean Grellier, nous proposons dans le rapport un protocole clés en main : j'espère qu'il retiendra l'attention. Certaines décisions peuvent être votées tout de suite en loi de finances. Le rapport propose aussi cinq décrets clés en main et un projet de loi, et d'autres éléments d'importance que l'on peut aussi transformer en proposition de loi.

Enfin, j'attends aussi des industriels qu'ils se mobilisent pour aller dire au plus haut niveau ce qu'ils nous ont dit à nous, s'agissant notamment de la prévisibilité, de la nécessité de disposer d'un cadre de long terme et de « la règle des cinq ans ». C'est aussi à eux d'accueillir ces propositions et d'affirmer qu'elles sont ce dont l'industrie française a besoin aujourd'hui.

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