Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 21 septembre 2016 à 17h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Alain Vidalies, secrétaire d'état auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Je réitèrerai tout d'abord les excuses de Ségolène Royal qui aurait souhaité répondre à votre invitation mais qui se trouve actuellement à New York pour l'Assemblée générale de l'Organisation des nations unies (ONU).

Il y a précisément un an, l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) révélait une faute grave du groupe Volkswagen en mettant en évidence la présence de logiciels modifiant les performances de ses véhicules diesel lors des tests d'homologation. Quelques jours plus tard, le constructeur allemand reconnaissait que ces logiciels truqueurs équipaient plus de 11 millions de véhicules dans le monde.

Ségolène Royal a alors saisi dans la foulée les commissaires européens chargés de l'industrie, du climat, et de l'environnement afin qu'ils se rapprochent de l'Agence américaine dans les plus brefs délais pour qu'une procédure similaire soit élaborée par l'Union européenne. En parallèle, la ministre a lancé un programme de contrôle portant sur une centaine de véhicules, choisis de façon aléatoire sur le parc automobile français. Le suivi des résultats a été assuré par une commission indépendante regroupant des associations, des parlementaires, les services des ministères de l'écologie, de l'industrie et de l'économie, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et des experts scientifiques.

Je reviendrai sur les résultats de cette démarche mais je veux dire ici qu'un travail d'investigation considérable a été réalisé : des tests ont été accomplis sur quatre-vingt-six véhicules par l'organisme de contrôle UTAC-CERAM (Union technique de l'automobile et du cycleCentre d'essais et de recherches automobiles de Mortefontaine) ; des tests complémentaires plus poussés ont été effectués sur quelques modèles par l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), ; enfin, la commission a auditionné une douzaine de constructeurs. La France a été le premier pays à adopter une telle démarche. Celle-ci reste, à ce jour, la plus ambitieuse par le nombre de véhicules testés et la transparence des résultats.

Avant d'aborder plus précisément les résultats obtenus et le contenu du rapport présenté par la commission indépendante, je reviendrai sur le cadre réglementaire européen des émissions polluantes des véhicules. En trente ans, les émissions de polluants réglementés des véhicules neufs ont été considérablement réduites dans l'Union européenne : à la source d'une part, avec des actions sur les carburants telles que la généralisation de l'essence sans plomb, la diminution de la teneur en benzène et la diminution progressive des teneurs en soufre des carburants ; sur le traitement technologique des émissions, d'autre part, avec l'installation des pots catalytiques pour les véhicules à essence en 1993, des filtres à particules sur les véhicules diesel neufs et maintenant des systèmes de réduction catalytique sélective (SCR) et pièges à oxyde d'azote (NOx trap) pour le traitement des oxydes d'azote (NOx) sur les véhicules diesel.

Le durcissement des normes introduites par la réglementation européenne a joué pour cela un rôle majeur. Dans le cas particulier des NOx, on peut utilement rappeler que la norme Euro 6, applicable depuis le 1er septembre 2015 à tous les véhicules particuliers neufs, limite à 80 milligrammes par kilomètre les émissions d'oxydes d'azote des voitures particulières à motorisation diesel, soit une réduction de plus de 50 % par rapport à la norme Euro 5. Le respect de ces normes est vérifié en laboratoire suivant des procédures qui doivent normalement permettre de garantir la reproductibilité des tests et la comparaison avec des essais réalisés dans d'autres laboratoires en Europe. Se pose alors la question de la représentativité de ces tests.

Ce sujet n'est pas nouveau. Dès 2007, lors de l'adoption du règlement CE n° 7152007 définissant les normes d'émission des polluants Euro 5 et Euro 6 des véhicules légers, la Commission européenne a proposé, d'une part, le remplacement du cycle actuel d'homologation NEDC (nouveau cycle européen de conduite), utilisé depuis plus de trente ans, par un nouveau cycle d'homologation international WLTP (World harmonized Light vehicles Test Procedures), plus représentatif, pour mesurer en laboratoire la consommation de carburant ainsi que les émissions de CO2 et de polluants des véhicules ; d'autre part, la création d'un test de contrôle des émissions polluantes en conditions réelles de conduite sur la voie publique, dite « RDE », en complément des essais réalisés en laboratoire.

