Comme vous le savez, la Croix-Rouge française est la première association française, tant par la diversité de ses interventions dans le domaine de l'action sociale, médico-sociale, sanitaire et humanitaire en France et à l'étranger que par la densité de son maillage territorial et de son réseau international.
La proposition de loi, adoptée en première lecture à l'unanimité par l'Assemblée nationale et par le Sénat après qu'il l'a complétée, vise à faciliter l'une des missions statutaires de la Croix-Rouge, consacrée par les conventions de Genève de 1949 et par ses protocoles additionnels, relative au rétablissement des liens familiaux.
Cette mission statutaire permet à toute personne, résidant en France, sans condition de nationalité, de solliciter gratuitement la Croix-Rouge française afin de pouvoir entrer en contact avec un membre de sa famille porté disparu ou, le cas échéant, d'avoir confirmation de son décès. Le demandeur doit faire état d'un lien familial avec la personne recherchée et d'une cause de la rupture du lien avec elle liée à une situation de conflit armé, une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, ou toute autre situation humanitaire.
Pour permettre à la Croix-Rouge de retrouver plus facilement une personne recherchée dans le cadre de cette mission, la proposition de loi tend à lui accorder des dérogations ciblées pour obtenir des administrations françaises, entendues au sens large, la communication de données figurant dans un document administratif ou dans un traitement de données à caractère personnel – article 1er ; des copies intégrales et extraits des actes de l'état civil – article 2 ; des données relatives aux électeurs figurant sur les listes électorales, c'est-à-dire leur nom, prénoms et lieu de domicile – article 3.
Elle soumet toutefois la mise en oeuvre de cette faculté à plusieurs conditions restrictives. Ce droit de communication s'exercerait directement auprès des services de l'État et des collectivités territoriales – dont les officiers d'état civil –, auprès des établissements publics administratifs de l'État et des collectivités territoriales, des services des organismes de sécurité sociale et des organismes « qui assurent la gestion des prestations sociales ». Ce droit s'exercerait pour les seuls besoins de la mission statutaire de rétablissement des liens familiaux, qualifiée à cette occasion de « mission d'intérêt général » par le législateur. Il s'exercerait uniquement pour obtenir des informations liées à la personne recherchée et, hors le cas des actes de l'état civil et des informations présentes sur les listes électorales, si elles sont « indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national ».
Une fois ces informations recueillies, la Croix-Rouge française serait tenue par l'article 4 d'en assurer la stricte confidentialité : aucune information ne pourra être transmise à un tiers sans le consentement écrit de la personne recherchée. Par exception, en cas de décès de la personne retrouvée, la Croix-Rouge française serait autorisée à informer des tiers, sur demande de ces derniers, du lieu de sépulture de la personne ; les autres informations resteraient incommunicables.
Cette proposition de loi résulte d'un travail de longue haleine, que nous poursuivons depuis deux ans. Je suis très heureuse qu'elle ait été adoptée à l'unanimité en première lecture par les deux assemblées.
Les modifications apportées par le Sénat, le 29 septembre 2016, à l'initiative de Mme Marie Mercier, rapporteure au nom de la commission des Lois, sont des précisions bienvenues.
À l'article 3, un amendement a étendu aux listes électorales consulaires le droit de communication à la Croix-Rouge française des listes électorales communales, en lui permettant de saisir le ministre des affaires étrangères qui dispose d'un double de l'ensemble des listes tenues par les ambassades et consulats pour les Français établis hors de France.
Un amendement créant un nouvel article 5 a procédé à l'extension et aux adaptations nécessaires à l'application de la proposition de loi dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative – îles Wallis-et-Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
Deux amendements rassemblent en un nouvel article 6 l'article 3 bis adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la Croix-Rouge française à saisir la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) en cas de refus de communication de la part de l'administration, et d'autres dispositions de coordination rendues nécessaires par la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, dite « loi Pochon-Warsmann », et la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique ; de ce fait, l'article 3 bis a été supprimé. En outre, les services de l'état civil étant placés sous le contrôle de l'autorité judiciaire et le contentieux relevant de la juridiction judiciaire, le Sénat a exclu, à juste titre, la compétence de la CADA pour les contentieux relatifs à la copie et aux extraits des registres de l'état civil.
Je souscris aux précisions apportées par nos collègues sénateurs, et vous invite à adopter sans nouvelle modification une proposition de loi qui facilitera grandement l'action de la Croix-Rouge française et améliorera le taux de succès des demandes de rétablissement des liens familiaux. Ce texte me paraît d'autant plus nécessaire que, depuis deux ans, la Croix-Rouge française constate qu'un nombre croissant de personnes ont été forcées de quitter leur pays et se sont trouvées séparées violemment de leur famille. Les demandes de rétablissement des liens familiaux sont donc en augmentation : au nombre de 830 en 2015, on en comptait déjà, au 30 septembre dernier, 802 au titre de l'année 2016 dans les sept antennes spécialisées de la Croix-Rouge française, avec un taux d'issues positives de 66 %.