Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Réunion du 18 octobre 2016 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn' :

Comme celui de mon collègue Coronado, mon amendement vise à la suppression des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine des personnes non affiliées à la sécurité sociale française. Il se fonde sur la jurisprudence de 2015 de la CJUE et du Conseil d'État. Que dit cette jurisprudence ? Que le droit européen de la sécurité sociale s'oppose, au terme du principe d'unicité de législation sociale, à ce qu'une personne qui n'est pas assurée sociale en France se voie réclamer ces prélèvements. On ne paie de cotisations sociales et de prélèvements sociaux associés que dans le pays d'éligibilité aux prestations sociales.

Le principe du remboursement des sommes prélevées en violation du droit avait été acté l'année dernière par le Gouvernement. Je regrette la lenteur de son application, tout comme je regrette que ce remboursement n'ait été que partiel à ce jour. Le Gouvernement refuse en effet de rembourser le prélèvement social de 2 % prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts, au motif qu'il n'est pas directement rattaché au budget de la sécurité sociale mais qu'il est affecté à un fonds de solidarité. Je veux rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'absence de rattachement direct en droit français n'a pas de conséquence sur la qualification de ce prélèvement en droit européen. Ce prélèvement doit être considéré comme relié à l'une des branches de la sécurité sociale et une personne assurée sociale dans un autre État membre ne peut donc y être soumise.

En vertu du même raisonnement, je conteste le maintien des prélèvements concernés. L'affectation de leur recette à des prestations sociales non contributives comme le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), votée l'an dernier, n'est pas un argument pertinent. Le Gouvernement se fonde sur l'annexe X du règlement européen de sécurité sociale n° 88304, mentionnant les prestations servies par le FSV parmi les prestations non contributives pour lesquelles les obligations du règlement sont pour la plupart inapplicables. Certes, mais le principe de soumission à la législation d'un seul État membre en matière de sécurité sociale reste, en tout état de cause, la règle applicable. L'annexe X vise uniquement à permettre aux États membres d'exclure du bénéfice des prestations les personnes qui relèvent de leur régime de sécurité sociale mais qui ne résident pas sur leur territoire. Nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure.

En conclusion, je veux dire que la France ne peut continuer à ruser avec le droit européen de la sécurité sociale en ce qui concerne la CSG. En seize ans, nous avons perdu cinq fois à la CJUE sur la CSG – quatre fois sur les revenus du travail et une fois sur les revenus du capital – et nous continuons de violer le droit européen. N'oublions pas qu'une procédure d'infraction est ouverte contre la France depuis trois ans à la Commission européenne. L'an prochain, la CJUE se prononcera pour la sixième fois – dans ce cas, sur la CSG appliquée aux revenus du patrimoine – sur la base d'un renvoi préjudiciel de la Cour administrative d'appel de Douai. À ce rythme-là, notre pays devra rembourser près d'un milliard d'euros aux personnes concernées. Il faut en sortir. C'est le sens de mon amendement de suppression.

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