Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 13 septembre 2016 à 11h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente de la Commission :

Notre commission doit examiner, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, trois propositions de décisions du Conseil qui, toutes, portent sur l'Accord économique et commercial global (AECG ou, en anglais, CETA) entre l'Union européenne et le Canada. J'ai souhaité vous présenter plus en détail ces trois textes car ils conditionnent l'entrée en vigueur de cet accord de libre-échange dont les conséquences sont potentiellement lourdes pour notre pays comme pour les autres États-membres.

Les trois propositions de décisions concernent respectivement la signature, l'entrée en vigueur provisoire et la conclusion de l'AECG. En effet, la procédure conduisant à l'entrée en vigueur complète et définitive d'un accord de libre-échange est passablement complexe. Sont ainsi nécessaires :

– la signature de l'accord, autorisée par le Conseil sur proposition de la Commission européenne ;

– l'approbation de l'accord par le Parlement européen ;

– la conclusion de l'accord, autorisée par le Conseil sur proposition de la Commission, si l'accord a été préalablement approuvé par le Parlement européen.

À ces trois étapes s'ajoutent en pratique la possibilité pour le Conseil de décider, sur proposition de la Commission et sous réserve de l'approbation du Parlement européen, une application provisoire de l'accord limitée aux seules dispositions relevant exclusivement de la compétence de l'Union. Ce fut le cas pour tous les accords conclus depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. La Commission souhaite également que ce soit le cas pour l'AECG.

Enfin, si l'accord est « mixte », c'est-à-dire s'il contient également des dispositions relevant de la compétence des Etats-membres, une ratification par chacun d'entre eux, selon leurs procédures constitutionnelles internes, est nécessaire pour qu'il entre définitivement et totalement en vigueur. Le 5 juillet, la Commission européenne a considéré que l'AECG était un accord « mixte ».

Voilà pour les rappels concernant la procédure. J'ajoute que la signature de l'AECG devrait intervenir en marge du sommet UE-Canada le 27 octobre prochain.

S'agissant de l'accord lui-même maintenant, je vais être brève car nous avons eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'aborder le sujet, notamment avec le rapport et la proposition de résolution européenne que j'avais présentés en octobre 2014, peu après la conclusion des négociations.

L'AECG est un accord de libre-échange de « nouvelle génération ». Outre les mesures classiques de suppression des droits de douane (à la seule exception de certains produits agricoles), il comporte des dispositions concernant l'accès aux marchés publics, la libéralisation des services, la protection de la propriété intellectuelle, la coopération règlementaire, le développement durable ainsi que l'investissement.

Sur ce dernier point, à la suite d'une forte mobilisation de la société civile relayée par de nombreuses personnalités politiques, tant dans les États-membres qu'au niveau européen, la Commission a présenté en 2015 une proposition de réforme du mécanisme de règlement des différends États-investisseurs (RDIE ou, en anglais, ISDS), remplaçant les tribunaux d'arbitrage privés par une Cour bilatérale d'investissement. Cette proposition, qui laisse cependant subsister la possibilité, pour les entreprises multinationales, de contester les choix de politique publique des États et d'obtenir de leur part de lourdes compensations, a été acceptée par le Canada et l'AECG modifié en ce sens.

Qu'en est-il maintenant des trois propositions de décisions qui nous sont soumises ? Il faut savoir que, visant à des objectifs différents, elles ont de fait une portée différente. La signature de l'AECG, en elle-même, n'engagera pas juridiquement l'Union, au contraire de sa conclusion. C'est pourquoi la levée de la réserve peut être envisagée dès aujourd'hui sur la proposition de décision concernée.

Il y a moins d'urgence, a priori, à lever la réserve sur les propositions de décision du Conseil relatives à la conclusion de l'accord et à son application provisoire. L'adoption de la première est en effet subordonnée, en droit, à l'approbation du Parlement européen qui devrait intervenir d'ici à la fin de l'année. En revanche, ce sont des considérations de fait qui m'incitent à repousser l'examen de la seconde.

En juin dernier, j'ai soutenu, à titre personnel, avec 18 de nos collègues et plus de 200 parlementaires européens et nationaux, l'initiative lancée par deux parlementaires néerlandais. Dans un courrier adressé à M. Donald Tusk, président du Conseil et Mme Cecilia Malmström, commissaire chargée du Commerce, ils ont attiré l'attention sur les incertitudes entourant l'application provisoire de l'AECG telle qu'elle est envisagée par la Commission. Celle-ci ne peut en effet concerner que les dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne. Or, la qualification juridique de nombreuses dispositions de l'AECG reste sujette à caution, notamment le RDIE, et l'avis de la Cour de justice sur l'accord « mixte » UE-Singapour n'est pas attendu avant 2017. Des discussions sont actuellement en cours au sein du Conseil et entre ce dernier et la Commission sur le champ de cette application provisoire. Dans ces conditions, il m'apparaît pertinent d'attendre d'en savoir plus avant de se prononcer sur ce point

La commission des Affaires européennes a autorisé la levée de la réserve parlementaire sur la proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres (COM(2016) 444 final – E 11319).

La Commission a en outre décidé de maintenir la réserve parlementaire sur les propositions relatives à la conclusion (COM(2016) 443 final – E 11318) et à l'application provisoire (COM(2016) 470 final – E 11320) de l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres.

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