Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur pour avis :

… et du centre, en effet ! À gauche, on dit en substance : « L'équilibre comptable, d'accord, mais l'humain dans tout ça ? » À droite, on affirme que l'équilibre comptable est nécessaire… avant d'ajouter « mais mon hôpital, ma désertification médicale, mais les familles », etc. Et, finalement, cela revient au même.

Je vais vous faire part de ma conviction profonde. Monsieur le président, vous avez conclu en évoquant un verrou au niveau de la loi organique. On pourrait aussi revenir sur la règle d'or pour des comptes équilibrés année après année, avec des ajustements infra-annuels… Le poids de la protection sociale en France atteint tout de même 600 milliards d'euros si l'on tient compte de la totalité de ses composantes, régimes complémentaires et Unédic compris. Je peux comprendre les jeux de posture, madame Dalloz, surtout en commission des finances lorsque l'on parle de 600 milliards d'euros ou que l'on voit les chiffres de déficits ou de dette cumulés. Revenons à l'essentiel : nous avons des politiques structurelles à conduire, mais la nécessité de réfléchir à des instruments de pilotage est également inhérente au système. Je suis d'accord avec Éric Woerth, il est difficile de déterminer l'effet de chacune des réformes successives sur la situation présente, mais le plus important dans les réformes de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse – les deux branches dont le déficit dérape en permanence – conduites depuis vingt ans, ce sont les conditions de pilotage. Pour l'assurance maladie, c'est la création de l'ONDAM, en 1996, et du Comité d'alerte. La Commission des comptes de la sécurité sociale existait déjà depuis longtemps. Et, pour les retraites, ce sont les différents comités de pilotage.

À partir de là, je ne peux rien vous proposer d'autre que de compter sur le débat démocratique et le sens des responsabilités de chacun. Voilà pourquoi j'ai parlé de l'avenir dans mon intervention liminaire. Monsieur le président, je ne sais pas qui occupera votre place ni la mienne l'année prochaine ; peut-être serons-nous tous deux dans cette salle. Quoi qu'il en soit, dans le cadre du débat démocratique au sein de cette maison, la commission des finances devra être un contrepoids utile à la commission des affaires sociales. Car si la commission des finances ne campe pas sur ses principes en matière de trajectoire et de redressement et ne pose pas les verrous nécessaires, rien ne sera possible. Mais je ne connais pas de verrou du type d'une loi organique interdisant le déficit : cela ne fonctionnera pas. La situation est donc très complexe.

Laurent Wauquiez n'est évidemment pas resté pour entendre ma réponse à sa question... Les dépenses familiales n'ont pas diminué de 12 %. Je vous renvoie au rapport. Les dépenses gérées par la CNAF dépassent 80 milliards d'euros. Le problème est le suivant : nous avons compensé des baisses de recettes pour la sécurité sociale par le transfert de fractions de TVA, mais aussi par des reclassements de dépenses. La baisse des dépenses de la CNAF résulte principalement du fait que les aides au logement sont intégralement relogées dans le budget de l'État. En discutant avec le président et le directeur de la CNAF, nous avons d'ailleurs constaté un problème de pilotage : plus de la moitié des dépenses que gère la CNAF, relevant de décisions de l'État, n'est donc pas discuté par le conseil d'administration de cet organisme paritaire. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de baisse globale des dépenses familiales à périmètre constant.

En ce qui concerne les mesures relatives au tabac, auxquelles nous reviendrons en abordant les deux amendements de Jean-François Mancel, je veux dire à celui-ci, comme à l'intention d'Éric Woerth et de Valérie Rabault, que les deux mesures proposées se justifient indépendamment du débat récurrent sur le prix du tabac. Là encore, je coche la bonne case – en l'occurrence celle de la « loi Évin », que j'ai écrite avec Jérôme Cahuzac. Sur le prix du tabac, aucun gouvernement n'a réussi à trancher alors qu'il s'agit, on le sait, de l'un des moyens les plus efficaces de lutte contre la surconsommation. La mesure ponctuelle sur le tabac à rouler, tout d'abord, est une mesure de santé publique à l'heure où, tandis que la consommation de cigarettes baisse, celle du tabac à rouler augmente parce que les jeunes se tournent vers ce substitut moins cher – et pas seulement pour fumer du tabac… Quant à la taxe sur le distributeur, qui sera répercutée ou non sur les prix, je rappelle qu'elle vise un distributeur en quasi-situation de monopole et un segment de la chaîne de l'économie du tabac qui n'avait pas encore été traité. Je le répéterai à notre collègue rapporteure générale : nous n'allons pas dire, comme pour la contribution à l'audiovisuel public, que nous avions promis l'an dernier de ne pas augmenter les prix ! Il n'y a pas d'augmentation générale des prix du tabac.

Pourquoi la CNAV est-elle aujourd'hui en excédent ? Comme l'a dit Éric Woerth, cela résulte de l'ensemble des mesures prises. À ceux qui attribueraient la situation présente à la seule action de l'actuelle opposition, je rappellerai l'apport de nos propres mesures, qui ont en fait contrebalancé celles précédemment adoptées. Ainsi, les reports de départs à la retraite résultant des dispositions de 2010 ont été globalement compensés par les retraites anticipées autorisées après de longues carrières. D'ailleurs, entre nous, personne n'a de difficultés à admettre qu'il faut non seulement reporter l'âge de la retraite à 67 ou 70 ans, mais que l'allongement de la durée de cotisation doit être le même que l'on ait commencé à travailler à 15 ans ou à 30.

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