Le défaut de représentativité des tests en laboratoire était donc connu avant le scandale Volkswagen. En revanche, l'ampleur des dépassements, les modalités de mise en oeuvre des dérogations prévues par la réglementation et l'existence de fraudes sophistiquées ne l'étaient pas. Les travaux de la commission indépendante mise en place par Ségolène Royal ont mis en exergue l'étendue du problème. Quatre-vingt-six véhicules ont été testés par l'UTAC sous le contrôle de cette commission regroupant des associations, des parlementaires, les services des ministères précités, l'ADEME et des experts.

Les conclusions sont sensiblement les mêmes que celles esquissées sur le premier échantillon de cinquante-deux véhicules dont les résultats ont été publiés dès le mois d'avril. Les tests n'ont pas permis d'identifier de dispositif d'invalidation frauduleux c'est-à-dire de logiciel truqueur. Ils n'ont pas non plus permis de conclure formellement à l'absence de tels logiciels. Ces essais ont en tous cas montré des dépassements significatifs en conditions réelles de circulation, en particulier sur les oxydes d'azote. Les auditions ont révélé que de nombreux constructeurs choisissaient de ne pas faire fonctionner les systèmes de dépollution dans des plages de fonctionnement des véhicules assez larges pour éviter différents dommages sur le moteur.

Pour autant, certains constructeurs ne font pas ce choix et commercialisent des véhicules performants, y compris en dehors des conditions d'essai sur banc. Tous les résultats détaillés sont disponibles dans le rapport publié le 29 juillet 2016 – dans lequel sont également formulées treize recommandations. Nous pourrons revenir sur celles-ci plus en détail si vous le souhaitez, mais j'aimerais, dans la suite de mon propos liminaire, vous signaler certaines des mesures que nous avons d'ores et déjà mises en oeuvre et qui répondent à certaines de ces recommandations. Celles-ci doivent par ailleurs faire l'objet de nouveaux échanges avec la commission indépendante, notamment demain jeudi 22 septembre.

Une chose est sûre : beaucoup de constructeurs doivent améliorer sans attendre leurs systèmes de traitement des émissions pour que les véhicules concernés soient davantage respectueux de l'environnement et conformes aux limites réglementaires, non seulement sur banc mais aussi dans des conditions d'usage normal. En la matière, les autorités d'homologation des différents États membres ont la main sur les modèles qu'elles ont elles-mêmes homologués. Pour notre part, nous avons d'ores et déjà demandé aux constructeurs français de proposer des actions en ce sens. PSA a lancé avec l'organisation non gouvernementale Transport et Environnement une initiative pour mieux informer les consommateurs sur la consommation de ses voitures. Renault a proposé un plan d'action pour améliorer la performance environnementale des véhicules en agissant sur le système de recirculation des gaz d'échappement (EGR) ainsi que sur les purges des pièges à NOx. Nous suivons bien sûr d'ores et déjà la mise en oeuvre de ce plan d'action, répondant en cela à la première des treize recommandations de la commission indépendante.

Par ailleurs, sans attendre l'entrée en vigueur du règlement européen RDE en septembre 2017, nous avons demandé à l'autorité de réception, qui dépend de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère, de ne pas homologuer un véhicule qui dépasserait un coefficient de conformité de 5, lors du monitoring RDE, répondant également ainsi aux recommandations de la commission – notamment la troisième recommandation qui demande que l'on anticipe sur les tests RDE. Lors de l'homologation, nous portons un soin tout particulier à la justification de l'utilisation d'éventuels dispositifs qui débranchent tout ou partie des systèmes de traitement de la pollution, par exemple en ce qui concerne les plages de fonctionnement de ces dispositifs au regard de la température de l'air admis dans le moteur.

Mais ces consignes sont nationales, en limite de ce que le droit européen permet. Nous devons donc également agir au niveau européen. Nous travaillons plus particulièrement avec nos homologues allemands pour proposer notamment une nouvelle rédaction du fameux article 5.2 du règlement 7152007 qui permet aujourd'hui, de façon dérogatoire, d'installer dans certaines conditions, des dispositifs d'invalidation, ce qui permettra de répondre également aux cinquième et septième recommandations formulées par la commission.

Le processus d'homologation doit également être renforcé.

Les autorités françaises soutiennent des positions ambitieuses en ce sens dans le cadre des négociations en cours au Conseil. Elles agissent notamment avec force pour que le nouveau protocole de mesure qui sera mis en oeuvre pour le contrôle des émissions polluantes, fondé sur de nouvelles méthodes de mesure en laboratoire plus représentatives, soit plus robuste et appliqué avec toute la rigueur nécessaire. Elles agissent également pour que les nouveaux essais sur route (RDE) soient eux aussi renforcés et que l'on obtienne rapidement de la Commission européenne une révision des facteurs de conformité qui entreront en vigueur en 2017 – facteurs que nous jugeons trop élevés au regard des enjeux de santé publique qu'impose une réduction drastique des émissions polluantes dues aux transports. Ceci répond également à la sixième recommandation de la commission.

Enfin, la France est en pointe au niveau européen pour réclamer que, dans le cadre de la révision en cours des textes régissant les modalités d'homologation des véhicules, tout soit fait pour aboutir à de nouveaux règlements ne laissant plus la place aux errements révélés dans le cadre de l'affaire Volkswagen. À cet égard, dès le mois de janvier, la France est intervenue, en de multiples occasions, auprès de la Commission européenne et des autres États membres afin que, dans le cadre de la révision de la directive qui traite de l'homologation des véhicules, les mesures suivantes soient adoptées : la mise en place d'une autorité européenne chargée de veiller à l'indépendance et à la compétence des services techniques et des autorités d'homologation, à la validité des homologations délivrées et à la transparence des essais réalisés ; l'instauration d'une contribution financière des constructeurs et de leurs mandataires au financement de la délivrance des homologations et de la surveillance du marché ; un renforcement des contrôles en production et en service ; enfin, la mise en place de sanctions financières et administratives harmonisées et proportionnées en cas de non-respect des normes par les constructeurs – ce qui correspond aux huitième et neuvième recommandations de la commission.

Enfin, nous devons également prendre de nouvelles mesures pour mieux informer nos concitoyens sur les niveaux de consommation de carburant et les émissions réelles de polluants des véhicules qu'ils achètent. Ce n'est pas le cas aujourd'hui et la ministre de l'environnement souhaite qu'en la matière, la Commission européenne propose rapidement une révision des dispositions relatives à l'étiquetage des voitures neuves dans le sens d'une plus grande transparence et d'une meilleure information du public, ce qui répondra également à la recommandation n° 13 de la commission indépendante.

Je terminerai mon intervention en évoquant certaines informations parues dans la presse – notamment l'article paru le 22 août dans le Financial Times – selon lesquelles certains résultats d'essais ne figureraient pas dans le rapport final publié à la fin du mois de juillet. Ségolène Royal a publié un démenti le 24 août en indiquant clairement que ce rapport reproduisait intégralement l'ensemble des résultats obtenus pour les quatre-vingt-six véhicules testés ainsi que les informations recueillies lors des auditions des constructeurs entendus par la commission. La ministre de l'environnement s'est également exprimée sur les actions d'ores et déjà engagées en réponse aux recommandations formulées par la commission, actions dont je vous ai moi-même fait état dans mes propos.

D'autres actions restent engagées, notamment l'enquête conduite par le Service national d'enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à propos des anomalies constatées sur certains modèles de véhicules. Cette enquête a débouché au début de l'année sur une première saisine du Parquet portant sur les agissements du groupe Volkswagen constituant une tromperie du consommateur. D'autres investigations se poursuivent sur d'autres constructeurs, français et étrangers. Elles pourront le cas échéant déboucher sur de nouvelles saisines du Parquet mais nous ne pouvons à ce stade préjuger du résultat des enquêtes en cours.

Les pouvoirs publics français sont déterminés, d'une part, à faire la transparence sur les actions entreprises pour corriger les errements constatés et, d'autre part, à agir aux niveaux national et européen pour que les nouvelles réglementations et leur mise en oeuvre garantissent la mise sur le marché de véhicules respectant parfaitement les normes imposées.

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